L’engouement pour la série documentaire The Last Dance était si grand qu’on aurait pu croire que Michael Jordan effectuait un troisième retour au jeu.

Le vide sidéral dans le monde du sport provoqué par la pandémie de COVID-19 y est assurément pour quelque chose. Toutefois, l’intérêt pour ce documentaire se cultive depuis plus de 20 ans. Son sujet est la saison 1997-1998 des Bulls de Chicago, l’une des meilleures équipes de tous les temps, toutes disciplines confondues.

C’est aussi l’année du sixième championnat des Bulls en huit ans. La saison ultime du légendaire Michael Jordan à Chicago. Les derniers jours d’un règne quasi incontesté. La fin d’une époque qui a complètement changé la NBA. De quoi intéresser tout amateur de basket et de sport en général.

Les deux premiers de dix épisodes ont été diffusés dimanche soir sur le réseau ESPN aux États-Unis, puis relayés tôt lundi matin sur Netflix Canada.

The Last Dance était d’abord attendu en juin, mais puisque la Terre entière est à la maison, c’était le moment ou jamais de présenter au public le résultat de plus de 500 heures tournées par une équipe ayant bénéficié d’un accès privilégié aux coulisses de cette saison historique des Bulls.

Krause l’antagoniste

Dès le début, le ton est donné : « Jerry Krause était le directeur général des Bulls et il était certainement à la source des tensions si sévères de cette saison. »

PHOTO MICHAEL S. GREEN, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Jerry Krause en octobre 1995

Ces mots sont de Rick Telander, chroniqueur au Chicago Sun-Times. Car malgré tous les succès des Bulls, les conflits internes étaient nombreux. Pas tant entre les joueurs, même si Michael Jordan a affirmé il y a quelques jours que les gens allaient penser qu’il est une personne « horrible » après avoir visionné la série. 

Malgré leur forte personnalité, Jordan, Scottie Pippen, Dennis Rodman, Toni KuKoc, Steve Kerr, le Montréalais Bill Wennington, l’entraîneur-chef Phil Jackson et tout le reste de l’organisation avaient trouvé une formule gagnante et étaient prêts à faire de multiples sacrifices pour poursuivre leur séquence victorieuse. Toutefois, celui qui était à la tête de l’organisation semblait en avoir assez d’être dans l’ombre de ses joueurs vedettes et de leur entraîneur.

On apprend que le lien de confiance entre Krause et Jackson était rompu au point où ce dernier a négocié directement avec le propriétaire Jerry Reinsdorf une prolongation de contrat d’un an pour qu’il revienne défendre son titre. Avant que la saison commence, Krause a cependant assuré aux médias qu’il s’agissait de la dernière saison de Jackson avec les Bulls même s’ils ne subissaient pas la défaite.

Dans le deuxième épisode, qui se penche davantage sur Scottie Pippen, on réalise avec stupéfaction qu’il était loin d’être payé à sa juste valeur. Malgré son rôle crucial dans l’obtention des titres des Bulls et d’excellentes statistiques individuelles, le joueur étoile était au sixième rang dans la liste des plus hauts salariés de son équipe.

Krause a longtemps entretenu des rumeurs d’échange le concernant et a toujours refusé de renégocier son contrat. Pour protester, Pippen a décidé de se faire opérer à un pied juste avant le début de la saison plutôt que pendant l’été. De plus, lors du camp d’entraînement, il a commencé à invectiver Krause devant ses coéquipiers et ses entraîneurs. L’épisode se termine par une demande d’échange de Pippen.

Même si les fans de basket ne seront pas surpris par les « rebondissements » du récit, les images exclusives, les excellentes interventions de journalistes et d’anciens joueurs, le dynamique montage et la superbe trame sonore (Prince, Eric B. and Rakim, LL Cool J) font de The Last Dance, du réalisateur Jason Hehir, un documentaire sportif d’une qualité exceptionnelle. 

Retours dans le temps

Une autre des forces de l’œuvre est de raconter l’histoire des Bulls de 1997-1998 selon trois époques : les années qui ont mené à ce sixième championnat, la saison en question puis aujourd’hui, avec le recul.

Une bonne partie du premier épisode est consacrée à la fulgurante ascension de Michael Jordan. De son tir triomphal en 1982 alors qu’il jouait pour l’Université North Carolina jusqu’à son titre de recrue de l’année en 1985. 

L’impressionnante détermination d’un jeune Pippen est bien illustrée lorsqu’on apprend qu’il a commencé sa carrière à l’Université Central Arkansas comme gérant d’équipement. L’ex-président et ancien gouverneur de l’Arkansas Bill Clinton indique que déjà à l’époque, il savait que Pippen allait être un joueur redoutable. Notons que Barack Obama intervient aussi dans le documentaire en tant qu’ancien résidant de Chicago…

PHOTO ANDY HAYT, NBAE

Scottie Pippen et Michael Jordan en janvier 1998

La deuxième saison de Jordan, minée par une fracture à un pied, est aussi largement discutée dans le deuxième épisode. Même aujourd’hui, on le sent encore frustré par la restriction de 14 minutes de jeu par match qu’on lui a imposée lorsqu’il est revenu sur le terrain.

Le garde de 6 pi 6 po a tout de même réussi à mener les siens en séries éliminatoires, seulement pour affronter les puissants Celtics de Boston et Larry Bird. Ne reculant devant rien, Jordan a inscrit 49 points pour ouvrir les hostilités. Lors de la deuxième rencontre, il a ajouté 63 points, un record qui tient toujours. Les Bulls ont tout de même perdu la série en trois matchs, mais une légende était née.

The Last Dance démontre hors de tout doute que les légendes sont faites pour être racontées. Encore et encore.

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