Russell Martin a eu un impact immédiat à ses deux premières saisons avec les Dodgers de Los Angeles, alors qu'il s'est vite hissé parmi les cinq meilleurs receveurs du baseball majeur, surtout au plan offensif. Après une saison difficile en 2009, le receveur tente de renouer avec le succès lorsqu'il se présente au marbre. Pour ce faire, il doit cependant changer son approche et sa philosophie.

Ça se passe à Los Angeles de la même façon qu'au Québec.

En l'espace de quelques années, le nom d'Éric Gagné s'est effacé, terni par les scandales de dopage.

Et Russell Martin l'a discrètement remplacé, à la fois comme figure de proue des Dodgers que comme emblème du baseball québécois. Mais l'Ontarien d'origine qui a grandi à Montréal l'avoue lui-même: il n'a pas à Los Angeles l'aura qu'a déjà eu l'ex-releveur.

«Je n'ai pas le niveau de célébrité d'une vedette de cinéma, ou même d'Éric Gagné à l'époque, raconte le receveur de 27 ans d'une voix douce. Ce n'est pas aussi gros qu'on puisse le penser!»

Il demeure que Russell J. Martin - il a fait ajouter le J. sur son chandail en référence à sa mère, Susanne Jeanson - a eu un impact immédiat chez les Dodgers. Ses deux premières saisons ont fait de lui une vedette montante du baseball.

Mais cela a créé des attentes. Et maintenant, d'aucuns se demandent si le Martin de 2007, celui qui a cogné 19 circuits, produit 87 points et frappé pour ,293, se remontrera un jour le bout du nez.

Les allées, pas la clôture

Russell Martin s'est vite hissé parmi les cinq meilleurs receveurs du baseball, surtout sur le plan offensif. Mais une chose étrange s'est produite après le match des Étoiles de 2008: sa puissance au bâton s'est évaporée. Il n'a frappé que trois circuits en deuxième moitié de saison cette année-là, et seulement sept l'an dernier.

Et il n'a que cinq longues balles à son actif depuis le début de la présente campagne. «Je n'ai jamais vraiment été un frappeur de circuits, réplique Martin. J'ai la puissance pour le faire de temps en temps, mais mon objectif est surtout de viser les allées. C'est quand je commence à penser aux circuits que je me mets dans le trouble!»

Une analyse que partage son gérant Joe Torre, qui préférerait le voir raccourcir son élan et éviter de viser les clôtures.

«Russell a le potentiel de frapper pour ,300 chaque année, affirme Torre. Ça n'arrivera probablement pas cette saison, mais son aptitude à frapper des flèches en utilisant tout le terrain et le fait qu'il ne soit pas souvent déjoué par les lancers l'en rendent tout à fait capable.»

Rattrapé par la moyenne

Au-delà de la puissance, c'est tout son travail au bâton que Martin tente de retrouver après une saison 2009 difficile.

Il n'a frappé que pour ,250 et ses 53 points produits ont constitué son plus faible total en carrière.

«Je me cherchais et je ne me suis jamais senti à l'aise, admet le sympathique receveur. J'avais une certaine frustration de ne pas connaître mon succès habituel. En plus, je ne voyais pas d'explication technique, ce qui n'aidait pas les choses!

«Mais dernièrement, je me sens mieux, assure-t-il. Même si les statistiques ne sont pas encore là, je recommence à me sentir à l'aise dans le rectangle des frappeurs et je vois mieux la rotation de la balle.»

Même s'il affiche une moyenne de ,241, Martin refuse de se laisser démonter.

«La moyenne au bâton ne dicte pas nécessairement comment va la saison, soutient-il. C'est sûr que je veux faire mieux, mais le plus important, c'est d'avoir de bonnes présences au bâton et de bien diriger mes lanceurs.»

De l'intensité sans être tendu

Ses coéquipiers ne doutent pas qu'il arrivera à redresser la barre. À commencer par Brad Ausmus, vétéran receveur en fin de carrière.

«Ce qui m'impressionne le plus de Russ, c'est son endurance physique et mentale, observe l'athlète de 41 ans. Même lorsqu'il en arrache au bâton ou qu'il connaît un mauvais match, ça ne perce pas son armure. Il est parmi les plus coriaces coéquipiers que j'aie eus.»

Mais on a parfois les défauts de nos qualités, et Torre souhaiterait voir Martin mieux canaliser cette force mentale. «Russell ne doit pas perdre patience avec lui-même, souligne le gérant. C'est un jeune homme très agressif. Il se bat avec lui-même. Et dans ce sport comme dans plusieurs autres, il faut être capable d'avoir de l'intensité sans être tendu. Il faut savoir trouver ce juste milieu, et parfois Russell pèche par excès d'agressivité.»

De la vieille école

Au camp des Dodgers, le printemps dernier, Martin a annoncé aux journalistes sa ferme intention de rebondir après une saison décevante.

Devant les résultats peu convaincants qui ont suivi, ceux-ci se sont demandé si le Québécois n'était pas miné par une surcharge de travail.

«Il est de la vieille école, en ce sens qu'on ne voit plus beaucoup de receveurs comme lui qui jouent systématiquement tous les jours, mentionne Ausmus. Il joue 150 matchs par année!

«De nos jours, plusieurs joueurs utilisent les blessures comme excuse, mais Russ n'emploierait jamais cette tactique-là pour expliquer une mauvaise performance. Il est de retour au boulot dès le lendemain.»

Martin adore le baseball et il veut jouer. Tout le temps.

«Quand on joue chaque jour, on n'arrive plus vraiment à distinguer les moments où on est fatigué de ceux où on ne l'est pas, confie Martin. Il faut se préparer mentalement à jouer, peu importe comment on se sent.

«Je ne veux jamais me dire que je suis fatigué. Car dès le moment où j'accepte d'être fatigué, je me mets à agir comme un gars fatigué. C'est pourquoi, dans ma tête, je suis top shape tous les jours.»

Torre tente de lui donner congé un peu plus souvent que par le passé, mais les Dodgers sont meilleurs avec Martin sur le terrain.

En outre, les rumeurs voulant qu'il soit muté à une autre position semblent s'être estompées.

«Sa défense s'est beaucoup améliorée cette année, en particulier sa façon de bloquer les lancers et sa façon de diriger les lanceurs», indique Ausmus.

Plus de peur que de mal

La saison de Martin aurait pu prendre une tournure tragique, le 8 juin dernier, lorsqu'il a atteint à la tête une fillette de 3 ans pendant l'exercice au bâton des Dodgers.

«Sur le coup, ça fait peur de voir cette toute petite tête qui dépasse des bancs se faire atteindre par une flèche sur le côté de la tête, raconte-t-il.

«Son père l'a prise dans ses bras, voulant juste s'assurer qu'elle était consciente. Mais quand il a vu qu'elle ne l'était pas, ils ont couru à l'hôpital.

«Elle s'est fait opérer dès le lendemain (pour une fracture du crâne) et tout s'est bien passé. C'est sûr que je me suis senti soulagé quand j'ai eu ces nouvelles-là. Mes pensées étaient avec la petite et heureusement que tout s'est bien déroulé...»

Le receveur a reparlé au père de la fillette, mais compte s'entretenir avec lui de nouveau.

«J'aimerais signer un chandail pour la petite ou, au moins, la serrer dans mes bras!»

Une division de l'Ouest améliorée

Martin et les Dodgers ont remporté deux titres de division, en 2008 et 2009, en profitant de la faible compétition dans la division Ouest.

Mais la donne a changé cette année.

«Les jeunes des Padres de San Diego et des Giants de San Francisco ont pris de l'expérience, à commencer par leurs lanceurs, note Martin. La division de l'Ouest est meilleure qu'elle ne l'était auparavant et c'est bon pour nous. Meilleure est la compétition, plus on s'améliore.»

Après s'être inclinés en série de championnat deux ans de suite, les Dodgers tenteront de passer à l'étape suivante à l'automne.

«Autrefois, il y avait des tensions dans l'équipe avec, d'un côté, des jeunes qui commençaient et qui n'avaient pas fait leurs preuves et, de l'autre, des vétérans qui avaient eu plusieurs bonnes années, mais qui étaient vraiment sur le déclin. Or, l'année dernière, l'esprit d'équipe était particulièrement bon. Et je ne pense pas que ça ait changé cette année.»

Il s'agit maintenant pour les Dodgers de s'assurer que leurs meilleurs éléments fonctionnent à plein régime.

Et ça commence avec Russell Martin.