Qui aurait misé quelques dollars là-dessus il y a deux mois ? Les Blue Jays de Toronto, qui avaient conclu la saison 2019 avec une fiche de 67-95, sont de retour en séries éliminatoires pour la première fois depuis 2016. Par la porte arrière, mais ils y sont.

Comme le Canadien de Montréal à l’été, la jeune formation torontoise bénéficie toutefois du cadre élargi « spécial COVID » des éliminatoires 2020. De cinq équipes habituellement admises par ligue, on est passé à huit cette année, au terme d’une saison écourtée à 60 matchs.

Les Jays ont pris le huitième échelon, décrochant ainsi le « privilège » de se frotter au meilleur club de la Ligue américaine, les Rays de Tampa Bay, qui ont remporté l’équivalent de deux matchs sur trois pendant le calendrier. Quarante gains, donc, huit de plus que Toronto.

Doit-on pour autant en conclure que les carottes sont cuites pour la formation canadienne et que, à l’image d’une certaine équipe de hockey au début des années 1970, ils se présenteront « pour apprendre » ? Pas si vite.

« Nos jeunes ont hâte à ce défi et j’adore ça », a commenté le gérant Charlie Montoyo au terme du dernier match de la saison, dimanche, lui qui avait passé près de deux décennies dans l’organisation des Rays avant de prendre les commandes des Jays l’an dernier. Montoyo qui, rappelons-le, a joué ses quatre seuls matchs dans les Majeures en 1993… avec les Expos.

Par ailleurs, les Jays entament les séries en santé. À tout le moins, leurs jeunes joueurs-clés.

Et, pour épouser l’une des nombreuses formules consacrées qui collent à tous les sports, la pression ne sera pas sur leurs épaules.

En début de saison, une majorité d’experts de la planète baseball leur prédisait le quatrième échelon dans la division Est de la Ligue américaine, ils ont atteint le troisième, un seul match derrière les puissants Yankees de New York. Et on ne leur concédait en moyenne que 27 ou 28 victoires. Ramené sur une saison normale de 162 matchs, le noyau à peine post-adolescent des Jays aurait donc signé une douzaine de gains de plus que les pronostics. Pas banal.

Et il y a également le format inhabituel de ces séries 2020 qui pourrait favoriser les Torontois. Le premier tour se décidera en 2 de 3.

Une série courte comme ça peut aller à notre avantage, assurément.

Jasmin Roy, recruteur pour les Blue Jays au Québec

Ces premières rondes seront par contre entièrement jouées au domicile de l’équipe qui présente la meilleure fiche, en l’occurrence au Tropicana Field des Rays. Cette saison, Tampa a gagné 6 des 10 matchs entre les deux équipes, 4 des 7 disputés à son domicile.

« On est en avance sur le plan »

Jasmin Roy ne cache qu’il ne pariait pas d’emblée sur le retour de son club en séries dès cette saison.

« On voyait plus 2021 ou 2022 pour être prétendants aux séries, admet-il. Mais on avait confiance qu’on serait dans les équipes compétitives. C’est une belle surprise, c’est l’fun que nos jeunes puissent vivre ça dès cette année. »

PHOTO FOURNIE PAR JASMIN ROY

Jasmin Roy, recruteur des Blue Jays de Toronto au Québec

Les sources de cette confiance de la direction ?

D’une part, les acquisitions hivernales, en particulier celle de Hyun Jin Ryu, de loin le meilleur partant des Jays cette saison avec une fiche de 5-2 et une moyenne de points mérités de 2,69 en 12 départs.

Mais surtout, la progression des jeunots suscite beaucoup d’enthousiasme en haut lieu.

« Ç’a commencé l’an passé avec les jeunes qui étaient montés à la fin de l’année et qui performaient bien. Les Bichette, Biggio, Guerrero – dans son cas, ç’a tardé un peu –, mais déjà, on voyait qu’on était un peu en avance sur le plan de match initial. Cette année, c’est certain qu’il y avait beaucoup d’incertitudes parce que ce sont des jeunes. Mais finalement, tout est bien tombé », raconte le recruteur québécois, qui est également directeur des affaires étudiantes et communautaires au cégep Édouard-Montpetit.

Bo Bichette a raté la moitié de la saison, blessé. Pendant son absence, le deuxième but Cavan Biggio a beaucoup impressionné Jasmin Roy.

Plus tout à fait jeune, mais pas encore un vétéran, le voltigeur Teoscar Hernández a de son côté été le joueur le plus utile des Torontois, affirme Roy. À 27 ans, Hernández a explosé cette saison avec 16 circuits et 34 points produits en 50 matchs. « Il était bon, mais cette année, il a été exceptionnel. »

Les jeunes prometteurs avec le grand club sont essentiellement des joueurs de position. Les Jays ont d’ailleurs terminé parmi les quatre premiers clubs de l’Américaine dans pratiquement toutes les principales statistiques d’équipe offensives : troisièmes pour les points, les points produits et les doubles, quatrièmes pour les coups sûrs, les circuits et la moyenne au bâton.

À l’inverse, les Rays ont fini deuxièmes derrière les Indians de Cleveland pour la moyenne de points mérités collective.

C’est donc là que ça risque de se jouer. Les jeunes et talentueux frappeurs des Jays réussiront-ils à ébranler la solide rotation des Rays ?