Rusty Staub, qui est décédé des suites d'une défaillance d'organes multiple tôt dans la nuit de jeudi dans un hôpital du sud de la Floride, a marqué de nombreux Québécois qui l'ont côtoyé au fil de sa longue et prestigieuse carrière dans le Baseball majeur.

Staub, qui aurait célébré son 74e anniversaire de naissance le 1er avril, a reçu un concert d'éloges jeudi matin de la part de nombreux acteurs qui ont gravité de près ou de loin dans l'univers du baseball à Montréal au fil des années, dont Jacques Doucet et Claude Raymond.

Le départ de Staub, le deuxième membre de l'édition inaugurale des Expos à rendre l'âme en 2018 après l'ancien troisième-but Bob Bailey, au début de janvier, laissera de toute évidence un grand vide dans le coeur des Montréalais. C'est le cas de Claude Raymond, qui a été son coéquipier chez les Colts .45 de Houston - devenus les Astros en 1965 - entre 1964 et 1967, avant de renouer avec lui à Montréal entre 1969 à 1971.

«Je perds un grand ami. J'étais toujours en communication avec lui, et j'allais d'ailleurs l'appeler pour lui souhaiter bonne fête dimanche. Peu importe le domaine, vous savez, quand on perd quelqu'un de proche de vous, c'est comme si on perd un membre de sa famille. C'est la même chose dans la grande famille du baseball... Même s'il me semble qu'il en part beaucoup plus qu'avant, là», a mentionné M. Raymond en entretien téléphonique depuis la Floride.

Jacques Doucet, qui fut commentateur des matchs des Expos à la radio à compter de 1972 - et ce, jusqu'au déménagement de l'équipe en 2005 -, s'est dit attristé par la perte de celui qu'on a surnommé «le Grand Orange» à cause de sa taille et de ses cheveux roux.

«On savait que sa santé était chancelante depuis un bout de temps - il a été victime d'un infarctus il y a quelques années -, mais malheureusement c'est toujours un choc quand on apprend une nouvelle comme celle-là», a déclaré M. Doucet en entretien téléphonique avec La Presse canadienne.

Le commissaire des Ligues majeures de baseball, Rob Manfred, a pour sa part fait l'éloge de Staub dans un communiqué.

«Rusty était un superbe ambassadeur de notre sport et un individu généreux connu pour les efforts communautaires, en particulier pour la police de New York et les services d'incendie, a déclaré Manfred. Au nom des Ligues majeures de baseball, j'offre mes plus sincères condoléances à la famille et aux amis de Rusty, aux fans des Mets et à ses nombreux admirateurs aux États-Unis et au Canada.»

La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a également souligné la contribution de Staub à l'essor de la ville.

«Après avoir connu l'effervescence du retour du baseball, les Montréalais(es) sont aujourd'hui en deuil, a-t-elle écrit sur Twitter. Rusty Staub, une des premières grandes vedettes des Expos, nous a quittés. Le Grand Orange nous lègue sa passion et des souvenirs impérissables.»

Pour M. Doucet, il ne fait aucun doute que Staub a été le premier à laisser son empreinte sur l'organisation, et qu'il fut l'un des instigateurs de la relation d'amour entre l'équipe et le public montréalais.

«Ç'a été la première grande vedette des Expos, même si Bill Stoneman avait réussi un match sans point ni coup sûr à Philadelphie une dizaine de jours après le début de l'histoire des Expos, s'est-il souvenu. Mais le gars qui a marqué le début de l'histoire de l'équipe à Montréal, c'est Rusty Staub.»

Selon le descripteur, qui a marqué l'imaginaire de milliers de Québécois en commentant les matchs des Expos à la radio pendant des décennies, Staub a connu du succès dans les ligues majeures en raison de sa polyvalence.

«À sa première saison, il avait frappé pour ,300 avec 29 circuits, puis les Expos lui avaient demandé de produire un peu plus de points à sa campagne suivante, a évoqué M. Doucet. Alors il a frappé une trentaine de circuits encore, mais en produisant 94 points. Sa moyenne avait baissé, mais c'était le genre de frappeur qui pouvait s'adapter aux exigences.»

M. Raymond, qui est aujourd'hui âgé de 80 ans, a quant à lui souligné les exploits de Staub en défensive.

«C'était un artiste sur le terrain. Quand on parle des meilleurs bras qu'on a eus à Montréal, il y a bien sûr eu (Vladimir) Guerrero, (Ellis) Valentine et (Larry) Walker, mais il faudrait aussi mettre Staub dans cette catégorie-là, a-t-il poursuivi. En carrière, je crois qu'il a au-delà de 150 assistances comme voltigeur de droite, ainsi que 33 doubles jeux, donc il avait un bon bras. Son bras était important pour lui: chaque fois que je me lançais la balle avec lui, il lançait de toutes ses forces. Il prenait ça à coeur le baseball, ç'a été sa vie.»

Un athlète soucieux du marché francophone

Au-delà de ses performances sur le terrain, M. Doucet se souviendra surtout de Staub comme étant un homme qui avait à coeur les réalités montréalaises.

«Les gens ne le savent pas, mais ç'a été un des premiers à apprendre le français, a souligné M. Doucet. Oui, il venait de La Nouvelle-Orléans, mais il ne parlait pas la langue à son arrivée avec l'équipe. Je me souviens, à son deuxième séjour avec les Expos, je lui avais demandé de participer à l'émission Les amateurs de sports à la station CKAC et il m'avait dit: "Pas de problème".

«Au début de l'entretien, je lui avais dit que les gens allaient lui poser des questions en français et que j'allais les traduire, sauf qu'il devait répondre de manière très courte afin que je puisse ensuite traduire ses réponses. La première intervenante avait été une dame, et après avoir posé sa question, alors que je m'apprêtais à la lui traduire, il m'a dit: "Non, non, Jacques, j'ai compris", avant de lui répondre en français. C'était un gars qui avait Montréal à coeur. C'était un gars qui savait s'adapter.»

M. Doucet, qui est âgé de 78 ans, a aussi souligné sa grande disponibilité, «chaque fois qu'on avait besoin de lui pour représenter les Expos ou diffuser le bon Évangile du baseball à travers le Canada».

D'ailleurs, selon M. Doucet, Staub est resté marqué par son passage avec les Expos - surtout lors de son deuxième en 1979.

«C'est un gars qui avait le baseball et Montréal à coeur. Personne n'a oublié l'incroyable ovation dont il avait fait l'objet à son retour (au Stade olympique) en 1979, ni même lui d'ailleurs, a-t-il dit. Chaque fois que j'ai croisé Rusty par la suite, il m'en parlait. Il n'en revenait pas, car même s'il n'avait passé que trois saisons à Montréal, les gens l'avaient adopté. Il avait trouvé ça incroyable et d'ailleurs Montréal a toujours eu une place bien spéciale dans son coeur.»