Les Phillies de Philadelphie ont annoncé le rappel du Québécois Jesen Therrien, vendredi. « C'est seulement le début », croit Éric Gagné, qui guide le jeune lanceur depuis ses débuts chez les professionnels.

En 2000, les Expos repêchaient le receveur Russell Martin sur la recommandation du recruteur québécois Alex Agostino. Dix-sept ans plus tard, Agostino récidive. Un autre Québécois qu'il a recruté rejoint Martin dans les majeures.

Les Phillies de Philadelphie ont annoncé le rappel du lanceur Jesen Therrien. Le releveur droitier, originaire de Montréal-Nord, a rejoint son équipe vendredi pour une série de quatre matchs contre les Braves d'Atlanta.

La route de Therrien vers le baseball majeur a été parsemée d'obstacles. Ses premiers pas dans les rangs professionnels ont été difficiles, tant et si bien que son agent, Jethro Supré, a appelé à l'aide. Il s'est tourné vers un vieil ami : Éric Gagné.

« Il n'y a pas beaucoup de Québécois dans les majeures, donc on essaie de garder un esprit de famille », souligne Gagné, joint par La Presse vendredi.

UN MENTOR

Quiconque connaît Montréal-Nord sait qu'on n'y vit généralement pas dans l'opulence. « Il n'a pas grandi en prenant des vacances à Disney World chaque année, illustre Agostino. Mais il a toujours eu du soutien, surtout de sa mère, de son grand-père et de son frère Eddy. Pour réussir, tu n'as pas besoin de cadeaux, du meilleur bâton ou du meilleur gant. Tu as besoin de talent, de travail et de soutien. Il a eu tout ça. »

Grâce à ces trois éléments, Therrien s'est fait remarquer par Agostino, qui l'a recommandé aux Phillies. En 2011, au 541e rang, ils ont donc tenté leur chance avec lui.

Therrien a toutefois vite connu la dure réalité du baseball professionnel. En 2012, sa fiche était de 0-5. Lors des deux saisons suivantes, il a présenté une moyenne de points mérités supérieure à 5,00.

C'est là que l'agent de Therrien s'est tourné vers Éric Gagné.

« Je ne suis pas du genre à m'imposer, mais quand Jethro m'a appelé, ça m'a fait plaisir de l'aider, raconte Gagné, depuis son domicile en Arizona. C'était normal qu'il ait de la misère, c'était de l'apprentissage. Quand ça va bien, tu n'apprends pas. C'est quand ça va mal que tu apprends. »

Dès lors, Therrien s'est mis à passer deux ou trois mois par hiver à travailler avec Gagné. Therrien ne faisait pas que travailler avec l'ancien lauréat du trophée Cy-Young, il vivait chez lui.

« Dans les mineures, tu gagnes 800 $ par mois avant les impôts. Moi, j'ai connu ça, je m'entraînais tout seul en Floride en lançant des balles sur un mur. Je n'avais pas une cenne ! Je savais très bien qu'il ne pouvait pas se payer des semaines en Arizona, donc il logeait chez nous et il nous aidait comme il pouvait, avec les enfants.

« Je n'aime pas dire que je travaille, parce que c'est tellement facile de travailler avec lui. Il aurait pu passer ses hivers à Montréal avec ses amis. Mais il était prêt à faire les sacrifices et il voulait apprendre. On se parle presque chaque fois qu'il lance pendant la saison. J'essaie de lui parler de mon expérience des majeures. »

« C'est long, une saison de 162 matchs ! Des jours, ça ira bien. D'autres jours, non. Mentalement, il est prêt, et c'est ça, la grosse différence. C'est le it factor. »

LE RECRUTEUR

Le rappel de Therrien est en quelque sorte une double victoire pour le baseball québécois, car le succès du jeune homme de 24 ans rejaillira sur Agostino, qui l'a recruté.

« Je suis content pour Jesen, mais aussi pour Alex, mentionne l'analyste et ancien joueur Marc Griffin. Un dépisteur doit se battre pour que son joueur soit pris. Tu es dans le war room avec les autres recruteurs de ton équipe, ce n'est pas une job facile. Tu pousses tes joueurs chaque année. Des fois, ça fonctionne. Des fois, non. Mais quand ils sélectionnent ton joueur et qu'il se rend dans les majeures, c'est tout un succès. »

« Je suis fier en tant que recruteur, mais tout le mérite revient à Jesen, réplique Agostino. Il devient une inspiration pour les jeunes qui jouent pee-wee, qui n'ont pas des parents riches, qui n'ont pas nécessairement le meilleur équipement. »

À QUOI S'ATTENDRE ?

Jeudi, les IronPigs de Lehigh Valley, la filiale AAA des Phillies, venaient de subir une défaite de 3-2 quand Therrien a vécu un moment d'inquiétude.

« Un adjoint a dit d'un ton un peu bête : "Jesen, le gérant veut te voir." Il ne savait pas trop ce qui se passait, raconte Agostino. Une fois dans le bureau, le gérant lui a dit : "Tu as assez niaisé ici. C'est le temps d'aller dans les majeures !" »

Therrien se joint à une équipe qui ratera assurément les séries, avec une fiche de 35-64, la pire du baseball majeur.

« Je n'ai pas eu de conversation avec l'équipe, mais en général, quand un jeune est rappelé comme ça, il a la chance de se faire valoir, explique Jethro Supré, son agent. Je m'attends donc à ce qu'il finisse la saison avec le grand club. Ces deux mois vont permettre à l'équipe de se faire une tête à son sujet. »

« C'est un test, rappelle Marc Griffin. Il ne doit pas changer. Il doit faire la même chose qu'il faisait dans le AA et le AAA. Mais là, il affrontera les meilleurs au monde. Ils vont probablement le placer dans deux, trois situations différentes : en septième manche, sinon en huitième manche avec deux coureurs sur les buts. Ils vont évaluer dans quel genre de situation il se sent le mieux. Et si ça ne va pas bien, ils regarderont comment il rebondit. Connaissant le jeune, il est tellement exigeant envers lui-même qu'il va faire les ajustements nécessaires. »

« Il devra continuer, car dans les majeures, chaque jour, quelqu'un veut prendre ta job, rappelle Gagné. Le stage est énorme, il y a beaucoup de pression. Je lui en parlais dans les derniers jours, il devra bien réagir. Là, c'est seulement le début. »