Comme le gouvernement Harper avant lui, le gouvernement Trudeau n'entend pas financer les projets d'infrastructures d'équipes sportives professionnelles, a indiqué le ministre fédéral de l'Infrastructure et des Collectivités Amarjeet Sohi, en entrevue avec La Presse.

Si Montréal parvient à obtenir à nouveau une équipe du baseball majeur, son nouveau stade au centre-ville devra se faire sans fonds fédéraux pour les infrastructures. «Nous avons d'autres priorités, soit d'investir dans les infrastructures critiques pour nos communautés, et nous allons nous concentrer sur ce type d'infrastructures», dit le ministre Sohi.

Au cours des 10 prochaines années, Ottawa entend augmenter de 65 milliards à 125 milliards ses dépenses en infrastructures. Mais voilà: les infrastructures de sport professionnel ne sont pas admissibles aux programmes actuels, soit les 65 milliards déjà budgétés, et ne seront pas admissibles aux trois nouveaux programmes (20 milliards pour les transports publics; 20 milliards pour les infrastructures sociales et communautaires; 20 milliards pour les infrastructures vertes) qui seront créés par le gouvernement Trudeau, a expliqué hier le ministre Sohi à La Presse.

En campagne électorale, le chef libéral Justin Trudeau n'avait pas fermé la porte à l'idée d'investir dans la construction d'un nouveau stade de baseball advenant le retour des Expos.

«Nous cherchons toujours à être un bon partenaire pour servir les citoyens de la bonne façon et créer de la croissance», avait dit M. Trudeau lorsqu'on l'avait interrogé à ce sujet. Le maire de Montréal, Denis Coderre, un grand partisan du retour des Expos, avait indiqué par la même occasion qu'il n'avait pas demandé de financement public pour le projet d'un stade de baseball.

Amarjeet Sohi n'est pas opposé en soi à ce que les pouvoirs publics puissent financer une partie des infrastructures sportives professionnelles. Avant d'être élu député fédéral et nommé ministre de l'Infrastructure et des Collectivités en 2015, il a été conseiller municipal pendant huit ans à Edmonton, où il a voté en 2013 en faveur d'une entente avec les Oilers pour financer en partie la construction de leur nouvel amphithéâtre de 480 millions de dollars.

«J'ai joué un rôle de leader pour que ça arrive, souligne M. Sohi. Je comprends la valeur de ces projets. Cela étant dit, nous disons clairement que l'argent additionnel sera investi selon trois sources de financement: les transports publics, les infrastructures sociales - logement social, infrastructures communautaires et récréatives - et les infrastructures vertes.»

Les infrastructures de sport professionnel en sont-elles exclues? «Si elles ne sont pas mentionnées, c'est qu'elles en sont exclues, qu'elles ne sont pas admissibles», précise-t-il.

Distinguer le conseiller du ministre

Les projets d'infrastructures de sport professionnel ne sont pas admissibles aux programmes actuels de Chantiers Canada et du Fonds fédéral de la taxe sur l'essence.

En vertu de ces programmes, le gouvernement fédéral n'a ainsi pas participé au financement de l'amphithéâtre de Québec (le Centre Vidéotron), inauguré en septembre dernier. À Edmonton, le fédéral a investi seulement 7 millions dans une patinoire communautaire, qui était admissible. En vertu de l'entente conclue en 2013, la Ville d'Edmonton paie 279 millions sur le coût total de 606,5 millions du projet des Oilers, qui comprend aussi des arénas et des infrastructures communautaires.

Edmonton débourse notamment 200 millions (la Ville se fera toutefois rembourser 120 millions au fil des ans grâce à une taxe sur les billets) pour l'aréna des Oilers.

Le ministre Sohi rappelle qu'il faut distinguer son appui comme conseiller municipal au projet d'Edmonton et son nouveau rôle en tant que ministre responsable des programmes d'infrastructures au sein du gouvernement Trudeau.

«Ce n'est pas une question de mon opinion personnelle, explique-t-il. En vertu du financement disponible actuellement et des nouvelles sources de financement promises dans notre plateforme, les infrastructures de sport professionnel ne sont pas admissibles. »

Québec a déjà dit non

Au Québec, le premier ministre Philippe Couillard a indiqué en mai dernier que son gouvernement n'avait pas l'intention de financer un projet de stade de baseball professionnel à Montréal.

«Regardez bien, actuellement, il n'y a pas d'argent public prévu pour ça... pas du tout. Ce sont des entreprises très rentables, à ce que j'en sais, les concessions de baseball majeur, spécifiait le premier ministre Couillard. On va laisser le dossier évoluer. Les gens aiment le baseball à Montréal, c'est bien connu. Mais il faut que le secteur privé joue son rôle ici.»

Un groupe d'hommes d'affaires montréalais s'intéresse discrètement depuis moins de deux ans au projet de ramener une équipe de baseball majeur à Montréal.

Ce groupe comprend notamment l'homme d'affaires Stephen Bronfman, qui a cosigné récemment avec le maire Coderre une lettre envoyée aux 30 propriétaires du baseball majeur pour promouvoir la candidature de Montréal. Proche de M. Trudeau, M. Bronfman a agi comme directeur national du financement du Parti libéral du Canada en prévision de la dernière campagne électorale.

Les dirigeants du baseball majeur ont déjà indiqué publiquement que tout projet éventuel de retour des Expos devrait passer notamment par la construction d'un nouveau stade de baseball.

PHOTO PC

Le ministre de l'Infrastructure et des Collectivités, Amarjeet Sohi.