Pour les mélomanes, 1994 est synonyme de la mort de Kurt Cobain et de Nirvana. Pour les amateurs de baseball, c'est l'année de la mort des Expos. Ou presque.

À ce moment, les Expos formaient la meilleure équipe des ligues majeures. Menés par de jeunes prodiges comme Moises Alou, Marquis Grissom et Pedro Martinez, ils dominaient le circuit dans plusieurs facettes du jeu.

«Nous avions une excellente défense. Tout le monde s'entendait très bien. Ça joue toujours pour beaucoup», s'est souvenu le lanceur Ken Hill, meilleur partant de l'équipe avec ses 16 victoires, lorsque La Presse l'a joint chez lui au Texas.

Forts d'une fiche de 74 gains et 40 revers, tout portait à croire que les Expos auraient enfin une véritable chance d'atteindre les Séries mondiales pour la première fois de leur histoire. Peut-être même de remporter le championnat.

Mais le 12 août, ce beau rêve s'est brisé.

Ce jour-là, les joueurs ont déclenché une grève désormais célèbre, mettant du coup fin aux activités dans le baseball majeur. Le mois suivant, voyant que les négociations piétinaient, le commissaire Bud Selig a annoncé l'annulation du reste de la saison.

«C'est certain que c'était décevant. Mais la raison pour laquelle nous étions en grève, c'est que nous nous battions pour chacun d'entre nous et pour les vies de tout le monde. On ne voulait pas que ça arrive, mais ça vient avec le fait d'être dans un syndicat», souligne Hill.

«C'était difficile. Je pense qu'au sein des Expos, nous espérions qu'ils allaient essayer de poursuivre la saison. On s'accrochait à l'espoir, mais à mesure que ça se poursuivait, on se doutait qu'on ne pourrait plus jouer», ajoute le receveur Darrin Fletcher, nommé dans l'équipe d'étoiles de la Ligue nationale en 1994.

Plus jamais les mêmes

Une fois le conflit résolu, les Expos ont été forcés de se départir de plusieurs de leurs vedettes, principalement pour des raisons financières. Le club n'a plus jamais été le même par la suite, jusqu'à son départ pour Washington en 2004.

La reprise du travail s'est d'ailleurs avérée difficile, car autant les joueurs que les propriétaires ont dû affronter la colère des partisans, qui ont eu la nette impression d'avoir été trahis dans toute cette histoire.

«Le début de l'année 1995 a été difficile, car nous sommes revenus en raison d'une injonction et non grâce à un nouveau contrat de travail. Il existait toujours une amertume entre les propriétaires et les joueurs et les partisans étaient pris au milieu de ça», souligne Fletcher.

«Il y avait un goût amer lorsque nous sommes revenus, poursuit-il. L'année 1995 a été une saison étrange dans le baseball. L'excitation n'était simplement pas là, surtout au début.»

Retrouvailles

Samedi, à l'occasion du deuxième match entre les Blue Jays de Toronto et les Mets de New York au Stade olympique, l'amertume a fait place aux réjouissances. Les joueurs de l'édition 1994 ont alors été présentés à la foule, avant de prendre part à un souper-gala organisé par l'ancien Expos Warren Cromartie et Projet Baseball Montréal à l'hôtel Reine-Elizabeth.

Les partisans montréalais ont donc eu la chance d'applaudir les Cliff Floyd, Wil Cordero, John Wetteland et autres Larry Walker pour la première fois en deux décennies.

«Nous étions tous jeunes et on commençait nos carrières. Je demeure en contact avec quelques-uns, mais j'en verrai plusieurs pour la première fois depuis ce temps», se réjouit Darrin Fletcher.

On ne saura jamais s'ils auraient pu en effet remporter la Série mondiale. Mais nul doute que ces Expos de 1994 seront acclamés en champions.

Cinq moments forts de la saison 1994

13 avril

La jeune sensation Pedro Martinez lance un match parfait après sept manches. Il a entre autres retiré le voltigeur Reggie Sanders sur des prises en deux occasions avec des tirs à l'intérieur. En huitième manche, à quatre retraits de l'exploit, Pedro atteint Sanders d'un lancer et les deux bancs se vident lors d'une mêlée au monticule. «Je ne pense pas qu'un seul lanceur ayant un match parfait à sa portée ne va pas atteindre volontairement un frappeur», dira par la suite le gérant Felipe Alou. En début de neuvième manche, Martinez concède un coup sûr au premier frappeur et Alou le retire à la faveur de John Wetteland. Une soirée haute en couleur qui se terminera par une victoire de 3-2 des Expos.

27 juin

C'est la visite du partant Greg Maddux et des Braves d'Atlanta au Stade olympique. Devant leur plus grosse foule de la saison jusque-là (45 291 spectateurs), les Expos remportent une victoire de 7-2. Marquis Grissom frappe quatre coups sûrs et vole deux buts, tandis que Cliff Floyd sème l'hystérie avec un circuit de trois points face au meilleur lanceur des majeures. Les jeunes Expos démontrent qu'ils ne souffrent d'aucun complexe face à leurs ennemis jurés.

12 juillet

Au match des Étoiles du baseball majeur, présenté à Pittsburgh, les Expos sont représentés par cinq joueurs, soit Moises Alou, Marquis Grissom, Darrin Fletcher, Wil Cordero ainsi que le partant Ken Hill. Alou produit le point victorieux en 10e manche à l'aide d'un double.

22 juillet

Après avoir pris temporairement la tête de la division Est le 10 juillet, les Expos s'en emparent pour de bon en vertu d'un gain de 8-2 face aux Dodgers de Los Angeles. Ken Hill enregistre sa 14e victoire de la saison - un sommet dans la Ligue nationale à ce moment-là - et les Expos l'emportent en frappant pas moins de huit doubles.

1er août

La vitesse est l'une des marques de commerce des Expos en 1994 et Marquis Grissom en fait la démonstration en réussissant un circuit à l'intérieur du terrain qui procure une victoire de 3-2 aux Expos en 10 manches face aux Cards de St-Louis.

Et en extra... 12 août

La grève des joueurs du baseball majeur est déclenchée après qu'on l'eut senti venir pendant des semaines. Les joueurs repartent chacun de leur côté mais à ce moment-là, personne ne pense que la saison 1994 est terminée pour de bon. Les Expos présentent à ce moment-là le meilleur dossier des ligues majeures avec une fiche de 74-40.