À l'évidence, Warren Cromartie ne manque pas d'optimisme par rapport au retour du baseball majeur à Montréal. Cependant, tous ne partagent pas son enthousiasme.

C'est notamment le cas de Claude Brochu. L'ancien président des Expos, qui a à la fois connu la gloire et la misère du club, ne voit pas comment Cromartie et Projet Baseball Montréal pourraient mener à bien leur entreprise à l'heure actuelle.

«Je ne sais pas s'ils comprennent l'énormité du travail à faire», laisse-t-il tomber en entrevue avec La Presse.

M. Brochu trouve entre autres que les estimations d'Ernst & Young quant aux coûts du rapatriement d'une équipe à Montréal sont trop basses. Alors que la firme prévoit une facture totale de 1,025 milliard, il croit que cette somme s'approcherait davantage de 1,5 ou 1,6 milliard.

«La dernière concession qui a été vendue, les Padres de San Diego, l'a été pour 800 millions $ US. Avoir une concession à Montréal coûterait au moins cela, sinon plus», dit-il.

M. Brochu se demande aussi qui pourrait bien avoir les reins assez solides - et les poches assez profondes - pour faire l'acquisition d'une équipe de baseball.

«Au Québec, on a de la richesse. Mais être milliardaire, ça ne suffit pas. Il y a toujours la possibilité de voir Bell ou Québecor, mais c'est du gros argent. Et en général, une équipe de sport professionnel a un effet négatif sur les actions d'une entreprise», fait-il valoir.

Oubliez Bronfman

Chose certaine, cette personne ne sera pas Charles Bronfman. Propriétaire des Expos de leurs débuts jusqu'en 1990, il ne veut pas replonger dans le monde du baseball.

«J'ai déjà donné», dit celui qui partage désormais son temps entre New York et la Floride.

Sans rejeter catégoriquement la possibilité de revoir un club à Montréal, M. Bronfman rappelle que la tâche sera compliquée par le fait que «moins de clubs veulent déménager», de même que par le système de partage des revenus, qui n'existait pas à l'époque des Expos.

Lorsqu'on lui demande quel genre de propriétaire il verrait pour les nouveaux Expos, M. Bronfman a une idée très claire du profil recherché.

«Le propriétaire doit être local et il doit comprendre Montréal, le marché et ses subtilités, estime-t-il. Jeffrey Loria a été terrible et pas seulement parce qu'il venait de l'extérieur, mais aussi parce qu'il ne comprenait pas la ville.»

Un public à convaincre

Pour sa part, Philip Merrigan, professeur d'économie à l'UQAM spécialisé en économie du sport, doute fortement que les contribuables acceptent de voir leur argent être utilisé pour amener une équipe de baseball dans la métropole, «surtout dans l'état actuel des finances publiques».

«Dans le rapport, on parle d'un investissement public d'environ 400 millions pour un stade. Quatre cents millions, c'était déjà controversé pour un aréna de hockey à Québec. Quand on pense que le baseball est moins populaire...», affirme-t-il.

À son avis, le défi de convaincre la population sera d'autant plus grand que la jeune génération n'a presque pas connu les Expos et leurs meilleures années. Sans oublier que le public pourrait se raréfier dans le cas d'une suite de mauvaises performances de la part de l'équipe.

«Il faut être sacrément sûr de pouvoir offrir un bon spectacle. Si on a une équipe perdante, ce serait étonnant d'avoir 25 000 personnes dans les gradins», souligne M. Merrigan.

Si équipe et stade il y a, bien sûr.