Les cliniques anti-âge devaient être la chasse gardée de septuagénaires désireux de prolonger leur vie. Elles devaient être un lieu de prédilection pour des grands-mères avides des dernières technologies antirides. Or, le controversé mouvement anti-âge semble être devenu le nouveau refuge du dopage sportif.

Deux événements sont venus le rappeler coup sur coup. Il y a d'abord eu, la semaine dernière, les révélations sur le contrôle positif du sprinteur Tyson Gay. Les médias américains ont révélé dans la foulée que Gay avait consulté un médecin spécialiste de l'anti-âge. Puis, le baseball majeur a suspendu lundi le voltigeur Ryan Braun, des Brewers de Milwaukee, pour le reste de la saison.

Braun est impliqué dans un énorme scandale de dopage dont l'épicentre se trouve à Miami. La clinique Biogenesis, un centre anti-âge, avait plusieurs clients évoluant dans le baseball majeur, jusqu'à ce qu'un journal de la Floride révèle qu'elle servait surtout de paravent pour le dopage sportif.

Braun a admis s'être dopé, mais n'a pas précisé à l'aide de quelle substance. La ligue mène sa propre enquête. Douze joueurs ont été entendus, dont Alex Rodriguez, des Yankees de New York. D'autres suspensions devraient suivre.

Le président de l'agence antidopage canadienne, Paul Melia, note que «ces cliniques sont de plus en plus courantes».

«Les cliniques anti-âge visent une population vieillissante qui perçoit les hormones de croissance ou la testostérone comme une manière de combattre les effets du vieillissement, explique ce spécialiste de la lutte au dopage. Ce sont beaucoup des acteurs ou des gens avec assez d'argent pour se payer ces médicaments.

«Mais ce sont aussi des produits qu'utilisent des athlètes pour se doper. Les cliniques anti-âge se trouvent donc à l'intersection de ces deux clientèles», ajoute M. Melia.

Un des principes du mouvement anti-âge consiste à combattre le vieillissement par les hormones. «La perte des hormones est une façon utilisée par la nature pour nous aider à mourir», a déjà dit un spécialiste américain de l'anti-âge, Edmund Chein.

Pour arriver à inverser le phénomène naturel qui consiste à perdre des hormones avec l'âge, des médecins n'hésitent pas à prescrire hormones de croissance et testostérone. Le principe n'est pas nouveau. Le chercheur français Charles-Édouard Brown-Séquard croyait dès 1889 pouvoir inverser le déclin hormonal grâce à une mixture d'extraits de testicule de chien et de cochon d'Inde qu'il s'injectait.

Les produits modernes se sont grandement raffinés et viennent sous forme de crèmes. Si hormones de croissance et testostérone sont légales pour le commun des mortels, elles sont toutefois bannies par l'Agence mondiale antidopage.

«Je pense que certains athlètes doivent être très mal conseillés dans ces cliniques quant à la légalité de ces produits dans le sport», croit M. Melia.

Le mouvement anti-âge promet de réduire les effets du vieillissement grâce à ces produits. Mais les athlètes en tirent un autre bénéfice. Les hormones de croissance et la testostérone permettent une meilleure récupération musculaire. L'athlète qui en consomme pourra donc s'entraîner davantage que ses compétiteurs.

La popularité grandissante de ces cliniques pourrait représenter une menace pour l'intégrité du sport, croit le président de l'agence antidopage canadienne. «Je ne sais pas jusqu'à quel point ces cliniques sont répandues au Canada, note M. Melia. Mais c'est assurément un sujet qui mérite investigation.»

Le scandale Biogenesis en quatre temps

L'article

Le 31 janvier, un article du Miami New Times ébruite l'affaire. Un ancien employé à qui la clinique Biogenesis doit des arriérés de salaire se venge en offrant des documents incriminants au journal. On y trouve le nom d'une vingtaine de joueurs de baseball, dont ceux d'Alex Rodriguez, de Ryan Braun, de Melky Cabrera, de Nelson Cruz et de Bartolo Colon. Les documents démontrent aussi que la clinique anti-âge fournit à ses clients des hormones de croissance, de la testostérone ainsi que des stéroïdes anabolisants. Tous ces produits sont interdits par le baseball majeur.

L'enquête

Dans la foulée de la parution de l'article, le baseball majeur décide de mener une enquête. Il tente d'abord d'obtenir les documents incriminants auprès du Miami New Times, qui refuse de les lui fournir. La ligue parvient finalement à les acheter en avril à un ancien employé. Elle décide également d'entendre le témoignage de tous les joueurs impliqués dans l'affaire.

Le silence

Selon un article du réseau ESPN daté du 11 juillet, le baseball majeur a commencé à interroger les joueurs, mais il s'est heurté à un mur du silence. Une dizaine de joueurs ont choisi de se présenter à une audience avec la ligue, mais ont refusé de répondre à ses questions. C'est notamment le cas de Ryan Braun. Toujours selon ESPN et sa source, le commissaire Bud Selig a l'intention de suspendre plusieurs joueurs, dont Braun et Rodriguez.

La sanction

Le 22 juillet, une première tête tombe. La ligue annonce la suspension de Ryan Braun pour le reste de la saison. Le voltigeur de 29 ans va donc manquer les 65 matchs restants, en plus de voir son salaire annuel de 8,5 millions être amputé de 3 millions cette année. Selon plusieurs médias, la suspension de Braun est la première d'une longue liste.