Vous voulez savoir comment revamper une équipe professionnelle de baseball assez ordinaire et ragaillardir ses partisans en trois étapes?

D'abord, condition essentielle, assurez-vous que vos grands patrons délient suffisamment les cordons de leur bourse, puis complétez une méga-transaction avec un directeur général qui vient justement de recevoir de ses supérieurs la consigne diamétralement opposée: sabrer au maximum dans les dépenses.

Comme vous ne craignez guère la controverse ou les commérages, affichez de nouveau votre audace en embauchant - la même journée - un voltigeur qui faisait littéralement flèche de tout bois en attaque la saison précédente, avant d'échouer un test antidopage.

Toujours avec l'aval des propriétaires de l'organisation, ajoutez finalement la cerise sur le gâteau, soit un lanceur partant de première qualité qui, constatant l'effervescence d'une future équipe championne, acceptera volontiers une prolongation de contrat.

Vous défrayerez alors la chronique partout dans les médias en Amérique du Nord et inonderez les réseaux sociaux. Même si vous dirigez une équipe canadienne.

Le 19 novembre

On fait évidemment référence à la grande métamorphose orchestrée par le jeune directeur général des Blue Jays de Toronto, Alex Anthopoulos, pendant la saison morte. Avec la bénédiction du président Paul Beeston et des gens de Rogers Communications.

Anthopoulos s'est révélé l'acheteur principal, le 19 novembre dernier, dans la grande vente de feu des Marlins de Miami, s'offrant les services de l'arrêt-court Jose Reyes, des lanceurs Josh Johnson et Mark Buehrle ainsi que du joueur d'utilité Emilio Bonifacio.

Quelques heures plus tard, les Jays ont annoncé l'arrivée de Melky Cabrera, qui cartonnait avec les Giants de San Francisco - et flirtait même avec le championnat des frappeurs de la Ligue nationale (,346) -, avant qu'un taux de testostérone trop élevé décelé dans son organisme se transforme en suspension de 50 matchs, le 15 août.

«Nous sommes des aspirants, a déclaré Anthopoulos au lendemain de cette journée pour le moins rocambolesque. Mais ça ne signifie pas que notre équipe soit maintenant parfaite ou qu'il faille cesser de s'améliorer.»

Non, il n'avait jamais si bien dit...

En décembre, Anthopoulos a poursuivi ses emplettes hivernales en négociant avec les Mets de New York une transaction pour mettre le grappin sur le lanceur R.A. Dickey, artiste de la balle papillon et lauréat du trophée Cy Young dans la Ligue nationale.

Tout ce beau monde rejoindra en 2013 un noyau décent composé des cogneurs de puissance Jose Bautista et Edwin Encarnacion, de l'intense joueur de troisième but canadien Brett Lawrie, du voltigeur Colby Rasmus, du receveur J.P. Arencibia et du lanceur Brendon Morrow.

Inutile de souligner que la masse salariale du club torontois fera un bond appréciable; de 83 millions au premier jour du calendrier régulier en 2012, l'enveloppe totalisera cette année quelque 122 millions, une hausse de 47%.

Faire le plein de vedettes aux rémunérations substantielles n'offre cependant aucune garantie - parlez-en aux Marlins eux mêmes! - excepté l'assurance de payer.

Un vent d'optimisme

Au cours des quatre dernières saisons, toutes les équipes dans l'ultra-compétitive division Est de la Ligue américaine - les Red Sox de Boston, les Yankees de New York, les Rays de Tampa Bay et même les Orioles de Baltimore - ont accédé aux séries.

Toutes sauf une.

Les Geais bleus n'ont pas goûté aux éliminatoires depuis le circuit historique de Joe Carter réussi aux dépens du releveur Mitch Williams en neuvième manche du sixième match de la Série mondiale, en 1993. D'où le grand coup tenté par Anthopoulos.

L'optimisme règne donc plus que jamais dans la Ville reine, comme au début des années 90, quand les Blue Jays remplissaient les gradins du nouveau SkyDome jusqu'au toit, en route vers deux conquêtes de la Série mondiale consécutives (1992 et 1993).

John Gibbons

La tâche de tirer les ficelles reviendra au gérant John Gibbons, qui remplace John Farrell, retourné dans l'organisation des Red Sox pour tenter d'y réparer les pots cassés. Gibbons connaît bien la culture de l'entreprise; il a occupé exactement le même poste avec les Blue Jays de 2004 à 2008.

Dans un avenir plus ou moins rapproché, on entendra fort probablement parler du joueur d'intérieur Adeiny Hechavarria, du voltigeur Jake Marisnick ou des lanceurs Henderson Alvarez et Justin Nicolino, les jeunes loups sacrifiés par Anthopoulos dans le spectaculaire échange avec les Marlins.

Sans compter le receveur Travis d'Arnaud et le lanceur Noah Syndergaard, maintenant dans le giron des Mets.

Mais pour les Blue Jays et leur fougueux directeur général, le jeu en valait visiblement la chandelle; les abonnements de saison se vendent bien au Rogers Centre et le meilleur moment pour gagner, c'est maintenant.

Rater les éliminatoires d'octobre représenterait par conséquent un échec retentissant.

***

L'ÉTAT DES FORCES DANS LA LIGUE AMÉRICAINE

1. Tigers de Detroit

Les Tigres vont graffigner l'opposition avec l'embauche de Torii Hunter et le retour de Victor Martinez.

2. Blue Jays de Toronto

Le pari risqué du directeur général Alex Anthopoulos suscite des attentes immensément élevées à Toronto.

3. Angels de Los Angeles

Josh Hamilton, Albert Pujols, Mike Trout: de l'angoisse en perspective pour les lanceurs adverses.

4. Rays de Tampa Bay

La recette des Rays est toujours la même: vitesse, défense, opportunisme... et le doigté du gérant Joe Maddon.

5. Rangers du Texas

Les Rangers entrent dans l'ère post-Josh Hamilton, mais n'ayez crainte, ils trouveront d'autres façons de gagner.

6. Athletics d'Oakland

Un mauvais rêve: les lanceurs Jarrod Parker et Tommy Milone attrapent la fameuse guigne de la deuxième année...

7. Yankees de New York

Les Yankees sont éclopés, mais ils accumuleront plus de victoires que de défaites. Les séries? Il ne faut pas exagérer.

8. Orioles de Baltimore

Les Orioles étaient bénis des dieux (,763) dans les matchs décidés par un point en 2012. Ça devrait changer.

9. Royals de Kansas City

Si les Royals continuent de stagner après avoir échangé l'espoir Wil Myers, quelqu'un perdra son emploi.

10. Red Sox de Boston

Qui occupait le poste de gérant des Red Sox en 2012? Les amateurs de baseball de Boston préfèrent oublier son nom.

11. White Sox de Chicago

Les White Sox peuvent causer une énorme surprise ou représenter une amère déception. Comme Adam Dunn, finalement.

12. Indians de Cleveland

À défaut de gagner avec suffisamment de régularité, les Indians de Terry Francona seront divertissants.

13. Mariners de Seattle

L'arrivée de Kendrys Morales et de Michael Morse tombe bien; les Mariners manquaient tellement d'attaque...

14. Twins du Minnesota

Nommer un joueur des Twins qui ne s'appelle pas Joe Mauer ou Justin Morneau représente maintenant un défi.

15. Astros de Houston

Comme baptême de la Ligue américaine, ça s'annonce pénible pour les jeunes Astros. Vraiment pénible.

PRÉDICTIONS

DIVISION EST

1. Toronto

2. Tampa Bay

3. New York

4. Baltimore

5. Boston

DIVISION CENTRALE

1. Detroit

2. Kansas City

3. Chicago

4. Cleveland

5. Minnesota

DIVISION OUEST

1. Los Angeles

2. Texas

3. Oakland

4. Seattle

5. Houston