Si l'on exclut Gilles Villeneuve, la superbe étoile filante, Guy Lafleur et Gary Carter ont été les vedettes incontestables du paysage sportif québécois dans les années 70 et 80.

Les deux hommes se connaissaient bien et avaient plusieurs choses en commun. Ils avaient le même agent, ils ont tous les deux évolué à New York et à Montréal, et ont d'ailleurs quitté Montréal à deux semaines d'intervalle.

«On s'était donné le mot!» lance Lafleur en riant.

L'ancienne vedette du Tricolore a rencontré Carter pour la première fois dans les bureaux de l'agent Jerry Petrie, dans l'édifice Sun Life.

«On ne se voyait pas souvent, mais on a partagé le même bureau tout au long de sa carrière à Montréal, se souvient Lafleur. C'était un gars vraiment sympathique, très près du public et toujours souriant. En fait, je ne l'ai jamais vu de mauvaise humeur.

«Il venait nous voir jouer au Forum quelques fois par saison. On est même sorti célébrer ensemble un soir où l'on avait gagné la Coupe Stanley!

«Et des années plus tard, Gary a été fêté au Stade olympique, toute sa famille était là, et j'étais là aussi. Ça avait été une grosse soirée...»

De nos jours, toute l'attention médiatique est braquée sur le Canadien alors que durant les grandes années des Expos, les amateurs de sports entretenaient le rêve à l'année longue.

«Les Expos étaient des joueurs qui avaient marqué les esprits en raison de leurs succès, raconte Lafleur. Grâce à Carter et compagnie, le baseball était devenu très populaire. C'était des gars accessibles qui se mêlaient à la foule.

«Pour nous, les joueurs de hockey, ça nous enlevait un peu de pression. Il y en avait quand même, mais si le Canadien ne gagnait pas, l'espoir se tournait vers les Expos.»

Lafleur et Carter étaient deux vedettes au magnétisme indéniable, mais ils n'échangeaient pas beaucoup sur l'émoi qu'ils suscitaient.

«On discutait de contrat cependant, précise Lafleur. Gary gagnait plus d'un million par saison alors que je faisais 60 000 $. Ça n'avait pas de bon sens. Je lui disais que j'aurais dû être joueur de baseball!»



Une relation tendue avec Bronfman

L'ancien propriétaire Charles Bronfman, qui a présidé aux destinées de l'équipe de 1969 jusqu'à ce qu'il la vende en 1990, est celui qui a fait de Carter le premier millionnaire dans l'histoire de Expos.

Ce contrat a marqué la relation entre les deux hommes. Et pas pour le mieux.

«Carter se plaignait durant la Série de championnat de 1981 face aux Dodgers, se souvient M. Bronfman, qui est aujourd'hui âgé de 80 ans. Des journalistes étaient venus me voir pour me dire que Carter réclamait un salaire de 2 millions par saison, et j'avais dit «jamais de la vie».

«Nous avons finalement cédé, mais ce n'était pas de gaieté de coeur. Le directeur général John McHale était tellement furieux qu'il n'est même pas venu à la conférence de presse de la signature. Nous comprenions que nous franchissions un nouvel échelon dans les salaires et, franchement, ça devenait un peu stupide.»

L'homme d'affaires montréalais nous a décrit Carter comme un joueur qui « avait un talent incroyable, mais qui voulait trop en faire».

«Ce n'était pas le bon gars pour les Expos, mais il l'était pour les Mets, affirme Bronfman. D'ailleurs il a gagné la Série mondiale l'année suivant son arrivée à New York. À Montréal, il était la seule véritable étoile. C'était trop pour lui. Tandis qu'à New York, il était entouré de vedettes.»

Photo: archives La Presse

Gary Carter est devenu le premier millionnaire de l'histoire des Expos grâce au propriétaire Charles Bronfman (à droite).