Katerine Savard a presque tout perdu: son record canadien et surtout sa place dans son épreuve fétiche pour les Jeux olympiques.

Tel est le dénouement implacable de la première soirée des Essais olympiques canadiens, qui s'ouvraient mardi à Toronto. Non, la tête d'affiche de la natation québécoise ne nagera pas le 100 mètres papillon à Rio de Janeiro l'été prochain.

«C'est une immense déception», a réagi Savard, anéantie, près d'une heure après la fin de sa course.

Savard ne s'est pas écroulée - son temps de 57,75 s lui aurait permis d'accéder à la finale des Mondiaux, où elle a fini cinquième l'an dernier.

Mais elle s'est butée à plus rapides en finale.

La Torontoise Penelope Oleksiak, un prodige de 15 ans, a soufflé tout le monde dans le Centre sportif panaméricain, réalisant un temps canon de 56,99 s, une nouvelle marque canadienne et troisième référence mondiale cette année. Partie en trombe, la Britanno-Colombienne Noemie Thomas a terminé deuxième en 57,02 s.

«Les filles ont fait super vite», n'a pu que constater Savard, qui avait établi l'ancien record de 57,27 s il y a deux ans. «Elles ont fait mieux que mon record canadien. Ça, on ne peut pas leur enlever. Elles ont fait plus vite que moi tout court. Elles ont mérité leur place. Elles ont mérité les records.»

Oleksiak, qui mesure «presque six pieds deux pouces», avait annoncé les couleurs en matinée, réalisant son meilleur chrono personnel par plus d'une seconde. Thomas, une ancienne danseuse de ballet, a suivi pas très loin. Dans la dernière vague, Savard a répondu avec un excellent temps de 57,72 s, mais ça ne la plaçait que troisième. Un premier doute a probablement commencé à germer.

«Honnêtement, je me sentais super bien, a analysé l'athlète originaire de Pont-Rouge. Je me sentais vite. Je n'ai jamais été aussi vite en entraînement.»

Pression

Quelques heures plus tard, l'issue de cette finale de haute volée faisait l'objet de toutes les hypothèses. Tout le monde s'entendait pour dire que la pression reposait sur les épaules de Savard, numéro un au pays depuis six ans et qui ne visait rien de moins qu'un podium pour ses deuxièmes JO.

À 15 ans, Oleksiak n'avait rien à perdre, elle qui peut aussi se qualifier au 100 m libre. Elle avait battu la Québécoise, son modèle «depuis si longtemps», un mois et demi plus tôt à Montréal. De son côté, Thomas, septième aux Mondiaux 2015, s'annonçait comme le joker, un rôle qu'elle a joué à la perfection en prenant la tête au virage.

Quatrième de la finale, la vétérane Audrey Lacroix a pu sentir la différence de tension dans la chambre d'appel. «Noemie était très détendue», a noté la spécialiste du 200 m papillon. «Elle me parlait, elle était souriante. Penny était avec un groupe de nageuses un peu plus jeunes et elles s'encourageaient. Compte tenu de l'enjeu de la course, les nageuses étaient quand même détendues.»

Savard, compétitive jusqu'au bout des ongles, se concentrait dans son coin. «Elle est comme ça d'habitude, a noté Lacroix. Si elle avait été autrement, ç'aurait été bizarre»

Oleksiak a lu un bout de papier que lui avait tendu son entraîneur. «C'était écrit: amuse-toi», a confié la nouvelle championne, soeur cadette de Jamie Oleksiak, défenseur format géant des Stars de Dallas. «Ç'a fait tomber toute la nervosité.»

Les finalistes se sont présentées derrière le plot de départ sur de la musique des Backstreet Boys, un choix de Thomas: «J'ai choisi Everybody parce que c'est la plus relaxe!»

Finalement, c'est Oleksiak qui s'est montrée la plus détendue, revenant de l'arrière sur la deuxième longueur.

Trois autres courses pour se qualifier

Le coup «va être difficile à vivre» pour Savard, prévoit Lacroix, qui a elle-même raté deux équipes olympiques de justesse. Mais sa concitoyenne de Pont-Rouge n'a pas tout perdu.

La représentante du club CAMO peut toujours se qualifier au 200 m papillon et dans les relais 4 x 100 et 4 x 200 m libre. «Le plus dur, c'est de se remettre le plus vite possible parce qu'il ne faut pas que je traîne cette peine-là trop longtemps, a dit Savard. [Mercredi], j'ai une journée de congé. Après, j'ai trois autres courses qui sont assez importantes aussi.»

Mais là, dans cette salle dérobée derrière le bassin de plongeon, l'athlète de 22 ans peinait à se projeter plus loin. «Je ne suis pas moins bonne parce qu'elles sont meilleures. J'ai quand même accompli des choses assez grandes dans ma vie. Ça fait quand même six ans que je suis dans l'équipe nationale. J'aurai quand même accompli des choses dont je peux être fière.»

«C'est une immense déception, a poursuivi Savard, mais en même temps, j'ai déjà été aux Olympiques à 18 ans, ce que peu de gens ont fait...» Les sanglots ont mis fin à l'entrevue.

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Record québécois pour Jérémy Tremblay

«Advienne que pourra», s'était dit Jérémy Tremblay avant de s'élancer pour le 400 m quatre nages individuel. Une qualification olympique n'était pas réaliste, mais il visait le record provincial de Steven Bielby, établi aux sélections de 2012. Le nageur de Sainte-Julie y est parvenu... par moins d'un dixième, arrêtant le chrono à 4:23,58.

«C'était vraiment ça, le but», a soufflé le jeune homme de 20 ans, qui a terminé cinquième. «J'étais assez proche du podium, mais ce n'est pas grave. J'ai tout donné, et c'est un super bon temps.»

Son entraîneur au club Samak, Éric Carrier, a prédit qu'on entendrait parler de Tremblay dans quatre ans: «C'est un gars sérieux, super engagé.»

Le gagnant, Luke Reilly, a raté le standard de qualification olympique par quatre dixièmes de seconde.

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Aurélie Rivard commence fort

En ouverture de soirée, Aurélie Rivard a annoncé ses couleurs en vue des Jeux paralympiques de Rio de Janeiro. La nageuse de Saint-Jean-sur-Richelieu a remporté le 50 m libre (S10) avec un chrono de 28,04.

«C'est le temps le plus rapide de l'année en ce moment et c'était mon objectif en arrivant ici», a indiqué la championne mondiale en titre, qui est née avec cinq doigts en moins à la main gauche.

«Le 50 libre est une de mes meilleures épreuves et j'y accorde beaucoup d'importance depuis peut-être un an et demi», a ajouté l'athlète de 19 ans, médaillée d'argent au 400 m libre aux Jeux de Londres en 2012.

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Brittany MacLean est de retour

Blessée et fatiguée l'an dernier, Brittany MacLean est de retour. Fraîchement auréolée de son titre aux championnats universitaires américains, la nageuse d'Etobicoke a écrasé ses rivales au 400 m libre. Son temps de 4:03,84 la qualifie largement pour Rio et lui permet d'effacer son propre record canadien par plus d'une seconde. Finaliste à Londres en 2012, elle pourrait répéter l'exploit au Brésil si elle maintient ce rythme d'ici le mois d'août.

«Je me sentais bien ce matin, mais je savais que je pouvais aller beaucoup plus vite, a souligné l'athlète de 22 ans. Mon but était seulement de faire l'équipe. [Le record] est un bonus.»

Deuxième, Taylor Ruck, 15 ans a raté le standard de peu, mais il faudra compter sur elle dans d'autres épreuves de libre et de dos d'ici la fin de la semaine.