Espoir de la natation québécoise aux Jeux olympiques de Londres, Katerine Savard s'était complètement effondrée l'été dernier. Le retour a été pénible et sa reconstruction, un chemin tortueux. «Dans ma tête, je n'étais plus bonne », raconte la nageuse de 20 ans. La voilà installée au deuxième rang mondial.

Katerine Savard s'est mise à pleurer et a regardé son entraîneur: «J'ai peur. J'ai vraiment peur...» Pourtant, elle s'apprêtait à faire ce qu'elle aime le plus au monde: nager en compétition.

C'était en novembre, à une banale Coupe du Québec à Gatineau. Katerine Savard effectuait son retour après une pause de deux mois qui a suivi des Jeux olympiques particulièrement pénibles. Finaliste potentielle au 100 m papillon, elle avait atteint de justesse la demi-finale, profitant du forfait d'une concurrente. En soirée, elle s'était effondrée, inscrivant son pire temps depuis des lunes. Manifestement sous le choc, elle avait balbutié trois ou quatre phrases aux journalistes qui l'attendaient sous les gradins du Centre aquatique de Londres.

Son retour à Québec a été encore plus difficile, comme si elle prenait la mesure de ce qu'elle avait vécu dans la dernière année. Elle avait mis de côté ses études collégiales pour se consacrer totalement aux Jeux. Tout ce qu'elle faisait était fonction de cet objectif: son alimentation, son sommeil, sa vie quotidienne. Les discussions avec parents et amis tournaient autour du même sujet. Les médias s'intéressaient à elle. La pression montait.

«Arrivée là-bas, j'étais stressée, mais c'est un stress qui avait duré toute une année», résume Katerine Savard, pour qui toute cette expérience a été d'une grande tristesse.

Sur le plan de la préparation, des impairs ont été commis, a-t-elle analysé après coup avec son entraîneur Marc-André Pelletier. Son volume d'entraînement en piscine a considérablement augmenté, peut-être un peu trop. Elle a aussi commencé à faire de la musculation, une nouveauté dans son programme. «On a découvert que je prenais de la masse très rapidement, dit celle qui a eu 20 ans le mois dernier. Ç'a été une erreur, mais il était un peu trop tard.»

Ces paramètres ont été ajustés à son retour à l'automne. «Dans le fond, je m'entraîne moins et je performe mieux. On fait juste les choses plus efficacement.»

La pause de deux mois l'a cependant fait douter. Allait-elle pouvoir retrouver le niveau de 2011, lorsqu'elle avait fini neuvième aux Mondiaux de Shanghai, à un dixième de la finale, avant de battre son record national quelques mois plus tard? «J'avais peur de ne plus être bonne, de faire face à ce que j'étais à ce moment-là.»

Son entraîneur lui a dit de ne pas se prendre la tête. Il l'a inscrite à plusieurs petites compétitions, l'a fait nager du crawl, même de la brasse. «Juste pour reconstruire la confiance, explique la représentante du club CSQ. Comme dit Marc-André: "Plus tu as de petites victoires, plus tu peux en construire de grandes."»

Le déclic est survenu en avril aux sélections pour les Championnats du monde, à Victoria. Elle s'est d'abord qualifiée au 200 m papillon, avec un record personnel, avant de remporter le 100 m papillon en réalisant son meilleur temps depuis 2011. «J'ai versé des larmes de joie, admet-elle. J'étais soulagée et heureuse en même temps.»

Ça a paru dans les deux dernières semaines lors de compétitions en Californie. Au Grand Prix de Santa Clara, à sa grande surprise, Katerine Savard a pris la mesure de l'Américaine Dana Vollmer, championne olympique et détentrice du record du monde. «Oui, c'est assez exceptionnel que je la batte, mais le temps était juste ordinaire», note promptement la nageuse originaire de Pont-Rouge.

Surtout que le lendemain, elle a essuyé une contre-performance au 200 m papillon. Durant la semaine qui a suivi, elle a mis les bouchées doubles à l'entraînement, se consacrant notamment à sa nage sous l'eau, une facette qu'elle a particulièrement travaillée cette année.

Fatiguée? Bang! Katerine Savard a frappé fort dimanche soir: 57,40 au Fran Crippen Memorial Swim Meet of Champions, à Mission Viejo. Elle améliore sa marque canadienne de quatre dixièmes et s'installe au deuxième rang des bilans mondiaux derrière l'Australienne Alicia Coutts (57,18), quintuple médaillée à Londres.

La saison est jeune, et les classements peuvent «varier énormément», conçoit Katerine Savard. À l'approche des Mondiaux de Barcelone (du 28 juillet au 4 août), impossible d'oublier sa déconvenue olympique de l'an dernier. C'est donc du bout des lèvres qu'on soulève avec elle la possibilité d'une finale...

«Si j'ai appris quelque chose, c'est que je ne peux pas contrôler ce que les autres vont faire et à quelle position elles vont terminer, répond-elle. Je veux seulement me concentrer sur moi et mon temps.»

Et sur son bonheur retrouvé de concourir.