Son style boy-scout en agaçait certains. D'autres lui reprochaient de rabâcher le même discours usé. Ses idées, innombrables, étaient parfois brouillonnes. Une chose est cependant incontestable: la natation canadienne est en meilleure santé en 2013 qu'elle ne l'était en 2005, au moment de l'entrée en fonction de Pierre Lafontaine comme directeur général de Natation Canada.

Après un règne d'un peu moins de huit ans, Lafontaine a causé une surprise en annonçant hier qu'il quittait son poste pour devenir directeur général du Sport interuniversitaire canadien (SIC), l'organisme régissant le sport compétitif dans les universités du pays.

Après 40 ans dans la natation, la décision n'a pas été facile. «Je ne laisse pas Natation Canada, je vais faire autre chose. Je vais développer la culture du sport au Canada», a-t-il laissé entendre lors d'un entretien téléphonique peu après l'annonce de sa nomination.

En conférence de presse à Toronto, Lafontaine a raconté qu'il avait songé à porter ses «souliers de course» parce qu'il avait «trop de choses à faire» et qu'il devait «changer le monde» au SIC.

Il n'a pas changé. À son arrivée à Natation Canada (SNC), après un passage remarqué comme entraîneur aux États-Unis et en Australie, le Montréalais d'origine était perçu presque comme un sauveur.

Blanchie aux Jeux olympiques d'Athènes, l'équipe canadienne paraissait alors moribonde. Lafontaine avait réussi à lui insuffler un vent de fierté, ce qui s'était traduit par une récolte surprise de cinq médailles aux Championnats du monde de Montréal, à l'été 2005.

Véritable vendeur de «rêve», un terme récurrent dans ses discours, Lafontaine s'est bien servi de cet élan pour mousser la popularité de son sport. Coloré et adoré par les médias, il a touché tant le grand public que les pratiquants et les commanditaires. Lucide, il avait cependant tempéré les attentes en annonçant une cible d'une médaille aux JO de Pékin, objectif atteint grâce au bronze de Ryan Cochrane au 1500 mètres.

Rassembleur et homme à tout faire - il fallait le voir transporter des boîtes le dimanche soir à la fin d'une compétition -, Lafontaine a contribué à relancer les centres nationaux d'entraînement, dont celui de Montréal. Il s'est investi dans tous les domaines: coaching, support médical et scientifique, para-natation, eau libre, cours de natation et même prévention de la noyade, un dossier qui lui tient particulièrement à coeur. Certains diront qu'il s'est éparpillé.

Microgestionnaire à ses débuts, Lafontaine a graduellement laissé plus de marge de manoeuvre à ses entraîneurs d'expérience. Aux JO de Londres, sa dernière compétition comme entraîneur national, il paraissait plus effacé. Les nageurs canadiens ont décroché trois médailles, dont le bronze de Richard Weinberger en eau libre, qui a permis de sauver la mise.

En piscine, le Canada n'a été représenté que dans sept des 32 finales, soit la moitié de l'objectif. «On pourrait être tellement mieux que là où l'on est», a admis Lafontaine, dont la fédération a cependant reçu une excellente note de l'organisme subventionnaire À nous le podium, la meilleure pour les sports d'été.

À court terme, la relève paraît timide, en particulier chez les hommes. Selon certaines sources, la santé financière de SNC n'est pas à son mieux. Plusieurs employés clés ont aussi quitté le bateau avant Lafontaine.

John Atkinson, le nouveau directeur de la haute performance embauché par SNC, aura du pain sur la planche. Bien coté, le Britannique, qui est lui aussi passé par l'Australie, possède une expérience internationale vaste et variée.

Responsable de la para-natation depuis 2010, il faisait partie de la courte liste de candidats au poste vacant de directeur général de British Swimming.

«John va vous impressionner, a promis Lafontaine, qui a contribué à son recrutement. Il fait tellement du bon travail. Il a un style classique. C'est un bonhomme très organisé.» Un peu le contraire du style échevelé de Lafontaine. Atkinson aura cependant de grands souliers de course à chausser.