«Je ne veux pas que ça finisse.»

Une phrase toute simple, presque celle d'une petite fille, mais qui, pourtant, en dit beaucoup sur le chemin sinueux qu'a parcouru Valérie Grand'Maison depuis les Jeux de Pékin.

À sa première expérience paralympique, la nageuse alors âgée de 20 ans a fait un véritable tabac, remportant six médailles, dont trois d'or. Mais le retour à la réalité a été brutal et le cycle de préparation d'avant-Londres, pour le moins ardu. Au point où on se surprend presque de la voir encore au sein de l'équipe canadienne.

«Ç'a commencé par une très mauvaise année, raconte-t-elle. Après 2008, ça ne me tentait plus tellement. Je voulais vivre la vie normale d'une fille de 20 ans. Et j'étais arrogante: j'aimais gagner, monter sur le podium. Je sentais que c'était là ma place.»

Le début de ses étudies à l'Université McGill l'ont toutefois engagée dans un virage majeur. Membre des Martlets, elle reçoit une véritable leçon d'humilité. Ne voyant que très faiblement d'un oeil, elle est désormais opposée à des adversaires qui ne souffrent d'aucun handicap.

Une situation qui la fouette et qui fait d'elle une tout autre femme.

«Depuis 2005, je gagnais sans cesse des médailles et je battais des records, alors d'avoir soudainement de la misère à être d'un top-8, ça m'a complètement changée, dit Valérie Grand'Maison. J'ai appris à me battre, à m'entraîner en n'étant pas la meilleure. Ça m'a ramenée sur Terre.»

Son arrivée à McGill marque aussi la rencontre de l'entraîneur Peter Carpenter. Autrefois la protégée de Pierre Lamy au club CAMO, elle commence à travailler avec Carpenter à temps plein, et aborde avec lui une toute nouvelle approche.

«Peter ne me parle jamais de médailles, de records, de performance, dit-elle. Il m'a appris à me concentrer sur l'expérience complète de d'entraînement et de la préparation. Il ne m'accorde pas de traitement spécial. On travaille avec l'équipe, et je sens que je fais partie d'une gang.»

Blessure

Une importante blessure a cependant ralenti la renaissance de la nageuse.

Au cours de l'été 2010, ce qui a commencé comme une tendinite à l'épaule droite a dégénéré en bursite. Et ce qui devait arriver arriva: après des mois d'entraînement malgré la douleur - «je ne voulais pas rester loin de l'eau!» -, on lui a diagnostiqué une déchirure partielle de la coiffe du rotateur. Et une opération aurait probablement mis fin à ses espoirs paralympiques

Valérie a donc dû changer sa manière de s'entraîner. Désormais suivie de près par un ostéopathe et un préparateur physique, elle a travaillé à renforcer ses épaules et son dos.

«Je sais où sont mes faiblesses et je travaille sans relâche à les corriger, dit-elle. Je peux maintenant absorber un plus gros volume d'entraînement. Je suis plus forte, plus intense.»

«Cette année a été une de mes meilleures années, poursuit-elle. Je suis une passionnée d'entraînement. C'est le fun, se lever le matin avec un but. J'ai appris sur moi, comme athlète et comme personne.»

C'est donc une revenante qui s'élancera, au cours des prochains jours, aux 50 et 100 m libres, 100 m brasse et 200 m quatre nages. Une athlète de 24 ans surprenante de maturité, consciente de ses limites et déterminée à vivre à fond l'expérience paralympique.

Animée d'un goût renouvelé pour la compétition, elle débarque à Londres pour affronter des adversaires qu'elle n'a pas croisées depuis trois ou quatre ans.

«Il faudra que je sois parfaite, souligne-t-elle. Surtout au 100 m libre, je sais que je peux y arriver.»

Hantée par la douleur qui tiraille son épaule droite, elle ne pourra probablement plus éviter la table d'opération à son retour. Et vu ses plans d'études en médecine, elle sait qu'elle devra probablement mettre une croix sur la natation dans un avenir rapproché.

«Ça me fait peur, confie-t-elle. Il faut que j'en profite, c'est peut-être la dernière fois. Je n'y peux rien, c'est comme ça que je me sens.

«Je ne veux pas que ça finisse.»

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Classement des handicaps

Les niveaux de handicap sont classés de S1 à S10, S1 regroupant les handicaps les plus lourds. Les catégories S11 à S13 désignent les handicaps visuels. Souffrant d'une malformation de naissance (pied bot), Benoît Huot nage en S10. Quant à Valérie Grand'Maison, elle est classée S13.