Libéré de ses angoisses de qualification olympique, Alexandre Despatie a envoyé un puissant message à la communauté du plongeon: il sera candidat au podium lors des Jeux de Londres.

Despatie a surpris tout le monde, incluant lui-même, en arrachant la médaille de bronze au tremplin de 3 mètres lors de la Coupe du monde, mercredi soir, dans le même bassin qui accueillera les épreuves olympiques dans cinq mois.

Un peu plus d'une heure plus tard, ses coéquipières Roseline Filion et Meaghan Benfeito ont causé une surprise au moins aussi grande en montant sur la deuxième marche du podium au 10 m synchronisé, qualifiant du coup le Canada à cette épreuve pour les JO.

Habitué aux podiums et aux honneurs, Despatie, qui s'était appliqué à tempérer les attentes depuis des mois, ne savait pas comment réagir à ce résultat obtenu après une préparation minimale.

«C'est bizarre. Ça ne m'est jamais arrivé. C'est comme si je ne comprenais pas», a lâché le médaillé d'argent en s'étirant le visage avec ses mains, à la fin de la ronde d'entrevues.

À ses côtés, Mitch Geller exprimait la même incrédulité. Quelques minutes plus tôt, le directeur technique de Plongeon Canada avait vu le vice-champion olympique tirer les marrons du feu à la dernière ronde. Alors quatrième, Despatie devait produire un plongeon frisant la perfection pour espérer surpasser l'Australien Ethan Warren.

Au minimum, des notes de 9 étaient nécessaires. À en juger par les entraînements auxquels il avait assisté durant la semaine, Geller ne l'en croyait pas capable. Assise sur le banc voisin, l'ex-olympienne Blythe Hartley, qui analysera les compétitions olympiques à la télévision, l'a prévenu: «Alexandre vit pour ce genre de moment. Aucun doute qu'il peut le faire.»

De fait, Despatie a soutiré quatre 9 aux juges pour ce double saut périlleux et demi avant avec deux vrilles. L'entrée à l'eau était presque parfaite, l'une des meilleures qu'il n'ait jamais réussies sur ce plongeon spécifique, aux dires de Geller. «Tu te dis: d'où il sort ça? Il est un individu unique. Il n'est pas comme nous...»

Avec un total de 511,95 points - ça lui aurait donné l'argent aux derniers Mondiaux - Despatie a devancé le jeune Australien Warren par... un quart de point. Il est permis de croire que le Québécois s'est attiré la faveur des juges grâce à son physique sculpté, fruit d'un entraînement de neuf mois à l'extérieur des bassins, le temps de soigner son genou gauche blessé. Il a fait passer son poids de 165 à 155 livres.

«Il projetait cette intensité, ce désir, et tu pouvais voir qu'il avait mis les efforts, a souligné Geller. C'est une activité humaine. Ils (les juges) sont affectés émotionnellement.»

«Un grand compétiteur»

Partenaire d'entraînement de Despatie, Reuben Ross a rappelé la difficulté de retrouver ses repères après s'être éloigné des tremplins. «J'ai arrêté deux semaines durant les Fêtes et ça m'a pris environ un mois à revenir au sommet, a souligné Ross, 10e de la finale. Ce n'est pas seulement physique. Beaucoup de choses te passent par la tête et c'est un sport qui demande énormément de précision. Qu'Alex soit capable de le faire en si peu de temps démontre à quel point il est un grand compétiteur.»

En matinée, après avoir réglé sa qualification olympique la veille, Despatie a quitté l'hôtel le coeur léger, à bord d'un de ces fameux autobus à deux étages londoniens, en route vers la demi-finale. Il a appelé sa non moins fameuse mamie de 78 ans, celle qui lui a donné ses premières notes quand il avait cinq ans, pour lui faire part de son soulagement.

Septième des demi-finales, l'ancien champion du monde a sorti le grand jeu en finale. «J'ai eu tellement de plaisir aujourd'hui, a raconté Despatie. Ça me rappelle et me confirme pourquoi je suis tellement en amour avec le sport, avec la compétition.»

Cette médaille inattendue ne change évidemment pas le plan de match, a rappelé son entraîneur Arturo Miranda. Les Chinois He Chong et Qin Kai, respectivement médaillé d'or et d'argent, sont encore un cran au-dessus. «Rien ne change. Ce n'est qu'une étape vers les Jeux olympiques», a insisté Miranda.

Despatie reprendra l'entraînement dès vendredi au Centre aquatique. Au menu: le quadruple saut périlleux et demi groupé, un incontournable s'il veut rivaliser avec les Chinois et les retrouver sur le podium comme à Pékin en 2008.

«C'est important de ne pas s'emporter et penser immédiatement aux Jeux, a prévenu Despatie. Il y a beaucoup de travail à faire d'ici là et beaucoup de compétitions. Sauf que je mentirais si je disais que ça ne m'encourage pas. Personnellement, je me suis prouvé que je suis encore capable de me battre.» Autour du bassin, tout le monde en a pris bonne note.