Avec les années - presque 15 ans, quand même - Alexandre Despatie a fini par donner l'impression de pouvoir tout mettre de côté en compétition. D'effacer, en un seul coup de baguette magique, les blessures, la pression, les attentes. «T'en fais pas Alex, tu sauras comment», se fait-il souvent rappeler, en particulier ces derniers temps, à son retour d'une période d'inactivité de plus d'un an.

«Vous vous trompez», avait-il envie de répondre, surtout après ce Grand Prix d'Allemagne, il y a deux semaines, où il s'est senti totalement désarçonné, une sensation d'absence de contrôle sur le tremplin que le plongeur de 26 ans n'avait jamais vécue.

Cette expérience désagréable explique le si grand sourire arboré, lundi soir, par Despatie après qu'il eut assuré sa participation à ses quatrièmes Jeux olympiques. Avec son partenaire Reuben Ross, il a pris la cinquième place de la finale du 3 mètres synchronisé à la Coupe du monde de Londres, dernière occasion de se qualifier pour le grand événement planétaire de l'été prochain.

«Je suis hypercontent. C'est un soulagement incroyable», a lancé Despatie, casquette des Yankees sur la tête et au moins aussi heureux que les gagnants, les Chinois Qin Kai et Luo Yutong.

Ce n'était pas une médaille, mais c'était tout comme pour Despatie. «Honnêtement, ce n'était pas une commande facile, a-t-il insisté. Le niveau est aussi extrêmement élevé en synchro et on n'avait pratiquement pas d'entraînement ensemble.»



«Je suis si fier de toi»


Le clan canadien se réjouissait de la résurgence de son enfant prodige après cette tendinite au genou gauche. «Ce qu'il a accompli depuis quatre semaines, quatre semaines et demie, depuis Rostock surtout, c'est incroyable», a jugé Aaron Dziver, entraîneur de Ross qui côtoie Despatie quotidiennement à la piscine olympique de Montréal.

Mitch Geller, l'émotif directeur technique de Plongeon Canada, a interrompu l'entrevue que Despatie donnait à La Presse pour l'étreindre chaleureusement. «Je suis si fier de toi, lui a-t-il glissé à l'oreille. Ça, c'était autre chose. C'était autre chose.»

Avec quatre pays déjà qualifiés, Despatie et Ross se sont retrouvés dans une lutte à six pays pour les quatre tickets olympiques restants. À mi-parcours en finale, le duo canadien traînait la patte derrière la Malaisie, les États-Unis et même la France, tandis que l'Ukraine et l'Allemagne lui soufflaient dans le cou.

Malgré des impulsions parfois inégales sur le tremplin, Despatie et Ross ont su garder le cap et réussir leurs entrées à l'eau, la clé en plongeon, surtout en synchro. «Oui, ils ont fait de petites erreurs, mais ni l'un ni l'autre ne s'est écrasé», a souligné Dziver.

Despatie et Ross, qui plongent ensemble depuis 2009, ont reçu 417,42 pour leurs 6 plongeons en finale. Les Chinois ont accumulé 445,71 points. Les Russes (439,83) et les Malaisiens (432,09) ont gagné respectivement l'argent et le bronze.

Ross, 26 ans, prendra part à ses deuxièmes Jeux. «Je ressens du soulagement et je suis vraiment excité», a commenté le plongeur originaire de Saskatoon.



Un véritable «déblocage»


Pour Despatie, le réveil a sonné dès les préliminaires matinaux, où la paire canadienne a fini deuxième derrière la Chine avec 419,58 points. Après l'échec de Rostock, le Québécois a senti un véritable «déblocage». «C'est vraiment ce dont j'avais besoin», a-t-il confié à Ross en revenant à l'hôtel.

«Je me sentais vraiment mieux après ça, a expliqué Despatie. J'étais concentré sur les bonnes choses et j'ai posé les bons gestes au bon moment. J'avais besoin de laisser aller.»

En dépit d'un pointage légèrement inférieur et d'un classement moindre, Despatie juge qu'ils ont été meilleurs en finale. «L'important, c'est la constance. Et de ce point de vue, on a mieux plongé ce soir», a-t-il expliqué.

Autant Despatie que Ross jugent être en mesure de batailler pour un podium aux JO, qui auront lieu dans le même Centre aquatique qui accueille la Coupe du monde jusqu'à dimanche. «Avec un peu d'entraînement, on est certainement capables de faire partie de ce groupe-là», a assuré le Lavallois.

En attendant, Despatie ne s'en cache pas: sa grande ambition est l'épreuve individuelle, dont il est double vice-champion olympique. Il tentera de s'y qualifier dès mercredi après-midi en finissant parmi les 18 premiers de la ronde préliminaire. «Je suis sur la bonne voie, je me sens bien. Je suis à l'aise pour demain.» Maintenant, plus personne n'a besoin de le lui rappeler.