Marie-Pier Boudreau-Gagnon a mis un terme à une longue période sombre pour la nage synchronisée canadienne en décrochant le bronze aux Mondiaux FINA de Rome, lundi.

L'athlète originaire de Rivière-du-Loup a fini troisième de l'épreuve technique en solo, remportant ainsi la première médaille canadienne dans un rendez-vous international d'importance depuis le bronze de Fanny Létourneau et Claire Carver-Dias à la Coupe du monde FINA de Zurich, en 2002.

«C'est vraiment un rêve devenu réalité. Ça fait longtemps que je visais la médaille et ça s'est concrétisé aujourd'hui. Je suis vraiment touchée», a réagi Boudreau-Gagnon lors d'un entretien téléphonique.

Avec 96 points, la Québécoise n'a été devancée que par la Russe Natalia Ishchenko (98,667), qui a défendu son titre avec succès, et l'expérimentée Espagnole Gemma Mengual (97,833), qui gagnait une 14e médaille aux Mondiaux. «C'est vraiment un honneur de monter sur le podium avec des filles que j'ai regardées à maintes et maintes reprises sur vidéo», a souligné Boudreau-Gagnon, qui pourrait maintenant revenir sur son intention de se retirer à l'issue de la saison.

La nageuse de 26 ans est devenue la première Canadienne depuis Lisa Alexander, en 1994, à gagner une médaille aux Mondiaux dans une épreuve individuelle. À l'époque, le Canada figurait parmi les puissances mondiales avec les succès précédents de Carolyn Waldo, de Sylvie Fréchette et des jumelles Villagos. La retraite de Sylvie Fréchette, après les Jeux olympiques de 1996, a coïncidé avec le début d'une période plus sombre.

Mais après avoir touché le fond aux Mondiaux de Melbourne, au printemps 2007, l'équipe canadienne est en pleine relance. «La médaille de Marie-Pier fait tellement plaisir parce que le Canada a pris une bonne claque en

synchro ces dernières années», a rappelé Fréchette, jointe à Rome où elle agit à titre de mentor pour l'équipe canadienne. «Peu importe les résultats, rien n'empêche que les filles s'entraînaient fort. À un moment donné, tu te dis que ça va finir par monter. Mais ça prend plus que deux ans pour virer un paquebot de bord.»

Le podium de Boudreau-Gagnon et la quatrième place dans l'épreuve technique en équipe, devant le Japon, sont des signaux qui ne mentent pas, selon Fréchette. Les changements d'entraîneurs et le retour de

Julie Sauvé, en janvier 2008, ont marqué le début d'un temps nouveau. «Il y a vraiment eu un retour aux sources, juge Fréchette. Les entraîneurs de Synchro Canada travaillent très fort à retrouver l'identité du Canada sur la scène mondiale. Là, on marche sur le bord de la piscine, et on nous reconnaît. Ça faisait longtemps qu'on n'avait pas vu ça.»

Un programme national axé sur la performance comme «Vers l'excellence» a également contribué au changement des mentalités et des attitudes, juge la championne olympique de 1992. «La synchro a pris l'impulsion du changement», a affirmé Fréchette.

Détermination et acharnement

Membre de l'équipe canadienne depuis 1998, Boudreau-Gagnon a lentement gravi les échelons avant de goûter à la consécration internationale.

De l'avis général, elle doit ses succès à son acharnement à l'entraînement. «J'ai rarement vu une athlète aussi déterminée et travaillante», a relevé Fréchette, qui s'y connaît en la matière.

Marie-Pierre Gagné, capitaine de l'équipe canadienne aux derniers Jeux olympiques de Pékin, a rappelé que Boudreau-Gagnon a su continuellement améliorer la hauteur de ses figures, qualité plutôt rare en nage synchronisée. «Pour une junior, c'est normal, mais tu ne vois jamais ça chez les seniors, a souligné Gagné, aujourd'hui retraitée. Quand on la voyait faire, on lui disait : Tu me niaises, comment tu fais ça ?»

Douée, Boudreau-Gagnon a aussi un physique qui sait

attirer l'oeil des juges. Au centre national d'entraînement du Parc olympique, on dit de la nageuse de Rivière-du-Loup qu'elle a les «cannes du siècle». «Elle a les plus belles jambes que tu ne peux pas rêver avoir. Pour une soliste, ça fait toute la différence», a souligné Marie-Pierre Gagné.

Gagné a connu Boudreau-Gagnon aux Championnats canadiens juniors de 1996. Alors âgée de 13 ans, l'unique représentante des Flamants roses de Rivière-du-Loup avait causé la surprise en atteignant la finale en solo. Gagnant de la compétition par équipe, Montréal-Synchro, le club de Gagné, avait invité Boudreau-Gagnon à joindre ses rangs pour une compétition internationale junior disputée à Rome. Cette dernière a d'ailleurs retrouvé avec amusement le bassin de sa première rencontre internationale. Il sert de piscine d'entraînement pour les Mondiaux de 2009. «Ça m'a surprise de voir que ça n'avait pas beaucoup changé», a-t-elle raconté.

Déménagée à Montréal à l'âge de 14 ans, Boudreau-Gagnon a progressé dans l'ombre d'Anouk Renière-Lafrenière, cinquième en équipe aux Jeux olympiques d'Athènes, en 2004. Boudreau-Gagnon avait dû se contenter du rôle de réserviste en Grèce. Le rigide protocole olympique l'a même empêchée de loger avec ses coéquipières au village des athlètes. Elle a songé à se retirer après cette pénible expérience.

Mais grâce à un thérapeute sportif bien intentionné, Boudreau-Gagnon a eu une rencontre déterminante avec le patineur de vitesse Jean-François Monette. Deux ans plus tôt, Monette avait vécu une expérience semblable aux Jeux de Salt Lake City, où il avait joué le rôle ingrat de substitut pour l'équipe de courte piste. «Ça avait été une expérience tellement incroyable que ça avait créé un déclic dans ma tête, s'est rappelé Monette, lundi, encore surpris de l'impact de sa discussion informelle avec la nageuse. Après ça, mes performances avaient monté en flèche.»

Fouettée, Boudreau-Gagnon a vécu un parcours semblable. À l'été 2005, elle a été choisie pour représenter le Canada en solo, en équipe et en combo aux Mondiaux de Montréal. Elle a fini respectivement sixième, cinquième et quatrième. Deux ans plus tard, à Melbourne, elle s'est classée cinquième au solo technique. «Je me suis rendu compte que je pratiquais mon sport pour les bonnes raisons, a-t-elle expliqué. J'ai adopté une tout autre optique. Je suis plus positive, ce qui aide aussi.»

Contrairement à 2004, Boudreau a été retenue pour les Jeux de Pékin, où elle a fini sixième en duo et surtout quatrième en équipe, signe précurseur de la renaissance de la synchro canadienne, qui tend à se confirmer à Rome. Aux yeux de Sylvie Fréchette, qui espère un podium dans l'épreuve combinée et une place parmi les quatre premières au solo libre pour le jeune prodige Chloé Isaac, «ce n'est pas fini, ce n'est qu'un début».