Erik Guay a changé. Rien de spectaculaire, mais il n'est plus tout à fait le même homme depuis sa conquête du globe de cristal. Et ce n'est pas parce qu'il a quitté son Mont-Tremblant natal pour s'installer en banlieue de Calgary avec sa petite famille.

«Je ne dis pas ça aux reporters de Calgary, mais je fais ça juste pour la business, racontait le skieur de 29 ans plus tôt cette semaine. Nos médecins, nos physios, nos entraîneurs sont tous ici. C'est un peu pour ça que je n'ai pas de problème de dos cette année. Mais ce n'est jamais comme chez nous. Il y a pas mal de choses qui me manquent, ma famille, mes amis. J'en ai, disons, jusqu'à 35 ans et après je retourne au Québec.»

Pour la Coupe du monde de Lake Louise, ses parents, Conrad et Ellen, et son frère Stefan sont venus le visiter. Sa petite fille de 22 mois, à qui il vient d'acheter sa première paire de skis, aura d'excellents professeurs pour sa première expérience sur les pentes.

Au cours des dernières années, Guay a partagé les projecteurs avec ses compatriotes Manuel Osborne-Paradis, John Kucera, Jan Hudec, qui sont tous montés sur le podium en Coupe du monde. Aux Jeux olympiques de Vancouver, le Québécois a joué la carte de la discrétion, laissant ses coéquipiers répondre aux questions. Guay a livré la marchandise sur les pentes, ratant une médaille par trois centièmes au super-G. Le globe de cristal du super-G, le premier en 28 ans pour un Canadien, a suivi quelques semaines plus tard. Mine de rien, il est redevenu le leader de l'équipe.

Louis-Pierre Hélie, 24 ans, acquiesce. «Avec moi, il a toujours été comme ça, mais il le fait maintenant avec le reste de l'équipe, dit le skieur de Berthierville. Quand vient le temps de parler lors d'une réunion avec les commanditaires, c'est lui qui le fait.»

Nouvel entraîneur-chef de l'équipe de vitesse, l'Américain Johno McBride constate lui aussi un changement dans l'attitude de son skieur vedette. «Je ne le connais pas depuis si longtemps, mais mon opinion personnelle est qu'il est en train de devenir un leader, estime l'ancien coach de Bode Miller. Il aide et supporte les jeunes. Parce qu'il travaille comme un fou, il est aussi un bon modèle pour les gars de son âge qui sont dans le groupe de Coupe du monde.»

McBride enchaîne: «Je crois que pendant longtemps, son monde était le monde d'Erik. Maintenant, il voit le portrait d'ensemble de l'équipe. Il reconnaît qu'il peut avoir une influence sur cette équipe. Il a fait un super travail pour s'engager dans ce rôle.»

Erik Guay, un leader? Le principal intéressé peine à se voir avec un tel statut. «J'ai toujours dit que je n'aimais pas ça, le concept de leader. Je préfère voir une équipe qui se tient ensemble, a-t-il précisé après avoir pris le 10e rang de la dernière descente d'entraînement, hier après-midi. C'est le Canada contre le monde en fait.»

Compétiteur ultra-intense, Guay est visiblement plus détendu cette année. Peut-être est-ce cette collaboration avec un psychologue sportif, une avenue qu'il n'avait jamais explorée jusque-là. «Je ne crois pas à ça», tranchait-il en entrevue il y a moins de deux ans.

Or, cet été, il a rencontré Derek Robinson, un ancien hockeyeur qui a oeuvré pendant quatre ans avec l'équipe canadienne de patinage de vitesse. Le lien s'est fait lors de parties de hockey à Calgary durant l'intersaison. Il s'est renforcé sur les terrains de golf. Robinson s'amusait à observer les réactions de l'athlète avec de petits paris amicaux sur le tertre de départ.

«Il voit comment tu es, si tu te frustres, raconte Guay. Sa façon de travailler est très intéressante. Il te donne une idée et il te dit comment ça va se transmettre dans le sport. Il ne connaît pas beaucoup le sport du ski, mais il apprend, il est bien ouvert. Je ne sais pas si ça fera d'énormes différences, mais je trouve ça cool.»

En tout cas, McBride dit côtoyer un skieur plus relax. «Erik se met beaucoup de poids sur les épaules, avec ses propres attentes, fait remarquer l'entraîneur. Il le fait toujours, mais s'améliore de ce côté-là. Il devient plus léger. Il commence à rouler avec les coups un peu mieux.»

Aujourd'hui, pour la première descente de la saison, Guay espère être celui qui les donne, les coups.