Patinage de vitesse Canada espère avoir frappé un coup de circuit en ramenant le quadruple médaillé olympique Éric Bédard dans son giron à titre d'entraîneur-chef de l'équipe masculine de courte piste. Pour Samuel Girard, champion olympique l'hiver dernier à PyeongChang, l'effet a été immédiat.

Samuel Girard s'est remis en question l'été dernier. En dépit de ses 22 ans, le champion olympique du 1000 m en patinage de vitesse courte piste s'est demandé s'il n'avait pas déjà fait le tour du jardin.

Le contexte post-Jeux olympiques de PyeongChang s'y prêtait. Début juin, Derrick Campbell, entraîneur-chef de l'équipe masculine, a annoncé son départ-surprise pour accepter un poste avec la Chine. Le processus de remplacement s'est étiré sur près de deux mois, plaçant les patineurs dans un climat d'incertitude.

En se levant le matin, Girard avait en tête la construction de sa nouvelle cuisine d'été plutôt que la séance d'entraînement de la journée. À Ferland-et-Boilleau, sa ville natale, il a aussi acquis un terrain avec sa copine et coéquipière Kasandra Bradette. De quoi faire rêver ce passionné de travaux manuels. Son questionnement s'est cristallisé lors d'une semaine passée en famille au Saguenay.

«J'étais en train de perdre un peu la motivation», a-t-il avoué, hier, à l'approche des championnats canadiens qui se dérouleront de demain à dimanche à l'aréna Maurice-Richard, à Montréal.

«Je me posais des questions: est-ce que j'aime encore ça? Est-ce que je continue à patiner? Je suis champion olympique, j'ai une médaille d'or, est-ce que j'ai fait ce que j'avais à accomplir? Oui, j'ai encore du potentiel, mais est-ce que mentalement, je suis prêt à sacrifier ce que j'ai envie de faire parce que j'ai des chances d'être bon? Ce n'est pas ma vision.»

Tout a changé le 1er août. Ce matin-là, Éric Bédard a été nommé entraîneur-chef par Patinage de vitesse Canada. Une heure plus tard, il sautait sur la glace pour diriger sa première séance d'entraînement.

Pour Girard, le déclic a été instantané. Bédard, quadruple médaillé olympique pour le Canada de 1998 à 2006, était son premier choix. Il n'a pas été déçu.

«Ça a pris une pratique, a-t-il résumé en claquant des doigts. Il nous est rentré dedans, on a eu mal aux jambes, on était brûlés. J'ai fait: OK, c'est pour ça que j'aime le patin. Ça m'a donné le petit kick qui me manquait. C'est pour ça que je veux continuer: let's go, on repart pour quatre ans, on va travailler ensemble et on va être encore meilleurs.»

Un diamant brut

Tout de son nouveau coach plaît à Girard: «Il amène l'énergie dont on avait besoin dans l'équipe pour nous pousser et nous développer encore plus. Derrick nous a amenés à un certain niveau; je pense qu'Éric est la personne pour nous amener encore plus loin.»

Après des passages heureux en Allemagne et en Italie, où il a notamment mené Arianna Fontana à trois podiums olympiques en 2014, Bédard est conscient d'avoir un diamant encore brut entre les mains.

«Samuel Girard a encore un peu besoin de confiance en lui, a constaté l'entraîneur de 41 ans. À la limite, je pense qu'il ne sait pas à quel point il est bon, même s'il est champion olympique et qu'il est sur le podium régulièrement.  Je veux l'amener à croire en lui.»

Le principal intéressé répond simplement qu'il ne veut pas se reposer sur ses lauriers: «J'ai été champion olympique au 1000 m et trois semaines plus tard, j'ai fini 10e aux Championnats du monde. Il n'y a rien d'acquis, même d'une semaine à l'autre.

«Oui, j'ai besoin de me faire pousser. Souvent, je vais mettre les freins un peu, me retenir à l'entraînement. Je me dis: ah non, je ne pense pas que je vais être capable de faire ça. Éric va être la personne à te dire: envoye, embarque sur la glace et patine, tu es capable de le faire.»

Médaillé de bronze au relais, quatrième sur 500 et 1500 m aux Jeux de PyeongChang, Girard n'a sans doute pas encore atteint son plein potentiel. S'il n'en est pas convaincu, il n'a qu'à se tourner vers son ami et mentor Charles Hamelin, sacré champion mondial pour la première fois à 34 ans, le printemps dernier, à Montréal.

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Photo Ivanoh Demers, La Presse

Éric Bédard est le nouvel entraîneur-chef de l'équipe masculine de patinage de vitesse sur courte piste.

Boutin forfait

Kim Boutin a déclaré forfait pour les Championnats canadiens. La triple médaillée olympique n'est pas prête à reprendre la compétition après une pause complète d'un mois au milieu de l'été.

«Kim a repris l'entraînement en même temps que tout le monde, mais on s'est aperçus qu'elle était encore fatiguée», a expliqué l'entraîneur-chef Frédéric Blackburn. «On a préféré la sortir et bien la reposer. [...] Le plan reste le même, sauf qu'on le reporte à plus tard. L'objectif, ce sont les performances aux Championnats du monde [Bulgarie, 8-10 mars] et les Olympiques dans quatre ans. Il ne faut pas sauter d'étapes.»

La porte-drapeau du Canada à la cérémonie de clôture des JO de PyeongChang ratera assurément les deux premières étapes de la Coupe du monde, celles de Calgary (2-4 novembre) et de Salt Lake City (9-11 novembre). Sa participation à la suivante au Kazakhstan est aussi peu probable. Blackburn a évoqué un retour en février à Dresde et Turin.

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Reconstruction chez les femmes

Avec l'absence de Boutin, de la retraitée Marianne St-Gelais et de la triple athlète olympique Valérie Maltais, qui s'essaie au longue piste, l'équipe féminine aura un tout nouveau visage cette saison. Kasandra Bradette et Jamie Macdonald sont les uniques athlètes olympiques de retour.

«J'essaie d'être un guide, d'être là pour les jeunes», a évoqué Bradette, bientôt 29 ans. «Quand j'ai reconsidéré mon avenir, je me demandais si j'avais encore ma place. La passion a toujours été là et je sens que j'ai encore le potentiel pour donner de bonnes performances, une année à la fois. Je vais en profiter pour donner mon héritage et mon savoir aux plus jeunes.»

Audrey Phaneuf, Alyson Charles, Camille De Serres-Rainville et la Néo-Brunswickoise Courtney Sarault, vice-championne mondiale junior, font partie des jeunes qui en bénéficieront.

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Nouveau format

Changement majeur en cette première année du cycle olympique, Patinage de vitesse Canada a remodelé son calendrier pour son groupe d'élite. Les Championnats canadiens de cette fin de semaine seront la seule et unique épreuve de sélection de l'année. De tout temps, il y en avait une autre en janvier. Cette «formule à l'européenne», dixit Éric Bédard, permettra aux entraîneurs de ne pas escamoter le deuxième grand bloc d'entraînement en vue de la fin de saison.

Les sept premiers athlètes de chaque genre - plus un choix discrétionnaire - composeront le groupe admissible aux Coupes du monde et aux Mondiaux. Ce groupe sera précisé au fil de la saison, en fonction des performances et à la discrétion des entraîneurs, qui disposeront de plus de marge de manoeuvre.

Pour les Championnats canadiens à l'aréna Maurice-Richard, les courses commenceront à 9h40 demain, samedi et dimanche, et se termineront chaque jour aux environs de 16h. Le calendrier complet des épreuves est disponible à www.speedskating.ca. Les billets coûtent 10 $ par jour et sont vendus en ligne ou à la porte.