En théorie, Alex Boisvert-Lacroix aurait pu se tendre en voyant Laurent Dubreuil remporter le 500 m de la Coupe du monde d'Heerenveen, samedi aux Pays-Bas. Non seulement son coéquipier venait de passer à l'histoire, mais il marquait de précieux points en vue de la qualification olympique. Dans une épreuve où au moins quatre patineurs se battront pour au maximum trois places, chaque résultat a son importance.

Boisvert-Lacroix en est bien conscient, mais il ne voit pas les choses du même oeil. Si ça se trouve, la victoire de Dubreuil, la première pour un patineur longue piste québécois depuis 1998, aura un effet libérateur sur son collègue, qui retrouvera le groupe A demain à Stavanger.

«Je veux y aller avec l'esprit léger, essayer de m'amuser un peu», a raconté Boisvert-Lacroix, qui bénéficiait d'une journée de congé hier en Norvège. «À ma première course à Heerenveen [7e du groupe B], c'était vraiment stressant. J'étais tendu, ce n'était pas bon, on aurait dit que je voulais trop en faire. Juste avoir vu Laurent gagner la médaille d'or, ça m'a relâché un peu. Si lui peut le faire, pourquoi pas moi?»

Après tout, aux sélections d'automne, il a pratiquement fait jeu égal avec le futur médaillé d'or, ne cédant qu'un dixième au cumulatif de deux courses. Jumelés dans le groupe B pour le premier 500 m à Heerenveen, Dubreuil et Boisvert-Lacroix ont offert des prestations un peu brouillonnes, mais le premier s'en est mieux tiré (3e), ce qui lui a valu un transfert dans le groupe A.

«On pouvait sentir qu'il allait avoir une bonne course», a noté Boisvert-Lacroix au sujet de l'épreuve du lendemain. «Il était vraiment crinqué, prêt à attaquer. Ça m'a motivé à avoir du plaisir. Il n'y a rien de stressant là. C'est dans ce temps-là que je fais mes meilleures courses. Je vais donc essayer de sourire en arrivant sur la ligne de départ.»

«Une bougie d'allumage»

Ce ne serait pas la première fois que Dubreuil inspire son collègue. En 2015, il avait annoncé la relance du patinage de vitesse québécois en terminant troisième au classement général de la saison et en remportant l'argent aux Championnats du monde.

L'entraîneur Gregor Jelonek avait invité Boisvert-Lacroix à s'en servir comme source de motivation. «Gregor croyait en moi. Il m'a dit: "Laurent l'a fait, toi aussi tu es capable." Ça a été comme une bougie d'allumage.»

La saison suivante, l'ancien patineur courte piste avait éclos de la même façon, engrangeant quatre podiums en Coupe du monde et couronnant le tout avec une médaille de bronze aux Mondiaux de 2016.

Ces succès ne se sont pas poursuivis l'hiver dernier. Boisvert-Lacroix n'a pu faire mieux qu'une neuvième place en Coupe du monde. Il s'est néanmoins classé pour les Mondiaux de PyeongChang, où il a fini 13e.

«Je me suis peut-être mis un peu trop de pression. J'avais eu une saison incroyable, et on veut refaire la même chose. On voit ça souvent d'un golfeur qui gagne un tournoi majeur et pour qui c'est plus tranquille l'année suivante. Je pense que c'est un peu semblable.»

En plus de sourire cette semaine à Stavanger, Boisvert-Lacroix vise une amélioration de ses départs, un aspect qui a fait défaut aux Pays-Bas. Habitué d'«ouvrir» en 9,6 secondes, il a traîné par deux dixièmes sur les 100 premiers mètres, qui sont normalement sa force. Ce déficit de vitesse a ensuite plombé son tour lancé.

Le Sherbrookois croit avoir cerné le problème: «J'ai de l'explosivité, de la force dans les jambes, c'est vraiment juste sur le plan technique. J'ai voulu allonger mes pas, diminuer ma fréquence [de pas]. Après avoir regardé des vidéos où j'ai eu du succès, je dois avoir la fréquence dans le tapis. Dimanche, j'ai travaillé sur des choses de base, juste pour retrouver mes racines.»

À 30 ans, Boisvert-Lacroix en est à sa dernière tentative pour se qualifier pour les Jeux olympiques. Il veut prendre une course à la fois et refuse de s'imposer une pression indue. «Laurent s'est donné une petite longueur d'avance et il pourrait se préqualifier [avant les sélections de janvier]. Si ça arrive, tant mieux pour lui, il l'aura mérité. Il restera encore deux places accessibles pour le 500 m. La situation n'a pas changé. En toute honnêteté, il y a quatre gars pour trois places. Il y en a un dans le groupe qui ne passera pas. J'espère que ce ne sera pas moi, mais tout est possible.»

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Retour en force

À la dernière Coupe du monde d'Heerenveen, les patineurs canadiens ont commencé à démontrer que leur baisse de régime sur 500 m en 2016-2017 n'était qu'une anomalie. Les hommes à la feuille d'érable composeront le quart du groupe A pour le premier 500 m à Stavanger, demain. En plus de Laurent Dubreuil, troisième au classement, Gilmore Junio (16e), William Dutton (18e), Alex Boisvert-Lacroix (22e) et Alexandre St-Jean (23e) prendront le départ.

Photo Adrian Wyld, archives La Presse canadienne

Gilmore Junio