Au moment où les athlètes commencent leur préparation finale pour les Jeux olympiques de PyeongChang, les dirigeants de Patinage de vitesse Canada (PVC) se livrent à une partie de bras de fer.

Au centre de cette lutte de pouvoir, le directeur haute performance Brian Rahill s'est fait remercier la semaine dernière. Son départ surprise survient au moment où il s'apprêtait à procéder à un changement important au sein du personnel technique de l'équipe nationale de courte piste.

«J'avais une occasion inégalée d'améliorer le programme de courte piste et on m'a barré les roues depuis les six dernières semaines», a déploré Rahill au téléphone, sans vouloir entrer dans les détails. «Dans un contexte comme ça, je ne suis pas certain que je souhaitais continuer.»

Celui qui chapeautait aussi le programme de longue piste soutient avoir été victime d'ingérence de la part de la nouvelle chef de la direction par intérim de la fédération canadienne, l'ex-patineuse olympique Susan Auch, et du conseil d'administration qu'elle présidait jusqu'au début du mois de février.

«Tout ce que je demandais, c'était l'autorité de mon poste [...], mais elle n'était pas prête à me la donner, a fait valoir Rahill. Susan voulait avoir son mot sur tout ce qui était haute performance, parce qu'elle est la chef de la direction. Pour moi, c'était inacceptable de travailler dans ces conditions-là. Ils ont donc décidé que c'était probablement mieux de se débarrasser de moi.»

En «conflit majeur» avec sa supérieure sur la question du partage des pouvoirs, Rahill a senti le tapis lui glisser sous les pieds malgré les pressions qu'auraient exercées des partenaires comme À nous le podium, Sport Canada et le Comité olympique canadien.

Invoquant la confidentialité des motifs d'une décision relevant des affaires internes de PVC, Mme Auch n'a pas voulu répondre directement à son ancien directeur de la haute performance. «Je vous dirai ce que j'ai dit aux athlètes, aux entraîneurs et aux membres du personnel: tout le monde dans cette organisation est tenu de se conformer au code de conduite et aux valeurs de Patinage de vitesse Canada», a expliqué la chef de la direction hier.

«Impact potentiellement positif»

Si le congédiement de Rahill sert les intérêts à long terme de PVC, selon le communiqué diffusé la semaine dernière, il aura également un «impact potentiellement positif» sur l'équipe en place en vue des JO de PyeongChang de février 2018, affirme Mme Auch.

«Je connais le genre d'ambiance dont on a besoin en route vers les Jeux olympiques, a indiqué la triple médaillée en 1988, 1994 et 1998. Je crois qu'on a fait le meilleur choix en ce moment et qu'on aura l'occasion d'être encore meilleurs que ce à quoi on pouvait s'attendre.»

Élue présidente en juin, Auch a remplacé Ian Moss comme chef de la direction en février. Elle avait promis des changements alors que des problèmes financiers avaient forcé l'annulation de la participation de membres de l'équipe canadienne à certaines Coupes du monde de longue et de courte piste.

«Ça ne nous a peut-être pas affectés tant que ça, mais plus que [les dirigeants] pensaient», a indiqué hier le champion olympique Charles Hamelin.

Les athlètes ont appris le départ de Rahill lors d'une téléconférence avec Susan Auch. «Tout le monde a été surpris», a dit Hamelin, soutenant que le successeur de son père Yves s'était bien acquitté de son mandat depuis son entrée en poste en 2014. Limité à cinq podiums à Sotchi, le Canada avait connu des Jeux en deçà de ses standards habituels. Le nouveau patron avait établi une cible élevée pour PyeongChang, soit au minimum revenir aux performances de Nagano en 1998 (neuf médailles).

«Je connais bien Brian. J'avais confiance en lui et je savais que si quelqu'un était capable d'arriver à cet objectif, c'était lui.»

Le vétéran de 33 ans a relevé les récentes prestations de sa fiancée Marianne St-Gelais aux Mondiaux de Rotterdam, du jamais-vu depuis l'époque de Nathalie Lambert, et l'émergence de Samuel Girard, 20 ans et médaillé d'argent au 1500 m.

Au total des Championnats du monde des deux disciplines, les patineurs canadiens sont montés sur le podium à huit reprises dans les épreuves olympiques. Plusieurs ont terminé quatrièmes ou cinquièmes.

«Dans ma tête et dans les faits, on y arrivait, a estimé Hamelin. On commençait à avoir plus de podiums et plus de personnes différentes sur le podium. On était en voie d'accomplir cet objectif ambitieux.»

Soulignant que ses relations avec Rahill se limitaient à des discussions sur la performance, Hamelin ne s'est pas prononcé sur la décision de PVC de le licencier: «Je ne sais pas ce qui se passe dans les bureaux ou avec les autres personnes. Je n'ai aucune idée si c'est l'enfer là-bas. Mais de mon point de vue, Brian était à la bonne place et faisait la job qu'il avait à faire pour l'équipe.»

Comme le travail en amont est accompli, son départ ne devrait pas avoir d'impact négatif sur les résultats des patineurs canadiens à PyeongChang. « Je suis un peu triste et déçu pour lui qu'il ne puisse pas faire partie de cette équipe qui ira compétitionner aux Jeux contre le reste de la planète », a néanmoins exprimé Hamelin.

Médailles canadiennes en patinage de vitesse

JO Nagano 1998: 9

JO Salt Lake City 2002: 9

JO Turin 2006: 12

JO Vancouver 2010: 10

JO Sotchi 2014: 5

Mondiaux longue et courte piste 2017: 8