Marianne St-Gelais l'affirme haut et fort, elle vise le premier rang aux prochains Championnats du monde. Elle n'aurait jamais parlé comme ça il y a un an. Encore moins en 2014, au lendemain de Jeux olympiques calamiteux à Sotchi.

La patineuse de vitesse n'est plus la même, et pas seulement à cause de sa nouvelle couleur de cheveux.

Cette confiance, St-Gelais la tire de tout le travail accompli depuis Sotchi, sur la glace et à l'extérieur. Elle a surmonté des moments difficiles pour connaître la meilleure saison de sa carrière l'hiver dernier: 11 podiums sur 12 départs en Coupe du monde et quatre médailles aux Championnats du monde de Séoul, dont l'argent au classement général et surtout l'or au 1500 m.

Ce premier titre mondial, sur une distance qui la rebutait il n'y a pas si longtemps, St-Gelais l'a célébré en poussant trois cris primaux facilement perceptibles sur la reprise vidéo.

«Ce n'était pas seulement "je viens de gagner", mais plutôt "on a réussi"», a raconté St-Gelais hier matin après un entraînement à l'aréna Maurice-Richard, où se dérouleront les sélections pour les Coupes du monde de demain à dimanche.

«Cette médaille d'or, qui semblait inespérée dans les deux dernières années, est arrivée. Quand tu mets de côté tous les problèmes et que tu travailles comme il faut, c'est ce que ça donne. Je pense que c'était un cri de profond soulagement.»



Après la course, St-Gelais est tombée dans les bras de son entraîneur Frédéric Blackburn, avec qui elle avait connu sa part de différends dans le passé. Sur le coup, elle n'a pas compris quand celui-ci lui a dit qu'elle était sa «première».

«Lui aussi, c'était son premier titre mondial avec une athlète. C'est complètement ironique. Je l'ai regardé et lui ai dit: "Il y a deux ans, j'en méritais-tu pas de titre de championne mondiale." On n'avait tellement pas cette chimie-là. Maintenant, c'est moi, sa première championne. Ça n'a pas de bon sens, quand on y pense. Ayoye, on est tellement partis de loin!»

Examen de conscience

Rétive à l'arrivée en poste de Blackburn en 2012, St-Gelais a fait un examen de conscience après son échec personnel aux JO de Sotchi. Elle a compris que les hauts standards exigés par l'entraîneur n'avaient pas pour but de lui nuire.

Blackburn a lui aussi accepté sa part de blâme, reconnaissant que la communication avec son athlète n'avait pas été optimale. Les deux ont mis de l'eau dans leur vin.

«Marianne a beaucoup évolué, note l'ancien vice-champion mondial. Parfois, quand on vit de gros échecs comme ça, on prend de la maturité plus rapidement. On a développé une super bonne relation. Coacher Marianne, c'est le fun. On peut avoir des opinions divergentes, mais on en discute et on prend la décision qu'on pense être la meilleure.»

La triple médaillée olympique attribue aussi une large part de ses succès au préparateur mental Fabien Abejean. Ce dernier lui a appris à ne pas retenir son agressivité sur la glace et à dissocier la personne de l'athlète.

Sur le plan physique, la patineuse de Saint-Félicien a tiré profit d'un programme de musculation calqué sur celui de l'équipe masculine, une tangente empruntée par des coéquipières cet été. À certaines périodes ciblées, elle augmente l'intensité et le volume en salle, ce qui a parfois des répercussions sur la glace.

«À ce moment-là, je suis fatiguée, je me sens moins bonne, moins capable d'en donner. Mais quand j'ai récupéré de ça, je me sens vraiment plus forte, plus solide, surtout au niveau des muscles centraux et abdominaux.»

À 26 ans, St-Gelais entreprend la dernière ligne droite de sa carrière. Dans moins d'un an, elle participera aux sélections pour les JO de Pyeongchang. «Je veux partir en ayant encore soif de mon sport, exprime-t-elle. Le dernier bout de chemin, je veux le faire pour moi. Ce que le sport va m'avoir apporté, j'ai l'impression que c'est cette dernière année et demie qui va le déterminer.»

D'ici là, elle se concentrera sur les Coupes du monde, dont la première à Calgary du 4 au 6 novembre, et sur les Mondiaux de Rotterdam (10-12 mars), où son ambition est claire: «On y va pour le titre, c'est sûr.»

Photo André Pichette, La Presse

Frédéric Blackburn et Marianne St-Gelais