Pour se concentrer avant une compétition, Yoan Gauthier jongle. Un peu comme il l'a fait avec ses adversaires à l'aréna Maurice-Richard, hier après-midi, à Montréal. À la toute fin, l'équilibre s'est rompu, mais l'acrobate sur deux lames de Rivière-du-Loup venait de livrer tout un spectacle en conclusion de cette Coupe du monde, où la jeune équipe canadienne a été limitée à un seul podium.

Parti du corridor extérieur lors de ses trois rondes de 500 mètres, Gauthier a multiplié les dépassements impressionnants, certains carrément osés, provoquant quelques contacts, avant de terminer à la quatrième place d'une finale où tout s'est joué dans le dernier virage.

La recrue de 21 ans s'est lancée à corps perdu dans la mêlée, mais le Russe Vladimir Grigorev, un costaud, lui a barré le chemin. Quelques minutes plus tard, le sourire du Québécois était aussi large que s'il avait gagné l'or à la place du Russe Dmitry Migunov. «Je suis quelqu'un d'assez serein», a rappelé Gauthier, l'oeil rieur, même s'il juge que le geste de Grigorev, médaillé d'argent, aurait pu être sanctionné. «Je me suis prouvé à tout le monde, et surtout à moi-même, que je suis capable de combattre dans des situations assez précaires.»

Comme dans ce quart de finale, où il a surpris nul autre que le Coréen Kwak Yoon-gy, champion mondial 2012 et véritable anguille sur la glace. Au point où «faire un Kwak» est entré dans le langage des patineurs canadiens pour désigner un dépassement spectaculaire.

«J'ai un peu fait un Kwak sur Kwak!», s'est amusé Gauthier au sujet de cette manoeuvre qui lui a permis de passer de la troisième à la deuxième place, juste au son de la cloche annonçant le dernier tour. La foule s'est énervée, ses parents dans les gradins aussi, même l'entraîneur-chef Derrick Campbell a tapé de joie dans les matelas. Le jeune patineur à la queue de cheval bouclée a apprécié: «C'est rare que Derrick soit expressif. Mais là, des moments comme ça, sur des patineurs clés, Yoan, t'as gagné quelque chose, là...»

Une révélation

Surnommé le «jongleur de Rivière-du-Loup» par l'annonceur Dany Lemay, Yoan Gauthier ne devait même pas participer à la Coupe du monde de Montréal. Il a été appelé à remplacer le médaillé de bronze olympique Charle Cournoyer, blessé à un pied, dont il a d'ailleurs hérité de la combinaison.

Après des débuts encourageants la semaine dernière à Salt Lake City (7e au 1000 m), il s'est révélé à Montréal, gonflant son niveau de confiance de course en course, jusqu'à cette démonstration de sang-froid et d'agilité en finale du 500 m. «C'est ce qui me faisait le plus défaut jusqu'à présent: reconnaître ma force par rapport aux autres. À Montréal, ç'a été une révélation pour ça.»

Charles Hamelin, stoppé en demi-finale hier, a salué cette évolution: «On a vu Yoan Gauthier être capable de tirer son épingle du jeu, être capable de monter sur le podium. J'aurais aimé le voir sur le podium. Ç'aurait été vraiment le fun pour lui, une belle tape dans le dos.»

Aux yeux de Guillaume Bastille, lui aussi originaire de Rivière-du-Loup, ce n'était qu'une question de temps avant que Gauthier, qu'il a entraîné il y a plusieurs années, ne révèle son talent. «C'est un présage de ce qu'il peut faire», a laissé entendre celui qui a remporté la finale B du 1000 m (5e). «Il a eu beaucoup de hauts et de bas de performance dans les dernières années. Mais quand tout est en place, il peut être excellent comme en fin de semaine.»

En plus de la jonglerie à quatre balles, Gauthier pratique l'équilibrisme sur sangle. «Il a un look un peu différent, une attitude différente, a convenu Bastille. Il y a tout plein de styles qui peuvent mener à l'excellence. Si, à travers son côté extraverti, il réussit à trouver ce qui marche pour lui, je pense que ça va être le déclencheur d'une grande carrière.»

En attendant de recevoir sa propre combinaison de l'équipe canadienne, Yoan Gauthier continuera de faire ses classes au centre national de l'aréna Maurice-Richard. Il n'a pas été sélectionné pour les Coupes du monde asiatiques du mois prochain. Nombreux sont ceux qui ont hâte de le revoir à ce niveau.