Charles Hamelin s'est présenté devant les journalistes les yeux humides et la gorge serrée. Il venait tout juste de s'excuser à ses jeunes coéquipiers du relais. Il avait le sentiment de les avoir laissé tomber en chutant dans l'avant-dernier tour de sa vague de qualification, conclusion dramatique à cette première journée de la Coupe du monde de patinage de vitesse courte piste de Montréal, vendredi après-midi.

Le Canada était éliminé. Encore. « Ça fait mal. J'aurais tellement voulu mieux pour les boys », s'est blâmé Hamelin, qui menait l'épreuve avant d'aller taper dans les matelas. Un peu plus tard, dans le vestiaire, Patrick Duffy, Yoan Gauthier et Samuel Girard, trois recrues, ont tenté de dédramatiser la malchance du triple champion olympique.

« Oui, c'est grave, a rétorqué Hamelin. Je leur ai dit: "Vous avez fait l'un des meilleurs relais de votre vie." Ils n'en ont pas beaucoup dans leurs jambes. C'est peut-être leur troisième en Coupe du monde et ils ont fait un excellent relais. Comme si c'étaient tous des vétérans. »

Hamelin avait pourtant pris note de la fissure dans la glace, créée par les nombreux passages des 16 patineurs en course. « Je la voyais, la craque, je l'ai vue pendant toute la course, a-t-il ragé. Il a fallu qu'après le dernier échange, je pile dedans et que je tombe. C'est une autre erreur qu'on a faite au relais et qui nous enlève la chance de gagner une médaille. »

L'équipe masculine du relais est plongée dans une série noire, a constaté Hamelin. Il y a eu cette chute de son frère François aux Jeux olympiques de Sotchi, en février. Un mois plus tard, aux Mondiaux de Montréal, le Canada a été stoppé en demi-finale, se privant de l'occasion de décrocher une cinquième médaille d'or consécutive. Puis, la semaine dernière, à la Coupe du monde de Salt Lake City, Charles Hamelin est tombé en demi-finale après avoir mis une lame sur un bloc.

« Ça commence à faire son temps », a convenu l'athlète de 30 ans, qui a aussi perdu pied dans des épreuves individuelles à Sotchi et aux Mondiaux.

Il brûle de pouvoir se reprendre: « On veut revenir dans les prochaines compétitions. Il faut qu'on se rende en finale. [...] On est la meilleure équipe et on est censés être en finale et sur le podium. Ce n'est pas normal d'être dans cette position-là en ce moment. »

Au moins, sur le plan individuel, Hamelin est passé à travers ses deux épreuves sans trop d'encombres, accédant directement à la demi-finale du 1500 m (samedi) et aux quarts de finale du 500 m (dimanche). Il a eu un peu chaud en deuxième ronde du 500 m, alors qu'il s'est frotté à Yu Jiyang. Les juges ont tergiversé plusieurs minutes avant de disqualifier le patineur chinois.

Quelques minutes plus tard, Marianne St-Gelais a connu le même sort en vague éliminatoire du 1000 m, après avoir freiné la progression d'une rivale hongroise avec ses bras. Sa pénalité la prive d'un accès au repêchage de dimanche.

« Ce n'est pas quelque chose que je fais normalement, je l'ai essayé et je ne le referai plus », a souri St-Gelais, qui sera cependant des quarts de finale du 500 m aujourd'hui.

La triple médaillée de Salt Lake City était surtout soulagée d'avoir su éviter la catastrophe au relais. Déjà frappée d'un avertissement pour s'être présentée au départ avec quelques secondes de retard, elle a frôlé l'exclusion lorsqu'elle a posé le bout de sa lame sur la ligne, un geste interdit. Elle a réagi juste avant que le starter ne la sanctionne.

L'athlète de Saint-Félicien a ensuite retenu son souffle lorsqu'elle s'est retrouvée sur un seul patin après un échange avec Joanie Gervais. « Mon erreur », a confessé St-Gelais, qui a pu récupérer son équilibre et reprendre sa vitesse avant de donner le dernier relais à Valérie Maltais, qui a franchi la ligne la première.

Maltais a eu une journée parfaite, remportant aussi ses vagues de 1500 et de 1000 m. « Honnêtement, je me sentais un peu nerveuse, a admis la médaillée de bronze des derniers Mondiaux. On dirait qu'en étant à la maison, je me sentais un peu fébrile et nerveuse. »

Les jeunes patineurs canadiens qui en sont à leurs premières armes sur le circuit de la Coupe du monde ont aussi goûté à l'atmosphère particulière de l'aréna Maurice-Richard.

« C'était étrange, je crois que c'est le mot », a résumé Yoan Gauthier, étonné d'avoir été assailli dans les estrades par de nombreux écoliers en quête d'autographes. Sur la patinoire, il s'est surpris à devoir réfréner un sourire lorsque la foule l'a encouragé durant un dépassement.

« Je me suis dit: c'est peut-être inadéquat en ce moment de sourire... a dit l'athlète de Rivière-du-Loup. On va se concentrer sur ce qu'il faut que je fasse pour ne pas tomber. Ça reste de la glace. »

Parlez-en à Charles Hamelin.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Marianne St-Gelais (8) a été privée d'une participation au repêchage pour le 1000 m samedi, après avoir gêné une concurrente.