Six ans plus tard, Charles Hamelin en parle comme d'une «grosse connerie». Il avait été disqualifié dès les qualifications du 1500 mètres qui ouvraient les Championnats du monde de Milan, en 2007. Il avait rebondi avec une victoire au 500 m et un deuxième rang au 1000 m, en route vers une deuxième place au classement général final.

Encore néophyte dans le sport, cette médaille d'argent, derrière le quintuple champion coréen Hyun-Soo Ahn, lui convenait alors amplement. Il a mis quelques jours avant de pleinement réaliser l'impact de sa bourde. «Je me suis dit: Ayoye! Si j'avais fait une course plus intelligente en première ronde du 1500 mètres, j'aurais peut-être décroché le titre de champion du monde!»

On ne l'y reprendra plus. Hamelin a participé à cinq autres Mondiaux par la suite, remportant deux autres médailles, dont la dernière en argent en 2011, où cette fois la domination sans partage du Coréen Jin-Kyu Noh ne lui autorisait aucun regret.

Marc Gagnon est le dernier patineur canadien à avoir été couronné champion mondial. En 1998, à Vienne, il avait remporté son quatrième et dernier titre, perpétuant une tradition amorcée par Gaétan Boucher en 1977.

À 28 ans, Hamelin n'a peut-être jamais été aussi bien placé pour succéder à ses illustres prédécesseurs. Double champion olympique, auteur de plus de 50 podiums en Coupe du monde, l'athlète de Sainte-Julie tentera de combler ce rare vide à son palmarès en s'alignant pour ses 10es Mondiaux seniors consécutifs, de demain à dimanche, à Debrecen,

Ce joyau manquant, il le cible ouvertement depuis le début de l'année, mais il est loin d'en faire une obsession.

«Je veux juste faire des courses intelligentes, qui vont bien se dérouler et qui me rendront fier de mes résultats», a-t-il expliqué depuis la Hongrie en début de semaine. «Je ne veux pas me mettre une immense pression et dire que je veux gagner à tout prix. C'est sûr que de gagner serait vraiment incroyable. C'est la seule chose que je n'ai pas encore faite dans ma carrière. Mais je veux avant tout mener de bonnes courses, intelligentes, qui pourront m'aider en vue des Jeux olympiques de 2014.»

Des «courses intelligentes»: cela revient souvent dans le discours d'Hamelin. Il veut dire par là briser son habitude de mener une épreuve de bout en bout et devenir moins prévisible. Avec l'aide de son entraîneur Derrick Campbell, il y travaille depuis l'instauration de nouveaux règlements, il y a trois ans. En résumé, les changements de trajectoire sont maintenant autorisés et les dépassements, en particulier ceux de l'intérieur, sont encouragés.

L'adaptation n'a pas été facile. «Ce n'était pas une question de six mois ou d'un an, a fait remarquer Hamelin. C'était vraiment un travail de longue haleine, qu'il fallait compter en nombre d'années. Ça a comme débloqué un peu cette année. Je crois que j'ai évolué dans ma façon de patiner.»

Meneur du classement de la Coupe du monde au 500 m, sa spécialité, Hamelin est aussi monté sur le podium sur les deux autres distances (1000 et 1500 m), gage de stabilité et de régularité. S'il ne se considère pas comme «inférieur à quiconque sur la glace cette année», peu importe les épreuves, il refuse de se voir comme le favori à Debrecen.

En l'absence du tenant du titre, le Coréen Yoon-Gy Kwak, blessé, Hamelin identifie quatre principaux adversaires: l'Américain J.R. Celski, détenteur du record mondial du 500 m; le Coréen Noh, presque imbattable sur 1500 m depuis trois ans; le Chinois Liang Wenhao, excellent sprinter et double médaillé de bronze aux Mondiaux; et son compatriote Olivier Jean, champion du 500 m mis à l'arrêt pendant six semaines après une commotion cérébrale subie en décembre.

«Ce n'est pas ce qui va l'empêcher d'être un féroce adversaire», a prévenu Hamelin au sujet de Jean, avec qui il cherchera à défendre leur couronne mondiale au relais en compagnie de Michael Gilday, Charles Cournoyer et Guillaume Bastille.