Ça s'est passé en quelques fractions de seconde. Au début d'un virage, une patineuse a accroché de la main un petit bloc délimitant la trajectoire. Marie-Ève Drolet, qui suivait un peu à l'extérieur, a mis le patin gauche, puis le droit dessus, ce qui l'a fait valser dans les matelas de protection à quelque 45 km/h. La patineuse originaire du Saguenay a été incapable de se protéger et l'impact a été violent.

Prise de maux de tête, Drolet a été immédiatement retirée de la compétition en cette première journée des sélections pour les Coupes du monde d'automne, qui se sont tenues à Calgary du 14 au 16 septembre. Diagnostic: commotion cérébrale. Parmi les 32 patineurs en action, trois autres ont subi une commotion.

La patinoire de Calgary est pourtant dotée d'un système sans bandes qui permet aux coussins de protection de se déplacer au moment d'un impact. En 2009, le même système a été installé au centre national de l'aréna Maurice-Richard, à Montréal, afin d'éviter les blessures en prévision des Jeux olympiques de Vancouver.

La priorité

Depuis trois ans, près d'une demi-douzaine de commotions ont été diagnostiquées chaque année chez des membres de l'équipe canadienne. La sensibilité à la problématique est plus grande et l'information circule plus que jamais, mais l'occurrence semble beaucoup plus fréquente qu'il y a 15 ou 20 ans.

«Depuis un an et demi, c'est la priorité du comité de sécurité», indique Yves Hamelin, directeur du programme de courte piste à Patinage de vitesse Canada.

Heureusement, Drolet, qui a déjà subi deux autres commotions, a pu revenir sur la glace mardi, après une absence d'une semaine et demie. L'athlète de 30 ans a bon espoir que sa période d'inactivité ne l'affectera pas trop en vue des premières Coupes du monde de cette importante saison préolympique, à Calgary (du 19 au 21 octobre) et à Montréal (du 26 au 28 octobre).

Jessica Gregg n'a pas eu cette chance. Blessée à la fin de la saison 2010-2011, l'Albertaine de 24 ans, vice-championne olympique au relais, a dû s'absenter toute l'année suivante en raison de symptômes postcommotion. Elle n'a repris le collier qu'aux sélections de Calgary, où elle s'est classée cinquième.

Le casque en cause?

Compte tenu de la présence de matelas plus sécuritaires - qui «ont amélioré la situation de manière importante», dixit Yves Hamelin - le casque protecteur serait-il une cause importante des commotions cérébrales? C'est l'hypothèse soulevée par le comité de sécurité, dont l'ex-entraîneur Robert Tremblay fait partie.

Implantés par la fédération internationale au tournant des années 2000, ces casques ont une forme ovoïde, comme ceux portés par les cyclistes. «Ils ont une pointe arrière, souligne Tremblay, ce qui provoque une rotation de la tête après un impact. J'ai tendance à croire que le problème principal est la forme et la grosseur du casque.»

Des concepteurs travaillent donc sur un prototype plus petit et plus ajusté. Il comporte également un rembourrage dont sont dépourvus les casques actuels. En fait, il ressemble beaucoup plus aux casques portés dans les années 80 et 90. D'ailleurs, l'ex-vice champion mondial Frédéric Blackburn, nouvel entraîneur-chef de l'équipe féminine, est persuadé que ces casques offraient une meilleure protection.

«Le défi est de faire des casques plus petits pour diminuer la rotation, mais pas trop petits pour qu'ils répondent aux normes de certification», explique Tremblay.

La route est longue, prévient Yves Hamelin. Des tests doivent d'abord être effectués dans un laboratoire californien. Puis il faudra le faire certifier et fabriquer. Il restera à obtenir l'aval de la fédération internationale. L'échéance des Jeux olympiques de Sotchi, dans moins de 500 jours, paraît serrée. «C'est peut-être un peu compliqué, estime le directeur de programme. Au moins, si on pouvait l'utiliser à l'entraînement.»

Après avoir vu des étoiles à Calgary, Drolet serait la première volontaire. D'autant plus qu'elle se sentait «mieux protégée» avec l'ancien casque... et que le nouveau, elle l'a «toujours trouvé affreux!».