La patineuse de vitesse courte piste Marianne St-Gelais a très mal vécu le départ de son entraîneur Sébastien Cros. Au point où elle a décidé de ne pas s'aligner sur les distances individuelles aux Championnats du monde de Shanghai, le mois dernier.

Au moment de l'annonce de l'équipe, Marie-Ève Drolet avait été mystérieusement préférée à St-Gelais, vice-championne olympique du 500 mètres et no 1 au Canada depuis deux ans. Tout le monde a présumé que l'athlète de Saint-Félicien était encore ralentie par les maux de dos qui l'avaient forcée à rater la sélection nationale du mois de janvier, à Saguenay.

Ce n'était pas le cas. Perturbée depuis plusieurs semaines par le départ annoncé de Cros, qui dirigera dorénavant l'équipe russe, St-Gelais a préféré s'abstenir et céder sa place à sa coéquipière Drolet. Elle s'est contentée du relais, qui a fini quatrième.

«Mentalement, je ne me sentais pas apte à le faire», a expliqué St-Gelais, hier midi, à Montréal, en marge d'une remise de bourses de la Banque Nationale dans le cadre de la Fondation de l'athlète d'excellence du Québec. «Pourquoi ça l'intéresserait de nous voir gagner s'il savait qu'il ne serait pas là l'année d'après? C'était aussi ma façon de montrer à Sébastien que je n'acceptais pas ce qu'il faisait.»

Comme une trahison

La patineuse de 22 ans a vécu comme une trahison la décision de Cros de quitter le programme canadien. L'entraîneur français la dirigeait depuis son arrivée à Montréal en 2007. Deux ans plus tard, elle est devenue championne du monde junior du 500 m. L'année suivante, l'athlète de Saint-Félicien a gagné l'argent aux Jeux olympiques de Vancouver. Elle croyait poursuivre sa route avec Cros au moins jusqu'aux JO de Sotchi, en 2014.

Le départ de Cros se trame depuis l'été dernier. Pour une histoire de coeur, il souhaitait se rapprocher de l'Europe. Pendant plusieurs mois, Yves Hamelin, directeur du programme de courte piste, a tenté en vain de trouver une solution. Cros était un entraîneur très apprécié, autant auprès des athlètes que des dirigeants. «On est très satisfait du coaching qui a été offert, non seulement en ce qui a trait aux performances, mais pour l'ensemble du programme», a dit Hamelin.

Les patineuses ont été mises au parfum à l'automne, peu avant les deux premières Coupes du monde. Pour St-Gelais, qui vouait une confiance totale à son entraîneur, le lien de confiance s'est effiloché au fil du temps. «On avait l'impression de ne rien savoir. Il s'absentait de plus en plus. Ça a commencé à nous déranger. Quand il revenait, on avait l'impression de recommencer à zéro.»

La communication entre St-Gelais et Cros s'est rompue définitivement peu après les sélections de janvier. «Il me coachait, mais on ne se parlait pas. On n'avait aucune interaction sur la glace.»

Remise de ses maux de dos, St-Gelais a participé le mois suivant aux dernières Coupes du monde de la saison, à Moscou et aux Pays-Bas, où elle a remporté l'or à un 1000 m.

La démission de Cros a été officialisée lors de ce voyage. «À partir de là, ça s'est détérioré. J'ai pété une coche solide, a dit St-Gelais. Il n'était plus aussi présent. Il avait perdu l'étincelle dans ses yeux. On voyait qu'il n'avait plus envie d'être là.»

Dans les circonstances, elle a préféré s'abstenir de patiner les quatre distances individuelles à Shanghai, un choix qu'elle assume et dont elle revendique la responsabilité. «Ce n'est pas la faute de Sébastien.»

En fin de compte, les deux Canadiennes ont très bien patiné en Chine. Valérie Maltais est devenue vice-championne du monde, tandis que Drolet a fini septième. Ces résultats permettront au Canada de déléguer une représentante de plus aux prochains Mondiaux. «C'est une histoire plate, mais ça finit bien pour tout le monde», a résumé St-Gelais, qui se réjouit de la nomination récente de Frédéric Blackburn à titre de nouvel entraîneur-chef de l'équipe féminine.

Toujours à Montréal, Cros s'emploie ces jours-ci à préparer la transition avec Blackburn, un ancien vice-champion mondial qui dirigeait jusque-là l'équipe masculine de développement.