La carrière mouvementée de Mervin Tran n'a rien d'exceptionnel en patinage artistique. Les couples «inter-nationaux' sont monnaie courante et ils peuvent participer sans problème aux compétitions internationales. C'est toutefois différent aux Jeux olympiques.

L'Américaine Piper Giles, partenaire de Paul Poirier en danse, vient tout juste d'obtenir sa citoyenneté canadienne et le couple espère mériter sa qualification olympique ce week-end à Ottawa. Kaitlyn Weaver, la partenaire d'Andrew Poje, est elle aussi née aux États-Unis et a dû faire le même processus il y a quelques années.

«Les règles ont changé», explique Richard Gauthier, entraîneur réputé au niveau international, qui a travaillé avec plusieurs couples multinationaux au club de Saint-Léonard. Les pays hésitent à laisser partir leurs meilleurs patineurs. En Russie (où les patineurs d'élite sont nombreux), il fallait débourser 10 000 $ pour obtenir le transfert d'un athlète.

«En simple, un athlète doit maintenant attendre deux ans avant de pouvoir représenter un nouveau pays. En couple, le délai n'est que d'un an parce qu'il y a moins de patineurs de haut niveau dans ces disciplines.»

Un autre Québécois, Francis Boudreau-Audet, suit déjà les traces de Mervin Tran. Il s'entraîne dans l'arrondissement de Saint-Léonard avec Ami Koda, une patineuse d'origine sino-japonaise, et le couple a récemment pris la deuxième place des championnats juniors du Japon derrière une paire formée d'une Japonaise et d'un Russe...

Il y a quelques années, la Russe Marina Anissina, alors championne du monde junior, avait contacté plusieurs spécialistes masculins en danse pour leur offrir de déménager dans leur pays et de prendre leur nationalité pour avoir la chance de réaliser ses objectifs sportifs. Le Français Gwendal Peizerat a accepté son offre et le couple a triomphé aux mondiaux de 2000 et aux Jeux olympiques de 2002.

Mervin Tran, du Japon au Canada... sans quitter St-Léonard!

On a déjà raconté l'étonnant parcours de Mervin Tran, ce patineur né à Regina de parents réfugiés du Viêtnam et du Cambodge, qui s'est retrouvé à Montréal en 2007 quand l'entraîneur Richard Gauthier cherchait une partenaire pour la Japonaise Narumi Takahashi.

Le couple, qui patinait sous les couleurs du Japon, s'est rendu jusqu'au podium (troisième) des Championnats mondiaux, à Nice en 2012, une grande première pour un couple japonais. L'approche des Jeux, le mal du pays et la complexité d'une naturalisation japonaise pour Tran ont toutefois amené Takahashi à mettre fin à leur collaboration.

Tran ne s'est pas laissé abattre longtemps ! Avec ses entraîneurs Gauthier et Bruno Marcotte, il a trouvé une nouvelle partenaire, l'Albertaine Natasha Purich, qui brillait en couple chez les juniors avec un autre patineur. Et cette fois, le couple patine pour le Canada !

«Nous avons vite été à l'aise ensemble, racontait le patineur récemment à l'entraînement. Nous avions une petite chance d'aller à Sotchi et cela valait la peine de faire les sacrifices pour mettre toutes les chances de notre côté...»

«Ils s'améliorent chaque jour», racontait Gauthier, hier matin, pendant la séance d'échauffement. «Il ne faut toutefois pas oublier qu'ils n'ont eu que quelques mois pour se préparer et restent à court de «millage'. Ils n'ont pas encore la constance de Meagan (Duhamel) et d'Eric (Radford), qui patinent ensemble depuis longtemps et sont déjà assurés d'aller aux Jeux.

«Et c'est sûr que la pression est plus forte sur eux. On le voit bien depuis quelques jours à l'entraînement...»

Il n'y a que sept couples dans la compétition senior. Duhamel et Radford (qui s'entraînent aussi dans l'arrondissement de Saint-Léonard avec Gauthier et Marcotte), ainsi que les Ontariens Kirsten Moore-Towers et Dylan Moscovitch, respectivement troisièmes et quatrièmes des derniers mondiaux, sont déjà qualifiées pour les Jeux.

Tran et Purich devront faire mieux que les couples Lawrence/Swiegers et Purdy/Marinaro pour mériter le dernier billet pour Sotchi.