Les dernières notes de Rachmaninov avaient à peine fini de résonner que les textos s'empilaient dans le téléphone d'Annie Barabé. «Que s'est-il passé?» demandait-on à l'entraîneuse. À peu près tout le monde se posait la même question au K-Rock Centre de Kingston.

Ce qui devait être le triomphe de Cynthia Phaneuf et la confirmation de son retour en force s'est transformé en cauchemar. Un autre. En quatre minutes 30 secondes, tout s'est écroulé. La patineuse de Contrecoeur n'a réussi que deux triples sauts, a fait une chute sur ses deux triples Lutz et transformé un double Axel en simple. Ça a été un calvaire pour se rendre jusqu'au bout de son programme libre.

À la fin, son visage disait tout: le dégoût avait remplacé le sourire de la veille. «Après le deuxième Lutz, je savais que c'était fini. Je ne l'avais pas, ma médaille», a-t-elle dit.

Septième du programme libre, la Québécoise a dégringolé du premier au quatrième rang. Affront ultime, Amélie Lacoste est passée tout juste devant elle pour récolter le bronze. Phaneuf s'est mordu les lèvres quand un collègue anglophone lui a demandé ce que ça lui faisait. «Tant mieux pour elle, mais... tant mieux pour elle», a-t-elle lâché.

La fumée lui sortait par les oreilles. Par chance, Annie Barabé avait pris quelques minutes à l'abri des regards pour calmer sa protégée, qui vivait un quatrième échec consécutif aux Internationaux Patinage Canada. Le premier réflexe de Phaneuf a été de dire qu'elle ne reviendrait plus à cette compétition qu'elle a remportée en 2004 à l'âge de 16 ans.

Alors, que s'est-il passé? «J'ai cherché mes jambes tout le long et je n'arrivais pas à les trouver, a dit la cinquième des derniers Mondiaux. Je cherchais mon centre de gravité, mais j'étais raide comme une barre.»

«Comme une mauvaise journée au boulot»

La pression, ce vieil ennemi, avait fait son oeuvre. Pourtant, Phaneuf se félicitait d'aborder les choses plus légèrement après sa belle première place de vendredi soir au programme court.

Mais dès l'échauffement pour le programme libre, elle s'est sentie se raidir. Elle a espéré en vain retrouver la détente durant la longue attente avant le début de son numéro. Pourtant, comme le lui avait demandé son entraîneuse, elle était restée active, les écouteurs sur les oreilles, dans les couloirs de l'aréna. Son tour venu, elle a bien pris son temps avant de s'installer au centre de la glace. Elle a réussi sa première combinaison, mais à l'arraché. Le Lutz raté a confirmé ses appréhensions. «C'est juste comme une mauvaise journée au boulot», a-t-elle résumé.

Pas de panique, mais cela commence à arriver souvent pour la vice-championne canadienne. «Elle va s'en remettre», a juré Annie Barabé, qui a trois semaines pour rebâtir la confiance de sa patineuse avant son prochain rendez-vous, le Trophée Éric Bompard de Paris.

L'histoire d'Alicia Czisny, gagnante des Internationaux, n'est pas sans rappeler le parcours cahoteux de Phaneuf. L'Américaine de 23 ans n'avait pas remporté de Grand Prix depuis sa victoire à Halifax en 2005. Championne nationale en 2009, elle a touché le fond en 2008 (neuvième) et en 2010 (10e).

«Le passé est le passé et il n'y a rien que je puisse y faire, a dit Czisny, qui a changé d'entraîneurs durant l'été. J'ai le sentiment que je peux me reconstruire et vraiment devenir une nouvelle patineuse, une nouvelle personne, vraiment.» Cynthia Phaneuf pensait avoir déjà franchi cette étape.