En montant sur la troisième marche du podium aux derniers Mondiaux de patinage artistique de Göteborg, au printemps, un sentiment a traversé l'esprit de Jessica Dubé: «Tabarouette, déjà!»

Cinq ans après le début de son association avec Bryce Davison, la petite patineuse de Saint-Cyrille-de-Wendover frayait avec l'élite de sa discipline. Si Dubé, 21 ans, et Davison, 22 ans, ont fait une habitude de sauter les étapes, leurs attentes - et celles du public - ont forcément changé à l'aube de cette dernière saison complète avant les Jeux olympiques de Vancouver.

 

L'entraîneuse Annie Barabé est là pour tempérer les choses. «Je leur dis souvent: «Oui, vous êtes troisièmes au monde, votre marge de manoeuvre est moins grande qu'avant, mais vous êtes humains et vous ne pouvez pas être parfaits tout le temps.»»

Dubé a eu besoin de se faire répéter ce précieux conseil en sortant de la patinoire après le programme court des Internationaux HomeSense Patinage Canada, hier après-midi, à Ottawa. Elle avait tout juste raté son atterrissage sur une triple boucle lancée. Peut-être par excès d'enthousiasme de son partenaire, elle a été projetée plus haut qu'à l'habitude.

Qu'importe, Dubé a l'habitude d'exécuter cet élément les yeux fermés. Une bonne heure après sa prestation, elle fulminait encore. «Ça commence à passer», a confié la patineuse en portant une main sous sa gorge.

Cette erreur a relégué Dubé et Davison au troisième rang derrière les Russes Yuko Kawaguchi et Alexandre Smirnov et les jeunes Américains Keauna McLaughlin et Rockne Brubaker.

«Je ne veux pas que vous perdiez confiance à cause de ça», les a implorés Benoît Lavoie, juge international et président de Patinage Canada, emballé par leur prestation. «Je pense sincèrement qu'ils viennent de démontrer, par leur raffinement et leur aisance, qu'ils ont le potentiel de grimper au premier rang mondial», avait déclaré Lavoie un peu plus tôt.

Dubé et Davison devront d'abord s'affirmer lors du programme libre de cet après-midi, où ils chercheront à déloger les Russes, qu'ils avaient devancés d'un rang aux derniers Mondiaux.

Tout le monde a hâte de voir ce solo concocté par Marie-France Dubreuil et Patrice Lauzon, en collaboration avec David Wilson, le chorégraphe habituel du couple Dubé-Davison.

C'est M. Alain Goldberg, la voix du patinage artistique au Québec, qui avait suggéré à Annie Barabé de faire appel aux danseurs québécois, aujourd'hui retraités. M. Goldberg se souvenait qu'en route vers leurs titres mondiaux et olympiques, Jamie Salé et David Pelletier avaient collaboré avec une spécialiste de danse sur glace. Il s'agissait de Sylvie Fullum... ancienne entraîneuse de Dubreuil et Lauzon.

Comme ces derniers avaient aussi travaillé avec Wilson à la fin de leur carrière, la chimie a immédiatement opéré. La touche Dubreuil-Lauzon s'est naturellement fait sentir par un raffinement des pas et des transitions plus élaborées. C'est connu, la mise à carre n'a pas de secret pour des danseurs sur glace. «Les habiletés de patinage, c'est ce qui nous manquait le plus l'an dernier», souligne Dubé.

Dubreuil et Lauzon ont également contribué à améliorer les levées, une de leurs grandes spécialités durant une carrière marquée par deux médailles d'argent en championnat du monde.

En tout cas, Dubé et Davison en ont sué un coup à l'entraînement avant de pouvoir bien intégrer ce programme livré sur la musique de l'opéra Carmen, un choix plus théâtral et dramatique que ce dont ils ont l'habitude.

«Ça prend du cardio, constate Davison. Il faut être plus précis avec nos pieds et nos mains, même quand on est fatigués.» La compétition d'aujourd'hui leur permettra d'en mesurer toute la complexité... avec un oeil sur la première place.

Chan deuxième

Par ailleurs, Patrick Chan, le dauphin attendu du nouveau retraité Jeffrey Buttle, a commencé sa saison avec aplomb, s'installant au deuxième rang à l'issue du programme court, hier soir. Pour seules erreurs, le tenant du titre canadien n'a commis que deux légères touches de la main sur la glace. Chan a été devancé d'à peine un demi-point par le Français Yannick Ponsero. L'Américain Ryan Bradley, un fan d'Elvis, est troisième.