L'Agence mondiale antidopage (AMA) a maintenu jeudi la suspension de l'agence nationale antidopage russe, une mauvaise nouvelle pour la Russie, qui ne sait pas encore si elle sera la bienvenue aux jeux Olympiques d'hiver de PyeongChang, dans moins de trois mois.

Le Comité international olympique (CIO), qui se prononcera entre le 5 et le 7 décembre sur cette épineuse question après le vaste scandale de dopage institutionnel qui a touché la Russie, a annoncé un peu plus tard qu'il tiendrait compte de «toutes les circonstances» pour prendre sa décision. «Y compris toutes les mesures afin de garantir des Jeux équitables», a ajouté l'instance olympique.

Le groupe de travail constitué avant les Jeux et qui réunit l'AMA, le CIO et les fédérations des sports d'hiver «continuera à s'assurer que l'ensemble des athlètes éligibles pour les JO-2018 et particulièrement les sportifs russes soient soumis à un niveau de contrôles antidopage approprié», a ajouté le CIO.

Si les deux sujets ne sont pas totalement liés, Moscou aurait sans doute préféré une autre issue lors du conseil de fondation de l'AMA, qui a approuvé le maintien de la suspension de l'agence Rusada sans vote formel, à Séoul. L'AMA a aussi décidé de suspendre les agences antidopage du Koweït, de la République de Maurice et de la Guinée Equatoriale.

Le Kremlin a dénoncé une décision «injuste», rejetant encore «catégoriquement les accusations selon lesquelles des cas de dopage auraient bénéficié du soutien de l'Etat».

Venus défendre leur position devant les membres du conseil, le ministre russe des Sports, Pavel Kolobkov, et le président du Comité olympique russe, Alexandre Joukov, sont repartis les visages fermés.

Rusada avait été suspendue en novembre 2015, au début du scandale qui a débouché sur la révélation d'un système de dopage impliquant de nombreux rouages de l'État russe, du ministère des Sports au service secret FSB, sur la période 2011-2015.

Depuis, la nouvelle Rusada a rempli la grande majorité des critères fixés par l'AMA, dont le rôle est notamment de superviser le travail des structures antidopage dans chaque pays.

L'agence mondiale avait même autorisé en juin Rusada à mener à nouveau des programmes de contrôle, sous tutelle.

«Confiance»

«La Rusada répond à tous les critères d'indépendance et de transparence. Nous avons accompli une masse énorme de travail ces derniers mois», a plaidé à Moscou le nouveau directeur de l'agence, Iouri Ganous.

Mais le gendarme mondial de l'antidopage attend toujours une reconnaissance claire par Moscou des conclusions accablantes du rapport commandé au juriste canadien Richard McLaren, notamment la dimension institutionnelle du dopage.

«Nous acceptons le fait que notre système national antidopage a échoué. Cet échec a été le résultat d'activités organisées par un groupe d'individus pour leur profit», a affirmé Alexandre Joukov, visant entraîneurs et anciens responsables de Rusada ou du laboratoire de Moscou.

«Mais nous réfutons totalement un système de dopage soutenu par l'État», a-t-il ajouté, en ligne avec la position des autorités russes.

«Qui donne ses instructions au FSB?», a alors questionné l'ancien patron de l'AMA, le Canadien Dick Pound, toujours membre du conseil de fondation.

«Comment pouvons-nous avoir confiance dans le nouveau système s'il n'y a pas une réelle reconnaissance de ce qui s'est passé?», a abondé l'un des représentants des athlètes, l'ancien champion de skeleton Adam Pengilly.

Le président russe Vladimir Poutine a récemment suggéré que l'affaire était instrumentalisée par les États-Unis pour perturber la campagne présidentielle russe de mars, en créant du «mécontentement chez les amateurs de sport et les sportifs avec des accusations de prétendue participation et de responsabilité de l'État».

De Sotchi à PyeongChang 

L'AMA avait accentué la pression en fin de semaine dernière, en assurant disposer d'une base de données informatique contenant les détails des contrôles réalisés entre 2012 et 2015 au laboratoire de Moscou. De quoi dévoiler un peu plus ce qui se passait dans ce laboratoire. Et asseoir l'un des points clés du rapport McLaren, la «disparition» des contrôles positifs, ou comment les résultats partaient du labo au ministère russe des Sports, lequel les renvoyait avec l'ordre ou non de les «blanchir», avant de les enregistrer dans la base de l'AMA.

La décision de l'agence n'est pas un bon signe pour la Russie en vue des jeux de PyeongChang (9-25 février), même si à l'occasion des JO-2016 de Rio le CIO avait ignoré la recommandation de l'AMA d'exclure la Russie, en laissant le soin à chaque fédération sportive internationale de traiter cette question.

Au niveau des jeux paralympiques, le Comité international paralympique a fait de la levée de la suspension de Rusada l'un des critères pour accepter la Russie à PyeongChang.

Dans l'attente de sa décision, le CIO a prononcé les premières sanctions en lien avec les jeux d'hiver de Sotchi en 2014: six fondeurs russes ont été suspendus à vie et cinq médaillés russes ont été privés de leur breloque sur les 33 remportées par leur nation sur les bords de la mer Noire.

Symbole de rayonnement pour la Russie, arrivée en tête au tableau des médailles, Sotchi est devenue l'épicentre du scandale, avec ses échantillons d'urine réputés inviolables mais quand même ouverts et trafiqués grâce à une méthode sophistiquée mise au point par le FSB, selon le rapport McLaren.