Retrait d'un titre olympique et suspension à vie des JO, le Comité international olympique (CIO) a sorti mercredi l'artillerie lourde contre le fondeur Alexander Legkov, premier athlète déchu en conséquence de la révélation, il y a un an et demi, d'un dopage d'État dans le sport russe.

Cette décision forte se base sur les premiers résultats de la commission d'enquête Oswald, mise en place par le CIO après la publication du rapport du juriste canadien Richard McLaren, qui a établi en juillet 2016 l'existence d'un dopage institutionnalisé en Russie, impliquant Moscou et des services secrets russes (FSB), notamment lors des JO de 2014 à Sotchi.

Elle intervient à un peu plus d'un mois d'une réunion cruciale de la Commission exécutive du CIO à Lausanne (5-7 décembre), qui doit trancher sur la participation de la Russie aux Jeux olympiques de PyeongChang dans un peu plus de trois mois (9-25 février).

Reconnu coupable d'une infraction aux règles antidopage, Legkov «est disqualifié des épreuves auxquelles il a participé à l'occasion des Jeux olympiques d'hiver en 2014 à Sotchi», a annoncé le CIO dans un communiqué.

Envolée ainsi la médaille d'or décrochée lors du départ de masse sur 50 kilomètres style libre, épreuve au cours de laquelle les fondeurs russes avaient réalisé le triplé: Legkov, devant Maxim Vylegzhanin et Ilia Chernousov.

Perdue également la médaille d'argent du relais russe du 4 x 10 km, auquel Legkov avait pris part, terminé derrière la Suède et devant la France.

«Décision scandaleuse»

Symbolique encore plus forte, le CIO a suspendu à vie Legkov de toutes les éditions des Jeux olympiques après 2014, appliquant la même sanction au fondeur russe Evgeniy Belov, qui voit également ses résultats de Sotchi (18e du skiathlon et 25e du 15 km classique) annulés.

«Cette décision mérite le terme de scandaleuse. Elle ignore la déclaration du président du CIO, Thomas Bach, de prendre des décisions sur la base de preuves tangibles», a estimé l'avocat de Legkov, Christof Wieschemann.

Les deux athlètes vont faire appel de la décision devant le Tribunal arbitral du sport «au plus tard demain (jeudi)», a précisé Me Wieschemann, qui défend également Belov. Un choix approuvé par le vice-Premier ministre russe en charge des sports Vitali Moutko.

«Cette décision soulève une énorme angoisse et de la perplexité. L'athlète n'est plus rien ni personne», a-t-il regretté, rappelant que Legkov n'a jamais été contrôlé positif.

La Fédération internationale de ski avait suspendu en décembre 2016 Legkov ainsi que cinq autres fondeurs russes sur la base du rapport McLaren, sanction confirmée jusqu'au 31 octobre par le Tribunal arbitral du sport (TAS).

Le rapport McLaren, dont la première partie a été publiée en juillet 2016, puis une seconde en décembre 2016, se base notamment sur les révélations de l'ancien directeur du laboratoire antidopage de Moscou, Grigori Rodtchenkov, démissionnaire en novembre 2015 et exilé aux États-Unis.

Selon Rodtchenkov, au moins 15 athlètes russes médaillés à Sotchi étaient dopés, alors que le pays hôte a terminé première nation (33 médailles, dont 13 titres). Il accuse également le FSB d'avoir manipulé des échantillons.

Sanction collective, sanction individuelle

Face à l'ampleur du scandale, le CIO a mis en place deux commissions, dont celle d'Oswald, chargées notamment d'effectuer des réanalyses des échantillons prélevés sur les athlètes russes aux JO de 2014, et de vérifier les éventuelles manipulations des échantillons.

Les deux commissions doivent rendre leurs conclusions d'ici à la fin novembre.

Dix-sept agences nationales antidopage, emmenées par les Américains avec notamment les Britanniques et les Français, et rejoints par une dizaine d'autres depuis, ont réclamé l'exclusion du Comité olympique russe pour les JO de 2018, requête immédiatement dénoncée par Craig Reddie, le patron de l'Agence mondiale antidopage.

«Il y a deux options: forcer la Russie à participer sous drapeau neutre ou ne pas l'autoriser du tout aux Jeux olympiques. Les deux constituent une humiliation pour le pays», a prévenu le président russe Vladimir Poutine le 19 octobre.

«Cela fera beaucoup de mal au mouvement olympique», a-t-il ajouté.

Une mise en garde au président du CIO, l'Allemand Thomas Bach, qui avait refusé d'exclure la Russie pour les Jeux olympiques de Rio et avait laissé chaque fédération internationale décider de la participation des athlètes russes sur la base du rapport McLaren.