Les médailles olympiques représentent la sueur, le travail et les sacrifices des athlètes canadiens. Mais elles représentent aussi pour par les contribuables canadiens des investissements de dizaines de millions de dollars et leur coût ne cesse d'augmenter.

C'est l'un des constats d'une étude sur la stratégie canadienne pour gagner des médailles, et notamment le programme À nous le podium. On peut notamment y lire que chaque médaille canadienne aux Jeux d'été nécessite environ 9 millions de financement et près de 4 millions aux Jeux d'hiver.

Ces sommes sont en constante progression alors que les pays se font la lutte pour briller aux Jeux. Alors qu'il en coûtait environ 1,7 million par médaille canadienne aux Jeux d'hiver de Salt Lake City, il fallait injecter 3,8 millions pour la même médaille à Sotchi.

L'étude a été commandée par Sport Canada à une firme d'Ottawa chargée de sonder le milieu du sport canadien. Le rapport dévoilé jeudi dresse un bilan généralement positif du modèle canadien mis en place en février 2004 pour permettre au Canada de briller aux Jeux de Vancouver.

Ce nouveau modèle de «financement ciblé de l'excellence» avait pour objectif de prioriser les investissements pour des athlètes susceptibles de remporter des médailles, plutôt que pour tous les athlètes membres d'une équipe nationale.

Cette approche allait permettre au Canada de gagner beaucoup plus de médailles qu'avant, mais elle a aussi créé des insatisfactions selon l'étude qui a sondé environ 1400 acteurs du sport amateur canadien (athlètes, entraîneurs ou dirigeants de fédérations).

Usine à inégalités

Le modèle ciblé a notamment créé des inégalités entre les sports et au sein d'équipes d'athlètes, où certains sont financés et d'autres pas. Le rapport cite le cas de ces athlètes qui doivent parfois faire du «couch-surfing» pour participer à des compétitions ou faire des levées de fonds.

«Ces dissensions peuvent nuire à la cohésion d'équipe. Selon les comptes rendus, les athlètes n'ayant pas reçu de financement devaient défrayer les coûts de leurs propres déplacements, de leur hébergement, de leurs repas (..) Selon les estimations des répondants, les coûts que les athlètes non financés doivent eux-mêmes supporter s'échelonneraient de 10 000 $ à 50 000 $ annuellement», peut-on lire dans l'étude, qui note que des répondants ont même arrêté le sport de haut niveau faute d'argent

Le système actuel crée aussi des inégalités entre les sports, alors que certains voient leur financement amputé car les espoirs de médailles sont rares. «Plusieurs estiment que cette situation procède d'un cercle vicieux: des résultats insuffisants excluent ces athlètes du financement ciblé de l'excellence, mais ces athlètes ne parviendront pas à obtenir les résultats nécessaires, compte tenu du manque de financement», peut-on lire dans le rapport de la firme Goss Gilroy.

Même si l'approche dite du «financement visé de l'excellence» a porté ses fruits dans les derniers Jeux olympiques, une bonne part des sondés ont dit douter que ce modèle soit durable. À la question: «est-ce que l'approche actuelle d'excellence ciblée permet des succès durables», 40% des répondants ont répondu par la négative.

La ministre prudente

À la lumière de ces conclusions, il sera intéressant de voir les mesures que la ministre fédérale des Sports, Carla Qualtrough, entend mettre en place. À l'heure actuelle, selon le rapport, la majorité du financement du sport amateur cible l'excellence, c'est-à-dire les athlètes les plus susceptibles de remporter une médaille.

Ainsi pour le cycle olympique de Rio, sur les 188,1 millions investis, 109,6 millions ont été «ciblés» cite le rapport. La proportion est similaire l'hiver. 

Pour réduire les inégalités, le financement ciblé ne devrait-il pas être proportionnellement réduit? Carla Qualtrough n'a pas voulu s'avancer en entrevue avec La Presse mercredi. Elle n'avait pas d'annonce de réforme majeure à faire. Elle a toutefois assuré que des mesures sont en train d'être prises pour changer la situation.

«Ce que le rapport dit, c'est que le financement ciblé a permis d'augmenter la récolte des médailles, mais que les athlètes qui ne sont pas ciblés se sentent délaissés, a-t-elle dit dans un entretien mercredi. Ce que le système doit réussir à faire, c'est d'aider les sports qui ne sont pas ciblés à le devenir. Parfois c'est très difficile de faire cette transition et il faut la faciliter.»

Elle n'a pas voulu parler d'échéancier, mais note qu'elle considère sérieusement certaines pistes, comme par exemple instaurer un financement pluriannuel des sports - plutôt qu'annuel - pour donner aux fédérations une certaine stabilité.

Quant au coût grimpant des médailles, Mme Qualtrough estime qu'il s'agit d'un débat important qui sera à faire constamment. 

«Mais je n'ai aucun malaise à défendre l'importance des médailles. Nos athlètes inspirent nos enfants, le pays est fier des récoltes de podiums, assure la ministre des Sports. Ceci étant dit il est vrai que c'est de plus en plus cher et que les pays sont de plus en plus compétitifs. Je pense que c'est un investissement dans un Canada actif.»

Photo Adrian Wyld, archives PC

La ministre canadienne des Sports, Carla Qualtrough.