Qui dit Jeux olympiques dit revitalisation urbaine. Les transformations nécessaires pour aménager une ville en vue d'un événement d'une telle envergure ont plusieurs effets positifs sur le tissu urbain, mais elles ont aussi, parfois, des conséquences négatives pour les populations locales: éviction, démolition, embourgeoisement, etc.

Dans un rapport du Centre on Housing Right and Evictions des Nations unies (le COHRE, un comité qui a cessé ses activités en 2011), les auteurs notent qu'entre 1988 et 2008, les Jeux olympiques ont déplacé plus de 2 millions de personnes dans le monde, en plus de provoquer une flambée des prix de l'immobilier. Et c'est sans parler du «nettoyage social» qui a lieu avant le jour J: on cache les sans-abri et les prostituées, on efface des quartiers en décrépitude, on revitalise des coins de la ville sans prendre en considération les besoins des résidants... Bref, on procède à un grand nettoyage.

Jeux d'hiver 2014: Sotchi

On avait promis les Jeux les plus propres de l'histoire, mais la réalité est tout autre: dans la petite ville d'Akhshtyr, aux limites du site olympique, les gens se plaignent d'un immense dépotoir illégal à ciel ouvert grand comme trois terrains de football, selon l'Associated Press. Les travaux de construction ont également asséché le puits qui alimente la ville en eau. Quant à l'autoroute hypermoderne inaugurée en présence du président Vladimir Poutine, elle a forcé la démolition de plusieurs immeubles. Plus loin, on note la destruction de forêts et la contamination d'une rivière. Des milliers de personnes ont été déplacées. Dans la ville de Sotchi, on compte au moins 100 immeubles d'appartements qui sont désormais classés inhabitables.

Jeux d'été 2012: Londres

Les Jeux olympiques de 2012 étaient une belle occasion de revitaliser l'East End de Londres, mais l'agressivité et le peu de considération du London Development Agency ont laissé des cicatrices. Parmi les histoires les plus médiatisées, celle des 425 résidants de Clays Lane évincés de leur logement qui se trouvait à l'emplacement du futur village des athlètes. On a aussi procédé à un véritable nettoyage social: les prostituées et les sans-abri devaient disparaître. On évalue à environ 80 le nombre d'hôtels de passe qui ont été fermés par la police londonienne entre 2010 et 2012. Dans la foulée des Jeux, c'est aujourd'hui au tour des résidants de Carpenters Estate, dans le quartier multiethnique de Stratford, aux limites du site olympique, d'être victimes des effets de l'embourgeoisement.

Jeux d'été 2008: Pékin

À la veille des Jeux d'été de 2008, le défi était grand pour Pékin: réaménager la vieille ville et l'ouvrir au tourisme international qui allait connaître son apogée en août 2008. Comme à Londres, on fait disparaître les mendiants et les drogués, qui jurent dans le paysage. Sauf qu'au lieu de les déplacer vers un autre quartier, on les envoie dans des camps de rééducation (selon des informations fournies par Amnistie internationale). Au total, 1 million de personnes auraient été déplacées, dont 300 000 au centre-ville de Pékin seulement. Et c'est sans compter les maisons rasées, les quartiers démolis, les communautés anéanties. La ville est prête à temps, mais à quel prix?

Jeux d'été 2016: Rio De Janeiro

Rio s'apprête à accueillir non pas un, mais deux événements sportifs d'envergure internationale: la Coupe du monde de la FIFA en juin prochain et les Jeux olympiques en 2016. C'est donc un véritable électrochoc qui est administré à la métropole et, sans surprise, ce sont les plus pauvres qui écopent. En plus de la construction d'un nouveau stade et des installations olympiques, on veut doter Rio d'une infrastructure hôtelière et d'un système de transports efficace qui permettra de circuler aisément lorsque la ville sera assaillie de visiteurs provenant des quatre coins du monde. Pour construire ces nouvelles infrastructures, on démolit. On a déjà évincé 170 000 habitants des favelas, et ce n'est pas terminé.

Jeux d'été 1976: Montréal

L'art dans la rue. C'était l'objectif du projet Corridart mené par l'architecte Melvin Charney, un corridor d'oeuvres de 8 km dans la rue Sherbrooke, entre l'avenue Atwater et le boulevard Pie-IX. Une soixantaine d'artistes participent à l'événement qui doit durer tout le mois de juillet 1976. Mais dans la nuit du 13 au 14 juillet, sur l'ordre du maire Jean Drapeau, les cols bleus détruisent tout et les débris sont envoyés à la fourrière municipale. Huit artistes entament des poursuites contre la Ville, mais l'affaire traîne en longueur et ne se règle qu'en 1988. La Ville accorde finalement une somme de 4000$ à 5000$ à chaque artiste. On qualifiera l'incident de «plus gros cas de censure d'art public au Canada».