Mercredi, nous serons à exactement 100 jours des Jeux olympiques de Sotchi. Ce sera l'occasion pour la Russie de briller. Mais le pays et son président risquent gros.

Sotchi s'apprête à accueillir le monde. Ce seront des Jeux pour marquer la renaissance de la Russie. Ce seront aussi les Jeux de Vladimir Poutine. Sur l'homme d'État va rejaillir leur succès... ou leur échec.

Les médias occidentaux ont répété que l'obtention de cet événement représentait une énorme victoire pour le président. Mais les risques de dérapage, terroriste et financier notamment, sont bien réels.

«Vladimir Poutine semble être la seule personne sur terre à ne pas comprendre que ces Jeux représentent un énorme risque», prévient Mikhail Delyagin, politicien et économiste proche de l'opposition. Il n'est pas le seul à le penser en Russie.

Le président a fait siens ces Jeux dès leur genèse. Le 4 juillet 2007, il s'est rendu au Guatemala dans le but de charmer les membres du Comité international olympique, réunis pour choisir la ville hôtesse de 2014.

Les Coréens et la ville de Pyeongchang étaient favoris. Mais Poutine a sorti le grand jeu. Les Russes ont livré par avion - dans un énorme Antonov AN-124 - une patinoire qu'ils ont installée sous le soleil d'Amérique centrale. Le président a multiplié les représentations.

«Il a travaillé très fort. Il parlait français alors qu'il ne parle jamais français. Il parlait anglais alors qu'il ne parle jamais anglais», racontait à l'époque le Français Jean-Claude Killy, membre du CIO.

Le charme a opéré et Sotchi l'a emporté par seulement quatre voix. Pour Poutine, un ancien judoka amoureux de sport, c'était une victoire personnelle. «Poutine est un amateur de sport invétéré. En Russie, on chuchote qu'il convoite la tête du Comité international olympique. Pour lui, Sotchi est un projet très personnel», explique en entrevue le professeur Robert W. Orttung, auteur de The 2014 Winter Olympics and the Evolution of Putin's Russia.

«Il y a toujours en Russie cette idée que le pays a été humilié avec la fin de la guerre froide et de l'Union soviétique, ajoute M. Orttung. En remportant en 2007 la course pour l'obtention des Jeux, la Russie voulait démontrer qu'elle s'était relevée, qu'elle n'était plus à terre, mais bel et bien l'une des grandes puissances du monde.»

Une poudrière

Poutine a donc gagné un premier pari en obtenant les Jeux. Le second est plus corsé et consiste à éviter tout dérapage entre les 7 et 23 février prochains, alors que tous les regards seront tournés vers Sotchi.

L'explosion lundi d'une bombe à Volgograd, à 12 heures de route de la station balnéaire, a rappelé que la région du Caucase était une poudrière. La présumée auteure de l'attentat venait du Daguestan - comme les auteurs présumés de l'attentat du marathon de Boston -, une région musulmane où les tensions ethniques et identitaires explosent souvent en violences.

Les Russes se préparent donc au pire. Leurs services secrets vont intercepter toutes les communications des spectateurs, des athlètes et des journalistes, selon le journal britannique The Guardian. Le FSB, principal successeur du KGB, devrait être en mesure de détecter certains mots clés suspects dans les courriels et les appels téléphoniques autour de Sotchi.

Odeur de corruption

Des dérapages financiers sont aussi à prévoir. L'État a injecté 51 milliards de dollars pour transformer Sotchi, construire 360 km d'autoroute, des lignes de chemin de fer, des stades et 25 000 chambres d'hôtel. Ce seront les Jeux les plus chers de l'histoire, loin devant ceux de Vancouver (9 milliards), de Londres (14 milliards) et de Pékin (43 milliards).

Mais les observateurs notent que, sans surprise, ces investissements massifs ont profité à l'oligarchie russe. «Les Russes ont réussi à préparer Sotchi à temps. Mais avec quel degré de corruption? Lorsqu'on compare les chiffres, les infrastructures construites à Sotchi semblent avoir coûté trois ou quatre fois plus que des infrastructures similaires en Europe de l'Ouest», dit Robert W. Orttung.

Plus de 50 milliards de dollars engloutis dans l'aventure. Des services secrets aux abois. L'État russe n'a pas lésiné pour réussir sa démonstration de force.

«Poutine a fait de ces Jeux un symbole de son règne. Ce sont ses Jeux de Berlin, de Pékin. Il a mis sa réputation en jeu avec eux, analyse le journaliste Ben Judah, auteur du livre Fragile Empire sur la Russie de Poutine. Tout dérapage sera interprété comme un dérapage pour lui, mais aussi pour l'État russe en entier.»