Quand Tommie Smith a baissé la tête et levé son poing ganté de noir vers le ciel sur la plus haute marche du podium olympique il y a 45 ans, il a pris une décision personnelle dans sa bataille pour les droits de l'homme.

Au moment où la loi interdisant la propagande de l'homosexualité en Russie, qui accueillera les Jeux olympiques d'hiver à Sotchi en février, fait des vagues, les athlètes d'aujourd'hui sont confrontés à un choix similaire, a affirmé Smith lors d'une entrevue à l'Associated Press.

«Les athlètes doivent se faire leur propre idée, a déclaré Smith en marge d'une rencontre d'athlétisme à Rieti, en Italie, dimanche, où on a honoré la mémoire du sprinter italien décédé Pietro Mennea.

«C'est toujours une question de droit, a déclaré Smith. Comme c'était le cas pour moi en 1968, quand il s'agissait d'une question des droits de l'homme, a ajouté Smith. Maintenant, c'est une question de droits des homosexuels. Ils doivent se faire leur idée. Je ne vais pas le faire pour eux, j'ai mes propres convictions.»

En tant que chrétien ayant des convictions basées sur la Bible, Smith, âgé de 69 ans, n'est pas un fervent partisan des homosexuels.

«Est-ce que j'approuve leur choix? Je ne crois pas, car mes croyances en la Bible ne me donnent pas vraiment le choix dans ce domaine, a déclaré Smith. Mais il y a des gens qui sont à l'aise avec ça parce que c'est leur croyance et je respecte leur choix.»

Smith a remporté le 200 mètres et signé un record du monde aux Jeux d'été de Mexico en 1968, puis il a été expulsé des jeux avec son coéquipier et médaillé de bronze John Carlos pour leur protestation visant à attirer l'attention sur la situation des Afro-Américains dans leur pays pendant l'hymne national. À leur retour aux États-Unis, ils ont été la cible de menaces et d'ostracisme.

Smith a constaté que les athlètes ne devraient pas s'attendre à plus de clémence de la part du Comité international olympique cette fois.

«Ils le CIO m'ont conseillé sur ce que je devrais ou ne devrais pas faire, a-t-il dit. J'ai fait ce que je pensais et j'en ai subi les conséquences, a confié Smith. C'est simple et clair: Si le CIO dit non et ils le font (protestations), ils subiront les conséquences d'une façon ou d'une autre. Le CIO est le grand maître des Jeux olympiques, et non les athlètes..»

Dimanche, un membre senior du CIO a déclaré que les commanditaires redoutent les possibles conséquences de manifestations à Sotchi.

«Je pense que cela pourrait avoir de malheureuses conséquences pour nous tous, a déclaré le président de la commission du marketing Gerhard Heiberg à l'assemblée générale du CIO à Buenos Aires, en Argentine. Nous devons être préparés.»

Le président du CIO, Jacques Rogge, a déclaré que l'organisme rappellera aux athlètes de s'abstenir de toute manifestation ou action politique pendant les Jeux du 7 au 23 février.

La loi, que le président russe Vladimir Poutine a ratifiée en juillet, interdit «tout acte de propagande homosexuelle devant mineur». La loi impose de lourdes amendes, exposant les ressortissants étrangers jusqu'à 15 jours de prison.

Poutine n'a aucune intention de permettre un défilé de la fierté gaie pendant les Jeux olympiques. Il a récemment signé un décret interdisant toutes les manifestations et rassemblements à Sotchi tout au long des Jeux d'hiver.

Mais Smith a suggéré que les athlètes ont plus de chance de faire changer les choses s'ils se regroupent.

«Le poids du nombre fait changer les choses. Les initiatives individuelles sont réprimées. Comme cela s'est produit pour moi, a-t-il dit. Les masses changeront les choses. Sinon, nous n'aurions pas de présidents, nous aurions le chaos.»

Et s'ils décident de protestater, Smith leur conseille d'émettre un message clair.

«Peu importe la langue qu'ils parlent, ils doivent s'exprimer de façon à ce que les gens comprennent exactement ce qu'ils disent.»