Le Comité international olympique (CIO) a confié samedi à Tokyo les jeux Olympiques d'été de 2020 qui sonnent comme une promesse de jours bien meilleurs pour un pays profondément affecté par la catastrophe de mars 2011 et ses conséquences nucléaires.

Les membres de l'Olympe ont élu la capitale japonaise au deuxième tour avec 60 voix contre 36 pour Istanbul. Tokyo avait déjà viré en tête au premier tour, alors que Madrid et Istanbul, ex-æquo derrière avaient dû être départagées par un autre vote entre elles deux.

À l'annonce de la victoire japonaise faite par Jacques Rogge, président du CIO encore jusqu'à mardi, à Buenos Aires, le premier ministre Shinzo Abe s'est levé d'un bond, tout comme les autres membres de la délégation en Argentine, survoltés.

«Je suis si content, en pleine extase, j'ai si hâte de partager cela avec le peuple japonais en rentrant», a déclaré le chef du gouvernement. «La joie que j'ai ressentie était plus forte que quand j'ai été élu pour la première fois député.»

À l'autre bout de la planète, des milliers de Japonais ont hurlé de joie après une longue nuit à suivre les retransmissions spéciales ou en apprenant la nouvelle au saut du lit. «Banzai, banzai !», ont crié des centaines d'organisateurs et d'élus de la ville dans l'auditorium Tosho au coeur de la capitale.

Le CIO a donc renoncé à explorer de nouvelles villes, voire une nouvelle région du monde comme cela aurait été le cas avec la Turquie, et préféré jouer la carte de la sécurité financière et technique en retournant se poser à Tokyo, déjà estampillée des anneaux olympiques 1964.

Il y a cinquante ans, le Japon n'était encore qu'une puissance en devenir, qui avait trouvé dans ses Jeux, les tout premiers en sol asiatique, un sentiment de grande fierté nationale.

«Quand je ferme les yeux, il me revient le souvenir de la cérémonie d'ouverture de 1964. C'était fascinant pour le petit garçon de 10 ans que j'étais», avait raconté Shinzo Abe lors du grand oral aux membres du CIO en matinée.

Comme en 1964, moins de 20 ans après la Seconde Guerre mondiale, Tokyo voit dans la quête du Graal olympique une source d'inspiration pour aider la population à tourner la page sur la pire catastrophe naturelle que l'archipel ait connue dans le dernier millénaire.

Supplément d'âme

Conscient que le spectre de Fukushima pouvait tout aussi bien doucher ses espoirs au lieu d'apporter ce petit supplément d'âme à son dossier, le Japon a décuplé ses efforts de communication dans les derniers jours pour tenter de calmer les supputations sur les risques de contamination.

Quelques heures seulement avant le vote crucial, le gérant de la centrale accidentée a diffusé un message en anglais pour rassurer la communauté internationale, précisant que l'impact des fuites d'eau radioactives émanant de Fukushima étaient limité à la zone portuaire alentour.

«Certains peuvent avoir des inquiétudes au sujet de Fukushima, mais permettez-moi de vous assurer que la situation est sous contrôle», a insisté Shinzo Abe devant les membres du CIO, qui ne pouvait être plus clair: «Cela n'a jamais causé et ne causera jamais de dommages à Tokyo.»

Mais le conclave avait-il vraiment besoin qu'on lui confirme que «sous le ciel bleu de Fukushima, des enfants jouent au ballon et regardent vers l'avenir, pas vers le passé» pour opter pour un dossier aussi bien ficelé que celui de Tokyo ?

«Des Jeux entre de bonnes mains»

Nucléaire mis à part, la métropole ne réserve guère de mauvaises surprises.

Ce qui n'est pas le cas des prochains Jeux d'hiver à Sotchi, en Russie en février, dont la facture a été multipliée par cinq en sept ans pour atteindre désormais le record absolu de 50 milliards de dollars. Ni de ceux des Jeux d'été de 2016 à Rio de Janeiro, qui a obligé le CIO à quelques rappels à l'ordre pour que soit achevé à temps le grand chantier olympique.

En bon père de famille, le gouvernement japonais a lui déjà mis dans un fonds spécial 4,5 milliards de dollars pour s'offrir les infrastructures manquantes à ses promesses olympiques.

À l'image d'un pays mêlant tradition et modernité, les Jeux de Tokyo promettent de faire le lien entre les années 1960 et le futur, puisque certaines enceintes des JO de 1964 vont reprendre du service olympique.

Avec des sites regroupés en deux zones, à une distance maximale de 8 km du village olympique, son réseau de transports haut de gamme, ses équipements technologiques de pointe, elle offre de quoi faciliter la vie quotidienne des quelque 10.500 athlètes qui viendront chasser l'or olympique dans sept ans.

Le CIO, qui avait snobé Tokyo au profit de Rio pour 2016, a donc mis les Jeux de 2020 cette fois «entre de bonnes mains» -le leitmotiv des Japonais- quitte à infliger à Madrid un troisième camouflet d'affilée.

La capitale espagnole a dû remballer ainsi son projet de Jeux «raisonnables et responsables» comme l'avait qualifié samedi le président du gouvernement espagnol Mariano Rajoy devant le conclave. L'Espagne a beau être en récession, ceux-ci n'avaient pas visiblement envie de mettre à la diète le grand spectacle sportif quadriennal.

Istanbul, qui en quatre candidatures auparavant n'était jamais arrivée si proche du but, devra retenter sa chance encore une fois si elle veut accomplir son rêve: être la première ville du monde musulman à accueillir les JO.