«Big shot!», a texté Antoine Duchesne à Hugo Houle hier après-midi. Depuis l'Espagne, où il dispute la Vuelta, le champion canadien avait vu sur les réseaux sociaux son ami occuper la tribune d'honneur lors de la conférence de presse d'ouverture du Grand Prix cycliste de Québec.

Houle était entouré du champion olympique Greg Van Avermaet, du double médaillé des championnats du monde Michael Matthews, de l'ancien vainqueur du Grand Prix de Montréal Tim Wellens et du coureur de l'heure, le jeune Slovène Matej Mohorič.

«C'est un bel honneur de la part des Grands Prix cyclistes, appréciait le Québécois d'Astana. Ils n'étaient pas obligés de faire ça. Ça montre le chemin que j'ai parcouru depuis huit ans pour m'approcher, tranquillement mais sûrement, du sommet de la pyramide. Ça fait plaisir et ça fait chaud au coeur.»

Bien sûr, Houle devait sa présence à son statut de vedette locale. Mais il y a plus. Dans le dernier mois, le cycliste de 28 ans a véritablement émergé dans le peloton européen.

Autorisé à jouer sa carte personnelle pour la première fois de la saison, il s'est distingué par sa constance: 13e à la classique de Londres, 8e et 4e au final des Tours du Danemark et du Poitou-Charentes et enfin 14e à la Bretagne Classic de Plouay. À l'Arctic Race de Norvège, il a contribué à la victoire de son coéquipier Sergei Chernetski.

«C'est mon meilleur mois d'août. En course, je me sentais plus à l'aise, plus fort, plus endurant. Je vois mieux venir les choses. C'était le fun, c'était encourageant.»

Cette séquence heureuse s'est construite sur les cendres d'une déception. Celle d'avoir raté de peu une première sélection pour le Tour de France.

En théorie, le nouveau venu chez Astana ne devait même pas être considéré. Sa bonne tenue dans les classiques printanières et dans des courses par étapes comme Paris-Nice et le Tour de Romandie, où il a parfois hérité du rôle de capitaine de route, l'ont fait grimper dans la hiérarchie. Au point où il a été le dernier retranché à l'issue d'un camp final de préparation à Nice.

Son directeur sportif lui avait demandé de rater les championnats canadiens pour se tenir prêt, au cas où. «Bien sûr, il était déçu, mais il comprenait», a raconté Dmitriy Fofonov au retour d'une sortie d'entraînement avec son équipe à l'île d'Orléans. «Je lui ai dit que j'étais aussi passé par là. Qu'il fallait regarder le côté positif. Il n'est pas jeté de l'équipe du Tour. Il était le premier réserviste d'une équipe qui va au Tour de France avec de grands objectifs. Ça veut dire que tu as les capacités pour le faire.»

Houle n'en doute pas une minute, et réitère son objectif de participer à la plus grande course au monde, dès l'année prochaine. «S'il continue comme ça, pourquoi pas», a soutenu Fofonov.

«Électron libre»

À pareille date l'an dernier, le cycliste de Sainte-Perpétue participait à son premier Tour d'Espagne. À la surprise générale, il avait annoncé son départ de l'équipe française AG2R La Mondiale, dont il était pensionnaire depuis cinq ans et où il se sentait un peu comme dans un La-Z-Boy.

Son transfert chez Astana avait toutefois sa logique: la formation kazakhe est équipée par les vélos québécois Argon 18 et commanditée par Premier Tech, une multinationale en horticulture dont le siège social est à Rivière-du-Loup.

«Les attentes n'étaient pas nécessairement élevées, a noté Houle. J'étais le petit Canadien qui arrive parce qu'il y a Argon 18 et Premier Tech. C'était à moi de faire mes preuves.»

Fofonov a découvert un jeune homme volontaire qui a rapidement pris sa place: «Je vois qu'il n'a pas de complexes. Il a des questions, il les pose, on discute. C'est un gars ouvert, il ne reste pas dans son coin. Il t'appelle, s'informe de son programme, demande pourquoi il ne va pas ici ou là. C'est important. Ça veut dire qu'il est motivé, qu'il veut faire quelque chose.»

Se décrivant comme un «électron libre» au sein du groupe, Houle s'amuse à jouer les rassembleurs entre les Kazakhs, les Danois et les Italiens, principales nationalités représentées chez Astana.

«À première vue, on peut avoir des préjugés envers les Kazakhs, mais ils sont exactement comme nous. Tellement ouverts, généreux, super gentils. Ils savent être sérieux quand c'est le temps, mais ils ont aussi du plaisir et rendent les autres à l'aise. C'est du monde bien simple. Ils font du mieux qu'ils peuvent. Je trouve que ça se rapproche de nos valeurs et principes de Québécois.»

Houle dit aussi avoir beaucoup appris de la filière danoise menée par le médaillé d'argent olympique Jakob Fuglsang et le spécialiste des classiques Michael Valgren, dont il partage l'entraîneur, Rune Larsen.

«J'ai augmenté mon volume d'entraînement annuel de quand même beaucoup, environ 10%», a relevé le Québécois, qui reçoit toujours les conseils de Pierre Hutsebaut. «J'ai 25-26 000 kilomètres sur le vélo depuis le début de l'année. Il a aussi un peu changé mes méthodes. L'autre facteur, c'est que j'ai 27 ans et plusieurs années chez les professionnels. Je progresse physiquement aussi.»

Mais pas encore au point de jouer les premiers rôles à Québec demain. Chez Astana, ce sera tout pour le Danois Magnus Cort Nielsen, tandis que Fuglsang et Valgren seront les coureurs protégés à Montréal dimanche. «Je ne cours pas pour moi, je cours pour mes chums», a résumé Houle, fidèle à lui-même.