À pareille date l'an dernier, Guillaume Boivin avait causé une petite commotion dans le milieu du cyclisme en annonçant qu'il songeait carrément à se retirer. À 26 ans, le champion canadien de l'époque avait perdu ses illusions et se sentait trahi par un milieu où les belles promesses reposent parfois sur du vent.

Un an plus tard, Boivin est de retour pour son cinquième Grand Prix cycliste de Québec. Son esprit critique n'a pas disparu, mais une demi-saison au sein d'une jeune équipe israélienne l'a réconcilié avec son sport.

«Leur projet était beau et ils m'ont séduit avec leur enthousiasme», a exprimé Boivin, hier matin, en marge d'une conférence de presse de l'équipe canadienne, avec qui il s'alignera aujourd'hui.

Déjà, sa présence sur la Grande Allée est « pratiquement un miracle ». Il y a trois semaines à peine, Boivin a subi une sérieuse blessure au genou droit en s'entraînant sur la piste longeant la voie maritime du Saint-Laurent, sur la Rive-Sud de Montréal.

Il suivait une moto pilotée par son frère Pierre-Étienne lorsqu'il a voulu pratiquer des sprints. Quand il s'est levé de sa selle, sa chaîne a déraillé. Il a perdu l'équilibre et son genou a cogné le grand plateau, qui l'a sectionné jusqu'au tendon.

En attendant l'ambulance, assis sur le bitume, Boivin n'a pas pensé à la douleur. «Ma saison est finie», a-t-il dit à son frère. «C'est pas mal plus ça qui me chagrinait que la blessure», a-t-il raconté.

À ce moment-là, il avait déjà tout fait en son pouvoir pour revenir d'une autre grave blessure, une triple fracture à l'épaule subie le 9 juin au Grand Prix de Saguenay. Cet accident a coupé brutalement sa belle aventure avec la formation Cycling Academy, dont l'un des objectifs est de développer le cyclisme en Israël.

En passant près de deux mois là-bas, Boivin a découvert un pays et une région qu'il connaissait peu. Le vibrant Tel-Aviv l'a particulièrement emballé: «C'est vraiment cool. Tu découvres un nouveau monde, de nouvelles perspectives.»

Cycling Academy a beau évoluer en troisième division, il a vécu le même coup de foudre sur le plan sportif. Le directeur sportif Nicki Sorensen, qui a disputé 10 Tours de France, était déjà une connaissance avec qui il avait des atomes crochus. L'esprit de camaraderie régnant dans le groupe lui rappelle ses belles années avec la défunte SpiderTech (de 2010 à 2012). De février à mai, il a couru aux quatre coins de l'Europe (Italie, Slovénie, Croatie, France), avec un détour par le Tour d'Azerbaïdjan, où il a porté le maillot de leader pendant une journée.

«Ça a l'air beaucoup plus exotique que ce ne l'est en réalité. C'est une course 2.1 [deuxième catégorie] relativement connue sur le circuit européen. C'était vraiment bien organisé.»

Boivin détient un contrat de deux ans avec Cycling Academy, qui grimpera à l'échelon «pro continental» l'an prochain. 

L'ancien membre de Cannondale ne renonce pas à un retour dans une équipe World Tour, mais «pas nécessairement à tout prix».

«Ce n'est pas aussi le fun que ce que le monde peut penser», a souligné le médaillé de bronze aux Mondiaux U23 en 2010. «C'est bien beau de dire que tu cours World Tour, mais tu fais le salaire minimum, tu es parti neuf mois et demi en Europe. C'était de ça que j'étais tanné aussi.»

Avec sa préparation minimale (10 jours en selle depuis sa dernière blessure), Boivin ne s'attend pas à des miracles au GP de Québec, où il avait terminé 28e l'an dernier. «Sans dire que je vais faire un résultat, je ne voulais pas être ridicule », dit celui qui sera aussi probablement des Mondiaux au Qatar (du 9 au 16 octobre). « C'est une course difficile et je veux faire honneur à ma sélection et aux organisateurs. Je veux aussi partager mon expérience avec mes jeunes coéquipiers.» Et son bonheur retrouvé sur le vélo.

-------------------------

photo fournie par guillaume boivin

La blessure au genou de Guillaume Boivin

Sagan, l'épouvantail

Depuis son arrivée à Québec, Peter Sagan refuse l'étiquette de favori, plaidant sa maladie de la semaine dernière et son déficit de courses depuis ses trois victoires d'étape et son cinquième maillot vert au Tour de France. «Je n'ai fait que cinq jours sur mon vélo de route depuis», a insisté le champion mondial, qui s'est consacré au vélo de montagne en vue des Jeux de Rio.

Ils sont nombreux à ne pas croire à sa prétendue condition physique déficiente, à commencer par Antoine Duchesne. «C'est sûr qu'il va être là», a prédit le Québécois de Direct Energie. «Au cours des dernières années, on ne l'a jamais vu en méforme à n'importe quel moment de l'année.»

Cela dit, le Slovaque ne manquera pas de rivaux sérieux sur le circuit de 12,6 km (total de 201,6 km). Le Français Bryan Coquard, coéquipier de Duchesne, a le profil parfait pour s'illustrer dans le Vieux-Québec: il passe les bosses et possède un excellent sprint. Comme l'Australien Michael Matthews, deuxième en 2015, dont l'équipe Orica-BikeExchange sait toujours y faire au Canada.

L'infatigable attaquant belge Greg Van Avermaet est un incontournable, mais il a peu couru lui aussi depuis sa médaille d'or à Rio. Le Français Julian Alaphilippe, quatrième aux JO, serait un autre candidat de choix, mais il a tempéré les attentes à son endroit.

Ryder Hesjedal conseille de surveiller son coéquipier Jasper Stuyven, tandis que l'animateur Louis Bertrand voyait Geraint Thomas dans sa soupe jusqu'à ce qu'il le croise dans un corridor. «Ne parie pas plus d'une bière sur moi», l'a prévenu le vainqueur de Paris-Nice.

Tom-Jelte Slagter tourne autour depuis des années. Dix euros sur le Néerlandais!