Alliés d'un jour, le Britannique Chris Froome, porteur du maillot jaune, et le Slovaque Peter Sagan, vainqueur au sprint, ont enflammé le final de la 11e étape du Tour de France, mercredi, à Montpellier, après une journée de stress pour les favoris.

Après l'arrivée, les coureurs du Tour ont appris que la 12e étape serait amputée des 6 derniers kilomètres de l'ascension du Mont Ventoux, pour des raisons de sécurité. Par la faute, là encore, du vent qui menace de souffler à plus de 100 km/h sur le sommet du Géant de Provence.

«Je ne pense pas que ça change grand chose. La montée jusqu'au Chalet Reynard est déjà très dure», a commenté Froome, qui a réussi un nouveau contre-pied dans le final de Montpellier. Comme dans la descente de Peyresourde, vendredi dernier, quand le Britannique était parti par surprise gagner la 8e étape.

Cette fois, Froome a sauté sur l'occasion quand Sagan, offensif comme à son habitude, a attaqué à 13 kilomètres de l'arrivée avec l'un de ses coéquipiers, Maciej Bodnar, champion de Pologne du contre-la-montre. Le trio, accompagné par un lieutenant de Froome (Thomas) a compté une vingtaine de secondes d'avance à l'entrée de Montpellier et a préservé 6 secondes sur la ligne, au terme des 162,5 kilomètres bouclés à plus de 47 km/h.

Plus que ce maigre gain, même s'il est doublé par la bonification allouée au deuxième de l'étape, Froome a frappé les esprits par son coup d'audace et son esprit offensif.

Sous haute tension

«Toutes les opportunités sont bonnes, même sur le plat», s'est réjoui le maillot jaune, nanti désormais d'une marge de 35 secondes sur son rival privilégié, le grimpeur colombien Nairo Quintana.

Cette volonté de grignoter seconde par seconde est-elle un signe de force? Ou paradoxalement de crainte vis-à-vis du potentiel de Quintana dans la montagne? Les deux hypothèses sont recevables dès lors que, pour réussir dans son entreprise risquée, le Britannique a étalé sa puissance et une grande fraîcheur athlétique.

«Je voyais bien que je dépensais mes forces», a reconnu Froome. «Je me suis demandé si le jeu en valait la chandelle. Mais j'ai voulu essayer, sachant que Quintana est très fort dans la troisième semaine. Je ne voulais pas me priver de lui prendre quelques secondes».

Cette étape de plaine passionnante a mis sous haute tension les candidats au podium. Pour eux, c'était la journée de tous les dangers, en cas de chute, crevaison ou mauvais placement, sur les routes de l'Aude et de l'Hérault exposées aux rafales de la tramontane soufflant de 3/4 arrière.

Le peloton s'est morcelé à plusieurs reprises, sous les coups de boutoir des équipes disposant de rouleurs puissants (Tinkoff, Etixx, Trek, BMC, Sky).

Quintana, qui avait lâché plus d'une minute l'an passé sur les routes de Zélande dès le début du Tour, ne s'est pas laissé surprendre cette fois, pas plus que Romain Bardet. Sauf en fin de parcours, comme tous les sprinteurs réduits à lutter pour la quatrième place.

«Le maillot jaune contre le maillot vert»

À Montpellier, Sagan a réalisé l'un de ses plus beaux coups dans le Tour. Loin de calculer et d'assurer des points pour le maillot vert en attendant le sprint, le surpuissant champion du monde a foncé pour enlever son deuxième succès depuis le départ, après celui acquis à Cherbourg (2e étape).

«Cette victoire est forte parce qu'on n'aurait jamais pu l'imaginer avant: le maillot vert contre le maillot jaune!», a rigolé le Slovaque, vainqueur pour la 6e fois sur le Tour.

«J'aurais bien voulu faire gagner Bodnar mais Froome a compris la situation et a sprinté», a expliqué Sagan qui a remercié Sky pour sa tactique et a souhaité «bonne chance pour le Ventoux à Froome parce qu'il a fourni un gros effort aujourd'hui».

L'ascension du Géant de Provence, l'un des mythes du cyclisme, conclut une étape-clé malgré les 6 kilomètres en moins.

«L'intérêt sportif est préservé, sans aucun doute», a estimé le directeur du Tour Christian Prudhomme en soulignant qu'il n'y avait pas d'autre choix au vu des conditions météo prévues (vent et froid au sommet), «pour protéger les coureurs et le public».

Lors de la dernière arrivée, Froome, irrésistible, avait réalisé un numéro qui avait fait date, par son démarrage ultra-violent et son aisance apparente. Quintana avait tenu bon jusqu'à 1300 mètres de la ligne installée au sommet puis avait lâché 29 secondes. C'était déjà un 14 juillet!