Après sa participation aux Strade Bianche, début mars, Hugo Houle est allé reconnaître avec des coéquipiers le principal contre-la-montre du 99e Tour d'Italie, qui s'amorce aujourd'hui aux Pays-Bas.

Le Québécois d'AG2R La Mondiale a effectué l'exercice avec un certain détachement, puisqu'il ne prévoyait pas être au Giro. Quand il a senti un jeu dans sa selle et ses barres d'appui, il a jugé préférable de terminer le parcours vers Greve in Chiati à bord de la voiture d'équipe.

«C'était un peu dernière minute; j'ai fait un bout en vélo, un bout en auto, mais j'ai tout vu», se félicitait Houle au téléphone en début de semaine.

Parce que les plans ont changé. Les organisateurs du Tour de Californie ayant écarté AG2R, le cycliste de Sainte-Perpétue a demandé à ses patrons de pouvoir disputer son deuxième Giro. Il sera donc au départ de la première étape aujourd'hui, une épreuve chronométrée de 9,8 km à Apeldoorn.

Si sa mission principale des trois prochaines semaines est de veiller au grain pour ses leaders Jean-Christophe Péraud et Domenico Pozzovivo, l'athlète de 25 ans entend aussi faire sa marque dans les trois chronos individuels au programme. À un peu plus d'un mois de la sélection pour les Jeux olympiques de Rio de Janeiro, ces rendez-vous pourraient bien être déterminants, le Canada ne bénéficiant que d'une place au contre-la-montre.

En clair, Houle, champion canadien de la spécialité, voudra se distinguer de son compatriote Svein Tuft, titré neuf fois depuis 2004, mais absent l'an dernier à Saint-Georges de Beauce.

L'affaire n'est pas personnelle. «On est assez chums», précise Houle au sujet du quasi légendaire Britanno-Colombien, qui aura 39 ans lundi. 

«On donne chacun notre maximum et on verra bien à la fin de la journée. Il n'y a pas vraiment de rivalité, mais c'est sûr que ça a un impact cette année avec les Jeux olympiques. Tous les contre-la-montre vont compter.»

Les deux hommes se sont mesurés une seule fois cette année. À Tirreno-Adriatico, Houle (75e) a eu le meilleur sur Tuft (120e), mais la distance était courte (10 km) et le rouleur de l'Orica-GreenEdge s'était amplement dépensé quelques jours plus tôt en ramenant une échappée presque à lui seul pour son coéquipier Caleb Ewan.

«Plat comme une galette», dixit Houle, le premier chrono du Giro ne devrait pas créer d'écarts significatifs aujourd'hui. Celui de la neuvième étape, que le Québécois a reconnu, se rapproche beaucoup plus de celui de Rio. Le parcours de 40,5 km est accidenté et se termine par une montée de cinq kilomètres et une descente.

«C'est vraiment une descente sinueuse, sur de petites routes», prévient Houle, qu'une place parmi les 15 premiers rendrait très heureux. «Ça va rouler très, très vite, donc ce sera vraiment technique. Ce n'est pas ma spécialité de descendre comme un débile. On verra.»

La dernière épreuve chronométrée, à la fin de la deuxième semaine, consistera en une montée de 10,8 km vers l'Alpe di Siusi, ce qui devrait favoriser Houle par rapport à Tuft, vice-champion du monde 2008.

«Chaque contre-la-montre permet de marquer des points, résume le médaillé d'or des Jeux panaméricains. Si je fais bien dans les trois, ça lance un message clair sur ma constance et mon niveau actuel.»

Plus expérimenté et mieux reposé que l'an dernier, où il avait terminé 113e pour son premier grand tour, il aimerait se glisser dans quelques échappées si les circonstances le permettent, comme il l'a fait au récent Tour des Flandres.

«Je suis présentement en excellente forme et très motivé, annonce Houle, 32e au Grand Prix de Francfort, dimanche. Mais je compte sur ce Giro pour me propulser à un autre niveau.»

photo KRISTOF VAN ACCOM, agence france-presse

Svein Tuft

Les favoris

En l'absence d'Alberto Contador et de Fabio Aru, le champion en titre et son dauphin, l'Italien Vincenzo Nibali s'annonce comme le grand favori de ce 99e Giro. Le requin de Messine revient sur son tour national pour la première fois depuis sa victoire en 2013. Ce sera l'occasion de faire oublier son exclusion de la dernière Vuelta pour s'être accroché à une voiture. Gagnant du Tour d'Oman en février, Nibali a été relativement discret par la suite (6e à Tirreno, 51e à Liège-Bastogne-Liège). Le Sicilien de 31 ans prévoit atteindre son pic de forme à la troisième semaine. Il a identifié l'Espagnol Mikel Landa (Sky), 3e en 2015 et récent vainqueur du Tour du Trentin, comme son principal rival. Fumant depuis le début de l'année, Alejandro Valverde est toujours redoutable dans les grands tours. Les Colombiens Rigoberto Uran et Esteban Chaves ainsi que le Russe Ilnur Zakarin retiennent aussi l'attention, tout comme le Néerlandais Tom Dumoulin, qui pourrait endosser le premier maillot rose aujourd'hui.

Les adieux d'Hesjedal?

Le Giro pourrait être le chant du cygne de Ryder Hesjedal. Le Britanno-Colombien de 35 ans ne sait plus s'il disputera le Tour de France et la course sur route des Jeux olympiques de Rio, comme il l'avait anticipé. «Ce pourrait vraiment être mon dernier grand tour», a-t-il révélé à La Presse Canadienne. Au Tour d'Italie 2012, il était devenu le premier Canadien vainqueur d'un grand tour. L'année suivante, il avait admis s'être dopé en début de carrière. Hesjedal a terminé 5e du Giro l'an dernier, profitant du fait qu'il n'était plus marqué dans la troisième semaine. Passé chez Trek-Segafredo après neuf ans dans la structure Garmin, l'ancien vététiste voudra montrer à sa nouvelle formation qu'il a encore l'étoffe d'un grand coureur. Il prévoit être au départ des Grands Prix cyclistes de Québec et de Montréal, en septembre, dans ce qui pourrait être ses courses d'adieu sur le circuit World Tour.

Woods n'y sera pas

Victime de fractures multiples à une main sur une chute à Liège-Bastogne-Liège, Michael Woods, d'Ottawa, ne sera pas en mesure de prendre le départ de son premier grand tour. Le cycliste à vocation tardive s'est démarqué dès ses débuts World Tour avec la formation Cannondale, se classant cinquième au Tour Down Under en janvier et 12e à la Flèche Wallonne il y a deux semaines. De l'avis général, l'athlète de 29 ans sera le leader de l'équipe canadienne à la course sur route des JO.

Duchesne aux aguets

Antoine Duchesne ne sera sans doute pas déçu de voir Ryder Hesjedal s'écarter en quelque sorte du processus de sélection pour Rio. Le cycliste de Direct Énergie le considère comme son rival direct pour l'une des trois places disponibles dans l'équipe canadienne pour la course sur route. «Moi, je n'ai plus de cartes à jouer, a souligné Duchesne en début de semaine. L'équipe canadienne a vu ce que j'étais capable de faire. Tout ce qui peut m'enlever une place aux Olympiques, c'est ce que les gars vont faire au Giro.» De passage au Québec, le gagnant du maillot à pois du meilleur grimpeur de Paris-Nice reprendra la compétition au Tour de Californie, du 15 au 22 mai. Duchesne participera ensuite au Critérium du Dauphiné (5-12 juin) qui, «si tout va bien», le mènera vers son premier Tour de France.