Il est si méchant qu'on n'ose même pas prononcer son nom: Lance Armstrong, banni du cyclisme mondial pour le scandale de dopage irrémédiablement lié à son nom, se sent comme Voldemort, le sorcier démoniaque de la saga Harry Potter.

Son image, son retour prochain sur le parcours du Tour de France pour une cause humanitaire, son procès... Le sulfureux Américain, maintenant âgé de 43 ans, a abordé tous ces sujets dans un entretien accordé dans sa maison d'Aspen, au Colorado, à des journalistes britanniques, dont un de l'AFP.

Celui dont on ne peut pas prononcer le nom...

Armstrong a cumulé sept Tours de France victorieux de 1999 à 2005 lors d'un règne oppressant, avant d'être rattrapé par un énorme scandale de dopage. Il est suspendu à vie et ses succès lui ont été retirés, ce qu'il ne digère pas.

«Quel est le personnage dans Harry Potter dont on ne peut même pas prononcer le nom? Voldemort, c'est ça? Eh bien (pour moi), c'est comme ça pour tout».

«Si vous regardez le Tour à la télé américaine, si vous lisez des choses sur le Tour, c'est comme si on ne pouvait pas mentionner mon nom».

«Les gens ne sont pas stupides. Tout le monde à cette table sait ce qui s'est passé dans les années 90 et 2000, mais si on regarde les résultats, on voit qu'il n'y a pas de vainqueur, juste des deuxièmes, troisièmes, quatrièmes, cinquièmes... Ça n'a pas de sens. Dans dix ans, les gens ne l'accepteront plus».

«Un connard intégral»

Est-il touché par cette dégringolade, de la gloire au banc des accusés? Oui, et il s'allonge même sur le divan.

«Voir un psy, c'est bizarre, les gens se disent "vous êtes fragile ou quoi?". Mais en fait nous travaillons avec des coaches dans tous les aspects de nos vies, que ce soit dans le cyclisme, dans d'autres sports ou dans les affaires. Je vois plus ou moins un psy depuis un moment. Et de plus en plus, récemment. Nous pouvons tous nous améliorer en tant que personne. Et Dieu sait si je pourrais», dit-il en reconnaissant avoir été «longtemps un connard intégral».

Un procès ruineux?

L'ancien champion se retrouvera en juillet devant un tribunal, avec en face de lui, sur le banc des parties civiles, son ancien coéquipier Floyd Landis et le gouvernement américain. Celui-ci s'estime lésé, car la Poste américaine, ex-commanditaire de l'équipe US Postal, est un organisme public.

«Ce procès est un procès à 100 millions de dollars», plaide Arsmtrong.

«Je suis confiant, c'est tout ce que je peux dire. Mais je ne veux pas me porter malheur. Si le jury dit, "paye 100 millions de dollars", Landis reçoit 33 millions! (...) Si je perds, nous ne serons plus jamais ensemble à cette table», explique-t-il, dans son luxueux chalet d'Aspen.

«Nous ne serons dans aucune maison, je n'ai pas 100 millions de dollars!», assure le Texan, qui affirme avoir déjà perdu 75 millions de dollars en contrats de parrainage et de commandites le jour où, chez l'animatrice vedette Oprah Winfrey, il a avoué ses années de dopage.

Le retour en France

Armstrong participera à une opération caritative sur les routes du Tour de France (4-26 juillet). Cette invitation a été lancée par l'ex-footballeur anglais Geoff Thomas, qui a surmonté une leucémie. Il a invité l'Américain, qui a lui aussi vaincu un cancer au début de sa carrière, à parcourir les routes du Tour un jour avant le passage du peloton, afin de lever des fonds pour la lutte contre cette maladie.

Armstrong de retour sur le Tour, même indirectement? La perspective soulève l'hostilité de l'Union cycliste internationale (UCI), qui dénonce un «manque de respect» et prédit que les réactions des fans de vélo seront négatives.

«Je me trompe peut-être - et je me suis souvent trompé dans ma vie - mais je suis allé en France depuis que tout cela s'est passé et en entrant dans un café ou un restaurant, en marchant dans la rue, ce n'est pas la réaction que j'ai ressentie».

«Les gens pensent que j'ai une mauvaise relation avec le pays, avec son peuple. J'aime aller là-bas. J'aime la France. Les gens sont ce qu'ils sont. Comme partout. Certaines personnes sont sympa. D'autres ne sont pas sympa».

Les conséquences du scandale

«Je suis désolé pour les fans, pour ceux qui m'ont soutenu, qui m'ont défendu, et qui au bout du compte se sont sentis comme des idiots», assure-t-il.

«Je me dois d'être contrit et désolé pour cela. Et je le suis. Je suis inquiet pour Mary-Jane dans l'Ohio, ou pour Doug en Pennsylvanie, ou pour Liam à Birmingham. Si je pouvais voir tous ces gens à travers le monde et m'excuser auprès d'eux les yeux dans les yeux, je le ferais».

Armstrong dit aussi regretter les conséquences du scandale pour son sport: «Ça a eu un effet vraiment négatif dans la mesure où Chris Froome ou d'autres doivent encore répondre à des questions sur un vieux mec. Des commanditaires sont partis, des courses ont disparu, les médias ont fait volte-face».

«Le plus important, c'est ce qui est arrivé à la Fondation (Livestrong, qu'il avait fondée mais qu'il a dû quitter après le dopage, ndlr), la chute des dons qui étaient destinés à aider des gens».

«On parle là d'une organisation qui récoltait 50 millions de dollars par an pour aider 500 000 personnes. Disons qu'aujourd'hui, ils en récoltent 25 millions: ça fait toujours beaucoup d'argent, mais ça n'aide plus que 250 000 personnes. Ça en fait autant qu'on n'aide plus, et c'est énorme.»