Svein Tuft s'attend à un «long festival de la souffrance». Il y a pensé souvent, cette semaine dans les Pyrénées, où il s'est mis en mode survie. L'idée était de conserver un maximum d'énergie en vue du contre-la-montre individuel d'aujourd'hui, avant-dernière étape du Tour de France.

En théorie, Tuft trouvera un parcours à sa convenance entre Bergerac et Périgueux. La (longue) distance de 54 kilomètres et les nombreux faux plats montants sont taillés sur mesure pour le costaud Britanno-Colombien, qui a remporté un neuvième titre national de la spécialité le mois dernier à Lac-Mégantic. Mais après trois semaines d'une course où le stress est constant, tout peut arriver.

«Une journée peut être extraordinaire et le jour suivant absolument atroce», a résumé Tuft, qui sortait du massage hier soir quand il a joint La Presse par Skype. «Tu espères seulement te réveiller le lendemain et te sentir un peu frais. Une bonne nuit de sommeil et de la motivation, c'est vraiment ce dont tu as besoin. Parce que c'est super long et que c'est la 20e étape du Tour de France. Ce sont des variables avec lesquelles il est très difficile de composer.»

Heureusement pour le vétéran de 37 ans, ce deuxième Tour a été moins éprouvant que celui de l'an dernier. Victime de quatre chutes, il avait passé de longues heures en tête de peloton à défendre le maillot jaune décroché par Orica GreenEDGE après sa victoire au contre-la-montre par équipes lors de la quatrième étape. Il était arrivé à Paris sur les rotules.

Il se sent «beaucoup, beaucoup mieux» qu'à pareille date l'an dernier. «Je serais vraiment satisfait d'une place parmi les 10 premiers», a dit Tuft, qui avait terminé sixième du chrono du Mont-Saint-Michel en 2013, dans des circonstances différentes (mi-Tour et 33 km).

Prix de consolation

Un bon résultat représenterait une sorte de consolation pour un Tour pénible sur le plan collectif. Simon Gerrans, leader de la formation australienne, a chuté durement à l'arrivée de la première étape, ce qui a complètement changé les plans. Diminué physiquement, le champion australien s'est accroché (5e à Nancy et à Oyonnax) avant d'abandonner mardi après la première étape pyrénéenne.

«C'est resté très positif dans l'équipe», a assuré Tuft, l'un des deux seuls Canadiens au Tour avec son coéquipier Christian Meier. «Gerrans est tellement dur. Il y en a plusieurs qui auraient abandonné après avoir vécu une chose comme ça. Tu paies beaucoup plus que les gens peuvent l'imaginer quand tu n'es pas à 100%. Mais il est revenu dans le coup et on avait aussi à soutenir Michael Albasini, qui est un finisseur coriace [4e à Saint-Étienne].»

De l'Angleterre jusqu'aux Vosges et dans les étapes de transition, Tuft a donc continué à contribuer au placement de ses leaders dans les 30 ou 40 derniers kilomètres. «Ce genre de rôle finit par user parce que tu es au milieu de l'action chaque jour, avec beaucoup de stress, de nervosité en raison des chutes et des vents de côté.»

Les débuts d'étape non diffusés à la télévision, où tout un chacun veut se glisser dans la bonne échappée, sont aussi éprouvants. Tuft se souvient d'une journée où le peloton a franchi les 100 premiers kilomètres en 2 heures. Lui-même a pu tenter sa chance à une occasion, mais les Astana de Vincenzo Nibali avaient décidé de cadenasser la course.

«Lui et son équipe ont été très impressionnants à regarder», a admis Tuft, 135e à 4h20 min de l'Italien. «Il a complètement dominé et son équipe a pris le contrôle complet de cette course de la deuxième étape jusqu'à maintenant. C'est triste que des gens ne cessent de rappeler les coureurs qui ne sont pas là à cause des chutes malheureuses [de Froome et Contador]. Nibali a montré sa classe, ça, c'est certain.»

Tuft, vice-champion mondial du contre-la-montre 2008, aura une dernière occasion de démontrer la sienne aujourd'hui.