Quand Christopher Froome est tombé avant les pavés, Alberto Contador devait être là pour assurer le suspense de ce Tour de France. L'Espagnol de la Tinkoff-Saxo ne s'est même pas rendu jusqu'aux Alpes.

Victime d'une fracture à un tibia sur une chute dans une descente, Contador a été contraint de poser pied au milieu de la 10e étape, hier, laissant le champ libre à Vincenzo Nibali. Auteur d'une autre démonstration de force après Sheffield et Arenberg, l'Italien a repris le maillot jaune et surtout resserré un peu plus son emprise sur la victoire finale.

Soucieux de créer de l'action ailleurs que dans les Alpes ou les Pyrénées, le directeur du Tour, Christian Prudhomme, ne s'attendait certainement pas à ce que son plateau soit à ce point dégarni au soir de l'arrivée à La Planche des Belles Filles, dernier acte du triptyque vosgien. Sur cette montée nouveau genre qui se termine sur une rampe à 20%, Nibali n'a rien laissé à ses adversaires, surtout pas au pauvre Joaquim Rodriguez (Katusha), dernier rescapé de l'échappée repris dans le dernier kilomètre.

À deux semaines de l'arrivée sur les Champs-Élysées, le Tour 2014 paraît déjà plié?

Sur papier, Nibali n'a peut-être pas assommé ses rivaux à la manière de l'Allemagne contre le Brésil en demi-finale de la Coupe du monde. Dans les faits, à la mi-temps, le grimpeur d'Astana mène quand même 3-0, voire 4-0.

En ce premier jour de repos, il faut déjà mesurer l'étendue des dégâts. Richie Porte, deuxième à 2 min 23 s? S'il tenait la forme de 2013, où il accompagnait Froome jusqu'à la dernière explication en haute montagne, et si la Sky démontrait la même capacité à asphyxier la concurrence, l'Australien serait une véritable menace. Alejandro Valverde, troisième à 2 min 47 s? Pour la deuxième fois en trois jours, l'Espagnol a été prompt à réagir aux attaques de Nibali, pour mieux se rasseoir par la suite.

Septième à 3 min 56 s, l'Américain Tejay van Garderen a limité les dégâts, mais ses quatre chutes depuis le départ ont sérieusement handicapé ses chances. Son compatriote Andrew Talansky, lui, est définitivement passé à la trappe.

Il reste le trio des Français. Oublions Tony Gallopin (5e à 3 min 12 s), sinon pour saluer la défense courageuse de son maillot jaune en ce jour de fête nationale. En revanche, le fringant Thibaut Pinot a impressionné sur ses terres, terminant deuxième de l'étape, à 15 secondes de Nibali. Il pourrait être troisième au général, n'eût été cette minute gaspillée dans les bordures à Reims. Bien sûr, ça fait partie de la course, comme les descentes dans les grands cols que le leader de FDJ.fr doit appréhender.

Romain Bardet (AG2R La Mondiale) paraît aussi solide. À trois minutes et des poussières de Nibali, le quatrième au général a été un modèle de régularité. Il peut également compter sur un coéquipier, Jean-Christophe Péraud (8e à 3 min 47 s), aussi fort sinon meilleur que lui dans les ascensions.

Réjouissons-nous pour nos cousins, mais le jaune est hors de leur portée. Un podium final serait un exploit.

Pour les autres, les Van den Broeck, Mollema et autres Rui Costa, ils ne sont plus que des arrière-pensées pour Nibali. Le Sicilien n'a pas volé la position enviable dans laquelle il se trouve, acquise tant par ses jambes que par sa maîtrise du vélo.

Il y en aura pour se réjouir de la mésaventure de Contador en rappelant sa suspension pour dopage ou cette fois où il a planté là Andy Schleck et sa chaîne brisée. Qu'on l'aime ou pas, il faut saluer le courage du Madrilène, qui a pédalé une demi-heure sur un tibia cassé avant de rendre les armes. Son sens du spectacle est déjà regretté.