Guillaume Boivin occupe l'une des positions les plus délicates dans le monde du sport: avoir à confirmer un énorme potentiel.

Pour le sprinter québécois, le murmure des attentes se fait entendre depuis sa médaille de bronze aux championnats du monde 2010 chez les moins de 23 ans. Michael Matthews, John Degenkolb et Taylor Phinney (1), les trois coureurs qui l'accompagnaient sur le podium ce jour-là en Australie, ont tous remporté au moins une étape dans un Grand Tour par la suite. Cinquième, le champion français Arnaud Démare a également épinglé quelques courses de prestige à son palmarès.

Boivin espère pouvoir imiter ses contemporains dans les prochains mois. Le coureur de 25 ans a en effet reçu une belle marque de confiance de Cannondale, son équipe depuis l'an dernier. Il sera le sprinter désigné de la formation italo-américaine pour trois courses majeures à partir du mois prochain: le Tour de Pologne (du 3 au 9 août), l'Arctic North Race (du 14 au 17 août en Norvège) et, surtout, la Vuelta (du 23 août au 14 septembre). Si tout se déroule comme prévu, il s'agira donc de sa deuxième participation au Grand Tour espagnol. L'an dernier, il avait été forcé à l'abandon à la suite d'une chute à la dixième étape.

«L'équipe a confiance en mon potentiel. Là, il faut juste que je le démontre pour vrai», a évalué Boivin, joint au téléphone hier matin, peu après la conclusion de la troisième étape du Tour de France. «Ça fait une couple d'années, je dirais même depuis 2010, que le monde dit: lui, il devrait gagner des courses. Là, il faut que j'en gagne. C'est rendu le temps.»

Faute de réception adéquate sur son téléphone, Boivin n'a été en mesure de voir que les 200 derniers mètres de l'arrivée, où son coéquipier Peter Sagan a pris le deuxième rang derrière l'intouchable Allemand Marcel Kittel. Bientôt, ce sera à lui de se frotter aux «gros bras» dans les sprints groupés. Pression?

«Je sens de la pression, mais c'est moi qui me mets une pression, précise le Longueuillois, qui ne manque pas d'autocritique. C'est sûr que j'ai été un peu identifié comme un espoir, avec supposément du talent, et ça débloque plus ou moins. Ça commence à être pesant. J'ai quand même hâte que ça arrive.»

Remonter en selle... comme équipier

Un printemps misérable n'est pas étranger à cette impatience. Plutôt que de s'aligner sur le Tour des Flandres ou Paris-Roubaix, Boivin a regardé la poussière s'accumuler sur son vélo chez lui en Italie, terrassé par un virus récalcitrant. Il a repris au Tour de Turquie à la fin d'avril, servant d'équipier à Elia Viviani plutôt que de jouer sa carte personnelle comme le prévoyait le plan original.

Il s'est ensuite mis au service de Sagan au Tour de Californie et au Tour de Suisse, où il avait retrouvé «100% de (s)es capacités». Le bagage acquis au cours des deux dernières années lui a permis de vivre une expérience beaucoup plus concluante dans les montagnes helvètes que lors de sa première participation avec SpiderTech en 2012.

«C'était comme le jour et la nuit, résume-t-il. La première fois, je n'étais pas prêt à ce niveau, à la haute montagne. Cette fois, je suis arrivé préparé, beaucoup plus fort, plus léger aussi. J'ai donc passé à travers avec beaucoup moins de fatigue. Je pouvais tirer toute une journée sans craindre de me faire lâcher le lendemain et ne pas faire le temps limite. C'était pleinement satisfaisant de voir l'évolution.»

Seul incident à déplorer pendant le départ neutralisé de la quatrième étape: il a heurté un mur en voulant éviter une chute pendant le départ neutralisé de la quatrième étape. Blessé à la jambe gauche, il s'est néanmoins rendu jusqu'au bout, avec un peu d'aide des anti-inflammatoires.

Satisfait de sa récente cinquième place aux championnats canadiens de Lac-Mégantic, derrière un Svein Tuft intouchable, Boivin s'emploiera dans les prochaines semaines à affiner sa pointe de vitesse. Quelques séances de derrière-moto sont à l'horaire, dont l'objectif subsidiaire sera de ne «pas trop vomir»...

Inscrit sur la «longue liste» de Cannondale pour le Tour de France, Boivin savait bien que sa participation était hautement improbable, à moins d'ennuis à deux ou trois de ses coéquipiers. Il ne croit pas perdre au change avec cette occasion d'occuper le siège du sprinter protégé dans des courses du circuit World Tour.

«Pour moi, c'étaient deux opportunités incroyables, constate-t-il. Faire le Tour, émotionnellement, c'est vraiment cool. C'est ce dont tout coureur rêve. Rationnellement, rendu où je suis dans ma carrière, c'est mieux de pouvoir essayer de gagner des courses.» Et le plus tôt sera le mieux.

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(1) Boivin et son ami Phinney ont terminé à égalité pour le bronze.