Avec la sortie du film La petite reine, inspiré - mais pas calqué - sur l'histoire de Geneviève Jeanson, La Presse s'est entretenue avec l'ex-cycliste, qui a connu la gloire et la déchéance après avoir été trouvée coupable de dopage.

Q: Dans quel état d'esprit êtes-vous?

R: Je suis heureuse. J'aime bien ma vie. Je suis beaucoup plus sereine qu'avant. Je suis assez zen, je pense. Le fait de décider d'agir sur ma propre vie m'a beaucoup calmée. Mais c'est un processus en constante évolution.

Q: Qu'avez-vous pensé du film?

R: Je l'ai adoré. C'est super bien joué. Il y a beaucoup d'action. On est toujours au bout de notre siège. C'est très véridique au niveau de l'intensité, des émotions et des événements dramatiques. Je me demandais (en le voyant) comment j'avais fait pour survivre à ça.

Q: En quoi vous êtes-vous le plus reconnue dans Julie Arseneau?

R: Dans son besoin d'être aimée.

Q: Est-il vrai que la réalisation du film vous a redonné le goût de faire du vélo?

R: Absolument. Après avoir été prise pour dopage, j'ai continué à en faire un peu, mais je me suis rendu compte que je me définissais par ça. Si je ne faisais pas de vélo une journée, je me sentais coupable. Alors, j'ai tout vendu en me disant que je devais trouver ce que j'aime; d'autres sports ou activités culturelles et intellectuelles par lesquels je sentirais le même sentiment d'accomplissement. J'ai arrêté durant sept ans. J'ai fait du yoga, du hiking, beaucoup de marche, mais je ne voulais rien savoir du vélo.

Q: Comment s'est passé ce retour?

R: Je savais que Laurence (Leboeuf) et les actrices allaient s'entraîner et je voulais faire du vélo avec elles. Je me suis acheté un modèle Argon 18 chez Cycle Gervais Rioux. Je suis allée en Arizona pour me refaire la jambe (rires). Puis, je suis allée en Belgique avec les filles pour le tournage. La première journée où j'ai roulé avec elles, nous sommes allées faire le mur de Huy. Au début de l'ascension, Alexis Durand Brault faisait du repérage. Toutes les filles sont arrêtées pour le saluer. Moi, la seule chose que je voulais, était de le faire, de me débarrasser de cette montée. Je l'ai fait d'une traite pour ensuite redescendre.

Q: Qu'est-ce qu'était l'EPO pour vous?

R: C'est une prison. C'est le mot le plus fort et le plus évocateur.

Q: Si c'est une prison, pourquoi en prendre tous les jours?

R: Je pense que c'est parce qu'on ne sait pas comment vivre en dehors de la prison.

Q: Avez-vous demandé pardon?

R: J'ai demandé pardon à beaucoup de gens. Parce que j'ai fait de la peine à beaucoup de gens. Je ne vous dis pas à qui, mais j'ai demandé pardon aux personnes envers qui je devais le faire. Elles le savent.

Q: Lyne Bessette a exprimé ces derniers jours son irritation face aux athlètes dopés qui ne paient pas leur dû, ont reçu beaucoup d'argent en trichant et après s'être excusé, poursuivent leur vie comme si de rien n'était. Avez-vous des commentaires?

R: Elle a le droit à son opinion. Elle a le droit de ne pas me pardonner. Ma suspension n'est pas terminée encore (10 ans). J'ai participé à des enquêtes, j'ai donné mon opinion sur plusieurs choses, j'ai appelé la WADA (Word Anti-Doping Agency), mais je pense que ce qui est important, c'est pour le futur. Si le film est capable de donner des indices à des parents, à des jeunes, et le prévenir (le dopage), c'est ainsi qu'il faut regarder les choses.

Q: Condamnez-vous ceux qui prennent des produits dopants dans le sport professionnel?

R: Moi, je ne le referais pas. Je peux juste parler pour moi-même.

Q: Qu'avez-vous fait de vos trophées et médailles?

R: Je n'en ai plus et je n'ai pas de regrets. Je ne sais pas où ils sont. J'en ai jeté juste parce que c'était juste des affaires, du stuff... Pour moi, mes souvenirs sont dans ma tête. Ce n'est pas en les regardant que je vais me dire que j'ai accompli quelque chose.

Q Parlez-nous de votre évolution académique?

R: Durant mon séjour à San Diego, j'ai fait des cours en massothérapie, médecine douce et nutrition. J'ai complété mon cégep en sciences santé. J'ai été acceptée dans le programme d'honneur de l'Université Concordia en neurosciences où je dois maintenir une note minimale (B+ je crois).

Q: Pour finir, avez-vous confiance en l'être humain?

R: Absolument. Mais au début, il est important que je me pardonne moi-même. Quant à l'opinion des gens, je ne peux pas la contrôler. C'est sûr que j'espère être aimée, j'espère contribuer à la société d'une façon positive, mais il fallait en premier que je fasse la paix avec moi. C'était la base de tout.