Faute de débouchés dans le peloton européen, Dominique Rollin, l'un des meilleurs cyclistes canadiens de sa génération, est forcé de se retirer. À regret et avec tristesse.

Après s'être buté le nez contre des portes fermées tout l'automne, l'athlète de 31 ans était résigné depuis janvier. Encore sous le coup de l'émotion, il ne se sentait simplement pas le courage d'annoncer sa retraite. Avant de rendre la nouvelle publique cette semaine, il a transmis un texte à une vingtaine de proches et de commanditaires qu'il souhaitait remercier. À son grand dam, ce message privé a été publié sur un site internet lundi soir.

Pris de court, Rollin rédigeait un communiqué quand il a répondu à l'appel de La Presse à sa résidence de Gérone, en Espagne, tard hier soir.

« Ce n'est pas facile », a admis le cycliste originaire de Boucherville. « J'ai passé 19 ans de ma vie sur un vélo. Ma vie tournait autour du sport. Aujourd'hui, c'est fini, je passe à autre chose. J'avais encore des rêves à accomplir sur le vélo. Mon seul regret est de ne pas avoir eu le choix du moment où j'arrêtais le cyclisme. Ç'a été forcé. Merci, bonsoir. Je prends ça un peu dur. »

Rollin n'a pas aimé la façon dont ça s'est terminé avec FDJ.fr, l'équipe française du World Tour au sein de laquelle il évoluait depuis 2011. Déjà, à la fin juillet, il sentait le tapis lui glisser sous les pieds. Une distance s'était créée avec l'encadrement, tandis que les rendez-vous pour discuter de contrat étaient constamment remis.

La mauvaise nouvelle est arrivée sous la forme d'un simple courriel vers la mi-septembre, au moment où la plupart des équipes ont complété leurs effectifs : « Ils n'ont pas eu le courage de s'asseoir avec moi juste 30 secondes pour me dire : Dom, voilà. »

UN « MANQUE DE LEADERSHIP »

Rollin estime avoir été victime de son rôle d'équipier destiné à préparer le terrain pour les sprinters dans les derniers kilomètres. Ce travail n'a pas grand poids dans un CV dénué de résultats personnels, constate-t-il. « C'est un sport quand même assez égoïste, où tu essaies d'aller chercher des résultats individuels en travaillant en équipe », rappelle-t-il.

Ne mâchant pas ses mots, Rollin déplore un « manque de leadership » de la part de la direction sportive et de l'équipe : « C'était souvent du gros free-for-all. » Il révèle également avoir vécu « des frictions et des moments difficiles avec certains coéquipiers ». « On a réussi à résoudre ça en fin de saison et ç'a super bien été. On a fait du super beau travail ensemble. » Le Québécois a entre autres contribué à sept victoires du jeune sprinter Nacer Bouhanni, qui aurait vanté ses mérites auprès des dirigeants de FDJ.fr.

Forcé de regarder ailleurs, il savait que la tâche serait difficile dans un contexte où une centaine de coureurs cherchaient un emploi à la suite de la dissolution annoncée de cinq formations. Il a songé un temps à s'engager dans une équipe pro continentale, l'échelon inférieur, mais là non plus, rien n'a abouti.

À DEUX CENTIÈMES DE LA VICTOIRE

Originaire de Boucherville, Rollin a passé sept saisons chez les professionnels, dont les cinq dernières au plus haut niveau en Europe. Il est le seul coureur québécois à avoir disputé plus d'un Grand Tour, s'alignant deux fois sur le Giro et deux fois sur la Vuelta. Il s'est rendu jusqu'au bout tant en Italie (75e l'an dernier) qu'en Espagne (153e en 2012). Ce rouleur puissant a également pris part à trois reprises aux grandes classiques Milan-San Remo (16e en 2011), le Tour des Flandres (15e en 2011) et Paris-Roubaix.

Ses plus beaux souvenirs sportifs resteront ses victoires aux Championnats canadiens de 2006, sur la Grande Allée à Québec, et à la quatrième étape du Tour de Californie de 2008, où il avait marqué les esprits en menant à bon port une échappée-fleuve dans le froid et sous le déluge. Cette victoire lui avait ouvert les portes de l'Europe et de l'équipe Cervélo TestTeam, qui comptait dans ses rangs le vainqueur sortant du Tour de France, Carlos Sastre.

Évidemment, Rollin aurait souhaité participer au Tour, mais aussi se rendre jusqu'aux Jeux olympiques de 2016. « J'aurais aussi aimé aller chercher une première victoire en Europe. Je suis passé à un cheveu à quelques reprises. » Comme cette deuxième place au classement général du Tour de Poitou-Charentes 2010... à deux centièmes de la victoire.

Passionné de restauration et de sommellerie, Rollin compte dorénavant s'investir dans ce domaine. Pour l'heure, il restera à Gérone, un haut lieu de la gastronomie mondiale. Son vélo ne sera jamais trop loin.