Sans tambour ni trompette, un nombre record de Québécois va se joindre aux ligues majeures du vélo cette année. Une réussite qui s'explique par la progression du niveau au pays, mais aussi par la disparition d'une équipe canadienne et... «l'affaire Armstrong».

Quatre Québécois ont pour l'instant un contrat en poche pour la saison prochaine avec des équipes du ProTour, l'équivalent de la LNH du cyclisme: Dominique Rollin, François Parisien, Guillaume Boivin et Hugo Houle. Sans compter David Veilleux, qui poursuit son association avec Europcar, une équipe qui ne fait pas officiellement partie de la première division, mais qui participe à plusieurs courses d'envergure.

«Quand je suis arrivé en Europe en 2009, j'étais le seul Québécois et on était quatre coureurs canadiens dans ce temps-là, rappelle le doyen Dominique Rollin. Ça va faire du bien d'entendre parler québécois dans le peloton!»

La disparition de l'équipe canadienne SpiderTech en octobre dernier a mis au repos forcé sept Québécois. On craignait le pire pour ces coureurs alors que la saison d'embauche tirait à sa fin. Mais alors que SpiderTech évoluait en deuxième division, au moins trois anciens de l'équipe se sont déniché un boulot en première division: Parisien, Houle et Boivin.

«En ce qui me concerne, je m'en sors vraiment bien», admet François Parisien qui, à 30 ans, évoluera pour la première fois sur le circuit le plus prestigieux du cyclisme, au sein de l'équipe Argos-Shimano.

«On va être environ une dizaine de Canadiens sur le circuit ProTour et je pense que c'est une première au Canada d'avoir autant de gars, explique-t-il. Nous, on est un peu des pionniers. On ouvre des portes un peu partout en montrant que les Québécois, les Canadiens, on est capables de faire le boulot. Et tout ça va servir à la prochaine génération de cyclistes.»

Parisien rappelle qu'un préjugé a longtemps été associé aux cyclistes nord-américains. «Tranquillement, on est en train de changer les mentalités, croit-il. Ce n'est pas parce qu'on est Québécois qu'on est moins bons. Tout le monde a le même moteur, il s'agit de s'entraîner au même niveau et d'avoir les mêmes ressources.»

L'arrivée en 2010 de courses ProTour à Montréal et à Québec a aussi beaucoup fait avancer le cyclisme canadien, tout comme la victoire de Ryder Hesjedal au dernier tour d'Italie. «Sa victoire a aidé énormément à rehausser l'image des Canadiens sur le circuit international et ça a beaucoup aidé Guillaume Boivin, Hugo Houle et François Parisien à venir me rejoindre en Europe», croit Dominique Rollin.

L'Europe coupe-gorge

Pour Guillaume Boivin, qui s'est joint à l'équipe Cannondale (ancienne Liquidas), il s'agit d'un vieux rêve qui se réalise. «C'est le plus haut niveau du sport. C'est ce qu'on rêve de faire, de participer au Tour de France, dit-il. Je ne sais pas si je vais y participer, mais c'est sûr que je me rapproche de cet objectif-là.»

Mais Boivin déplore tout de même la disparition de SpiderTech. L'équipe permettait à des coureurs québécois de se trouver une équipe pour ensuite aspirer aux ligues majeures. Il se demande aujourd'hui qui va reprendre le flambeau et faire le pont. «Parce que c'est très dur pour un Canadien de signer un contrat directement avec une équipe européenne, explique-t-il. SpiderTech, ils nous voyaient courir au championnat canadien, dans les plus petites compétitions. Mais les grosses équipes européennes ne regardent pas nécessairement ça.»

Il remarque aussi que l'atmosphère n'est plus du tout la même chez Cannondale. «En Europe, on va à la job et il faut gagner des courses. Tandis que chez SpiderTech, c'était plus une famille avec des amis et tout, explique Boivin. C'est un nouveau défi.»

François Parisien admet qu'il sera «bizarre» de courir contre ses anciens coéquipiers de SpiderTech. Il réalise aussi que «ça va être un apprentissage de courir à ce niveau-là».

Le coureur de 30 ans avance une autre piste pour expliquer le nombre record de Québécois en Europe. Selon lui, les révélations sur le dopage en 2012 et les suspensions auraient fait de la place dans le peloton. «C'est dommage d'avoir des imbéciles comme [le Canadien] Michael Barry qui ont triché et privé une génération complète... ces tricheurs-là nous ont privés de pouvoir courir à ce niveau-là, lance-t-il. Maintenant que ces imbéciles-là s'en vont, on est capables de performer.»

«Je pense que le grand nettoyage au niveau du dopage va beaucoup aider notre sport», tranche Parisien.

Dans les ligues majeures

François Parisien


30 ans, Argos-Shimano

«Ça va être un apprentissage de courir à ce niveau-là. Étant donné que je suis un petit coureur qui excelle en montée, je vais probablement participer aux classiques ardennaises: Liège-Bastogne-Liège, la Flèche wallone, Amstel Gold Race... Ce sont les premières classiques avec des côtes. Je ne pense pas participer aux classiques flandriennes. Pour la suite, j'ai demandé de participer à mon premier Grand Tour. L'équipe veut observer mes performances et ils vont prendre leur décision.»

Photo La Presse Canadienne

Guillaume Boivin

23 ans, Cannondale

«J'espère trouver ma place dans les classiques et peut-être aussi participer à un Grand Tour en cours d'année. Je veux simplement prouver que j'ai ce niveau-là, aider les gars à remporter des courses et parfois avoir ma chance.»

Photo La Presse

Hugo Houle

22 ans, AG2R

Alors qu'il s'apprête à entamer la saison de sa vie, Hugo Houle a vécu un drame: la mort de son frère, happé par un automobiliste pendant qu'il faisait son jogging, juste avant Noël. «J'ai retardé mon départ de deux semaines. J'ai commencé le 3 février avec le Tour du Qatar. Je voulais reprendre le plus rapidement possible. Je pense que c'est ce que mon frère aurait voulu. Je m'en vais un peu vers l'inconnu. Je n'aurais jamais cru faire partie d'une équipe aussi prestigieuse, même si j'en rêvais. Ça va être une belle expérience de vie.»

Photo archives Le Soleil

Dominique Rollin

30 ans, FDJ

«J'aimerais aller chercher un résultat sur les classiques fin mars et début avril. Je suis parti en Espagne pour aller rouler au chaud et préparer ma saison. Normalement, je devrais prendre part au Tour d'Italie. Si je peux aller chercher une victoire d'étape, ce serait vraiment une réussite.»

Photo fournie par Cervélo

David Veilleux

25 ans, Europcar*

«Je vais essayer d'avoir un bon début de saison avec les classiques, d'être un bon coéquipier. Après, je vais me préparer pour être possiblement au Tour de France. Ce serait ma première participation au Tour. Je suis passé tout près l'été dernier, mais cette année sera peut-être la bonne.»

*Bien qu'Europcar ne fasse pas partie du ProTour, elle participe à plusieurs courses en première division.

Photo La Presse