Si les aveux de Lance Armstrong à Oprah Winfrey se voulaient la première étape d'une vaste opération de relations publiques en vue de refaire son image aux yeux du public, les réactions qu'ils suscitent depuis leur diffusion, jeudi soir, laissent croire que le cycliste américain aura fort à faire pour regagner l'estime du milieu.

Pour Christiane Ayotte, qui dirige le laboratoire de contrôle de dopage de l'Institut Armand-Frappier de l'INRS, Armstrong n'a rien révélé qui n'était pas connu.

«Pour certains, ça peut paraître surprenant, mais ça ne disait rien que l'on n'ait déjà su. Tout avait déjà été dit par ses coéquipiers qui ont été piégés par les filets de l'antidopage. (Floyd) Landis et (Tyler) Hamilton nous avaient déjà tout dit ça, dates à l'appui.

«C'est décevant que ça vienne si peu, si tard, après des années de mensonges.»

D'ailleurs, la professeure Ayotte note qu'Armstrong s'est bien gardé de donner quoi que ce soit à ceux qui font la lutte au dopage.

«Que ce soit l'Agence antidopage américaine (USADA) ou l'Agence mondiale antidopage (AMA), qui veulent des confessions détaillées de sa part, qu'il nomme (son ancien médecin Michele) Ferrari ou (son directeur sportif lors de ses sept conquêtes du Tour de France, Johan) Bruyneel, qui est poursuivi pour pratiques dopantes, il n'en n'a pas glissé un mot. Ces agences n'ont donc rien à se mettre sous la dent. Il leur a plutôt fait un pied-de-nez en refusant de parler de ces gens-là.»

Louis Garneau, l'ex-cycliste professionnel devenu homme d'affaires, croit quant à lui que tout cela n'est qu'un immense cirque, de la poudre aux yeux qui n'a pour objectif que de faire reprendre le contrôle de sa vie à Armstrong après cette tempête médiatique. Armstrong pourrait bien devoir rendre des comptes - Garneau croit même qu'il pourrait devoir faire de la prison, comme la sprinteuse déchue Marion Jones, et peut-être déclarer faillite - c'est sa reprise en main qu'il prépare.

«C'est la préparation d'un grand plan de relations publiques et de la réorganisation de sa vie, a-t-il dit lorsque joint par La Presse Canadienne. En devenant porte-parole de la lutte au dopage, il va faire des conférences, qu'il va monnayer s'il a fait faillite. Il va recréer une fondation; écrire un livre et selon moi être derrière un projet de film, dans lequel il sera le personnage principal. C'est du moins l'analyse que je fais de la situation.

«Même lui le disait (jeudi): "Je suis une personne contrôlante". (Jeudi), nous étions dans la première étape de sa réorganisation.»

Pour Dick Pound, ex-président de l'AMA, ces aveux manquaient de tonus.

«Je ne suis pas du tout surpris par ces aveux, a-t-il déclaré sur les ondes de RDI. Mais des questions demeurent: comment ce système a-t-il pu exister sous les yeux de l'Union cycliste internationale (UCI) pendant toutes ses années? Qui sont ses complices à l'extérieur de ses équipes?»

D'ailleurs, Pound a déclaré plus tôt cette semaine que s'il est prouvé que l'UCI a camouflé cette affaire, la solution pourrait être d'exclure le cyclisme des JO. Une option qui, autant pour Ayotte que pour Garneau, n'est pas envisageable.

«Jamais, a prestement répondu Ayotte. Je ne peux voir comment les JO exclueraient le cyclisme. Cela dit, l'UCI, aujourd'hui, est particulièrement heureuse de ne pas avoir été entachée par des éléments de la contrition de Lance Armstrong, qui a fait bien attention de ne rien dévoiler.»

«Je pense que M. Pound a été un petit peu émotif en faisant cette déclaration, a pour sa part indiqué Garneau. On ne peut pas condamner tous les cyclistes et toute l'organisation. Je pense que ça va prendre une grosse enquête afin de savoir ce qui s'est réellement passé. Il faut faire attention: on ne punit pas tout le monde pour peut-être une vingtaine de personnes qui ont triché. Mais c'est certain qu'une commission étudiera sûrement les doutes soulevés à l'endroit de l'UCI.»

«L'UCI ne sera jamais reconnue comme ayant commis de la collusion», a ajouté Ayotte, qui n'est cependant pas prête à donner l'absolution à la fédération.

«Ils sont peut-être satisfaits d'une lutte antidopage "pépère", comme plusieurs le sont. Tant pis. Maintenant il faudra espérer qu'on passe à une autre vitesse, afin que la lutte au dopage se fasse de façon plus sérieuse.»